Petraeus, mine de rien

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Petraeus, mine de rien

Webster G. Tarpley, journaliste et auteur de biographies critiques des deux derniers présidents des USA, nous dresse, dans un article en libre accès sur son site, un intéressant tableau de la situation politique du camp républicain. Il développe l'hypothèse d'un Petraeus candidat aux fonctions présidentielles en 2012, en s'appuyant sur la récente “révélation” du potentiel minier afghan dont le montant s'élèverait à des milliers de milliards de dollars.

Selon Tarpley, cette nouvelle n'en est pas une ; au contraire c'est un fait connu depuis l'invasion des Soviétiques dans les années 80. Et les “trillons” de dollars n'existeront dans le monde tangible qu'après le développement des infrastructures minières nécessitant elles-mêmes la pacification du pays, et un début d'exploitation confirmant les estimations initiales. Comme le dit Petraeus, cité pour l'occasion : “There are a lot of ifs.” Alors, pourquoi le New York Times emballe-t-il comme une révélation des informations aussi anciennes qu'hypothétiques ?

La réponse est du côté des cuisines du Parti Républicain. L'invasion de l'Afghanistan constitue la pierre angulaire de leur politique belliciste ; sans elle, tout l'édifice s'effondre. Or, la nouvelle intervient juste au moment où les "alliés" en Afghanistan se retirent sur la pointe des pieds, laissant les USA régler la note. La promesse de gains pharaoniques devrait regagner le soutien de Wall Street à une guerre dont la note ne cesse de s'allonger, tout en affaiblissant un Obama démissionnaire qui laisserait le terrain aux investisseurs Chinois et Européens. Tant pis si le coup de l'invasion autofinancée a pour précédent l'Irak, dont on attend toujours que les dividendes du pétrole règlent la facture abyssale.

Cette “nouvelle” qui n'est jamais qu'un coup médiatique en faveur de la guerre déroule un tapis rouge sous les pieds de Petraeus (deux semaines avant qu'Obama en fasse le remplaçant de McChrystal). Tarpley analyse la situation du camp républicain : même si ses appuis d'extrême-droite demeurent solides, il est en train de perdre un centre que n'épouvante plus le mot de “socialisme ”. D'où le besoin pour 2012 d'un candidat rassurant, traditionaliste mais non fanatique. En 2008, McCain a montré qu'il y avait de la place pour ce positionnement “modéré” (aux yeux des Républicains d'extrême-droite il s'entend). L'étiquette de militaire victorieux attachée à Petraeus lui permettrait d'échapper à la vindicte générale contre les politiciens, et de récupérer des voix du côté Tea Party où les anciens militaires sont nombreux.

Tarpley estime que s'il accédait à la fonction suprême, Petraeus bénéficierait de l'aura qui convient pour instaurer divers états d'urgence et briser les mouvements de contestation populaire découlant de l'aggravation de la situation économique des USA. Petraeus aurait alors moins à voir avec Eisenhower qu'avec von Hidenburg, le chancelier en place au début des années 30 alors que l'Allemagne sombrait dans le chaos.

Malgré l'audace de certains points hypothétiques, l'analyse de Tarpley sonne juste car elle réduit une histoire de complot pour la mainmise sur les ressources naturelles à une tambouille purement washingtonienne où prédominent le court terme et les effets d'image les plus superficiels (comme quoi les standards de l'ère W. Bush sont faits pour durer). Elle montre également comment l'invasion de l'Afghanistan, pour ce qu'elle a de criminel et de vain, demeure un point d'appui essentiel de la politique des partis aux USA.

Laurent Caillette

Référence : http://tarpley.net/2010/06/18/afghan-mineral-wealth-designed-to-prolong-us-occupation.