Pédagogie polonaise

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Pédagogie polonaise

• Articles du 10 décembre 2021. • Question posée aux divers populistes français (FN et d’autres) : comment justifier leur soutien à la Russie et leurs liens avec le gouvernement polonais alors que le second déteste la première ? • Selon notre vocabulaire moderne-tardif, il faut “faire de la pédagogie”, pour qu’on s’entende entre populistes et traditionnalistes. • Il paraît que les Polonais commenceraient à comprendre. • La devise de ces temps-devenus-fous est : “Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?” • Contributions de dedefensa.org et Maxime Perrotin.

On recueille dans cet article ci-dessous divers avis venus de divers populistes français, terme entendu au sens le plus large et sans souci, ni des étiquettes ni des anathèmes, ni du droite-gauche, etc. L’article se fait à l’occasion de la “crise” ukrainienne, qui est ce ballon qui gonfle et se dégonfle régulièrement depuis 2014. Mais ce qui nous intéresse essentiellement, c’est la situation en Pologne, la position de la Pologne par rapport à la Russie, cela considéré par rapport à ce que prônent ou en jugent les diverses sources françaises. Tout cela fait énormément désordre parce que l’on cherche en général des rangements logiques et réalistes par rapport à une situation générale qui mélange les plus complets simulacres et les démarches affectivistes les plus effrénées.

D’abord, quels sont les Français à intervenir, tels qu’ils sont cités dans l’article où leurs interventions sont précisées, soit qu’elles soient accessoires, soit qu’elles soient centrales au propos.

• Mardi matin, Zemmour, parlant devant Bourdin de RTL, disait que les préoccupations russes devant ce qui se passe en Ukraine sont « tout à fait légitime de leur point de vue ».

• Le soir, sur France24, Mélenchon remarque, devant l’hypothèse évoquée, que , l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN « serait une provocation absolument incroyable [à l’encontre de la Russie] ».

Cela fait un bien étrange duo, Zemmour-Mélenchon, devenant encore plus étrange si l’on y ajoute Le Pen et le RN. Mais cela n’est étrange que parce que, devant les choses simples, règne la folle et constante imposture du simulacre qui impose d’insondables complexités du type-déterminisme-narrativiste pour les suiveurs zélés du ‘récit’ officiel. (Comme il existe une ‘théorie des nœuds’, on dirait qu’il existe une ‘théorie des narrative’.)

Ce qui nous importe ici, et dans le texte ci-dessous, ce n’est certainement pas la crise ukrainienne mais ce que la crise ukrainienne permet d’ouvrir comme débat avec les Polonais. Une interview de Marine Le Pen du 3 décembre 21 au quotidien ‘Rzeczpospolita’ fait entendre des arguments inhabituels pour les Polonais du PiS (le parti conservateur-traditionnaliste au pouvoir), à savoir que dans cette crise ukrainienne les Russes ont raison : « Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais l’Ukraine appartient à la sphère d’influence de la Russie », dit Le Pen. Cela revient à dire que, dans cette affaire ukrainienne et selon des arguments souverainistes et conservateurs qui sont ceux auxquels souscrit le PiS polonais, l’attitude juste et bonne est celle de la Russie.

L’argument est largement développé par un parlementaire européen FN du groupe Identité et Démocratie représentant au Parlement Européen les droites nationales (ceux que la presseSystème appellent faussement “extrême-droite” puisque l’extrême-droite n’évolue pas, par nature, dans le système parlementaire démocratique qu’elle veut abattre). Gilles Lebreton est allé aussi à Varsovie et a rencontré diverses personnalités, notamment du PiS au pouvoir, en même temps grand ami des Français du Rassemblement National.

Lebreton dit deux choses :

• Les Polonais commencent à comprendre qu’ils devraient reconsidérer leur jugement sur la Russie à la lumière des réalités géopolitiques, et surtout culturelles et ‘civilisationnelles’ intimement liées aux enjeux géopolitiques ;
• mieux, ils devraient régulariser leurs relations avec la Russie, en abandonnant cette hostilité farouche qui fait le jeu de l’OTAN et des USA, – dont les Polonais sont bien entendu très proches, malgré toutes les contradictions de cette attitude puisque les principaux propagateurs des idéologies déconstructrices (wokenisme) sont les USA, et les principaux adversaires les Russes :

« Nous avons la conviction qu’il est dans l’intérêt de la Pologne d’avoir des relations normales avec la Russie ».

Nous ne sommes pas autrement convaincus que les Polonais soient en train d’évoluer, mais il est bon qu’ils aient trouvé des interlocuteurs, par ailleurs leurs amis “civilisationnels”, qui tiennent ce discours de raison sur la Russie. On a déjà souvent mis en évidence combien la Russie devrait être en vérité, pour les Polonais, un pôle d’attraction. Dans sa dernière chronique, Orlov met en évidence ce fait que nous suivons depuis longtemps (d’une façon explicite depuis décembre 2013, dans le chef des paléoconservateurs et libertariens US), – à savoir que la Russie est aujourd’hui le point de ralliement des conservateurs et des traditionnalistes, au moins en déshérence du bloc-BAO.

Ce qui nous paraît extraordinaire, bien entendu, c’est qu’il faille des années, voire deux décennies depuis que le masque est tombé (le 11-septembre), pour que des esprits profondément conservateurs et traditionnalistes, c’est-à-dire antiSystème dans les conditions présentes, commencent simplement à accepter de discuter de cette affirmation. C’est bien en cela que ce qui a la simplicité de l’évidence n’échappe pas à la complexification colossale, avec les mélanges contradictoires, la rupture des liens de causalités, etc., et, bien entendu le mensonge et le simulacre omniprésents, dont les producteurs et les manipulateurs ne sont eux-mêmes pas conscients de leur nature (de mensonges et de simulacres).

Les Polonais ne sont d’ailleurs pas le seuls à se débattre sans s’en apercevoir dans ces contradictions mortelles. Nombre d’intellectuels (et bien entendu, d’hommes politiques, complètement aveugles à cet égard) sont incapables, lorsqu’il s’agit de la Russie, de se détacher de la classification de l’idéologie-Système (“dictature”, illibéralisme, etc.) tout autant que des lourds stéréotypes de la Guerre Froide, elle-même trafiquée à souhait pour ce qui est des jugements moraux et autres. Le cas est très fortement accentuée en France, comme on a pu le voir lors de la crise des migrants entre la Pologne et la Biélorussie : nombre d’antiSystème, proches des populistes ou des souverainistes, adversaires des migrations incontrôlées, se sont rangées du côté de la Pologne, ce qui pouvait se concevoir, mais en désignant souvent comme ennemi, à la fois stratégique et sociétal, la Russie derrière la Biélorussie.

La remarque la plus encourageante ramène à l’opposition absurde des conflits, – d’un côté la Pologne contre la Russie concernant les migrants, de l’autre l’UE contre la Pologne avec sanctions à la clef concernant à peu près tout ce qui constitue une souverainetés juridique, droit à la migration compris : «

« Car c’est bien là l’ironie de la situation, dans sa boulimie de sanctions Bruxelles a réussi le pari jusque-là impossible de créer un point commun entre Moscou et Varsovie » (Lebreton).

Le texte de Maxime Perrotin, sur Spoutnik-France le 8 décembre, est justifié par la crise ukrainienne qui occupe une place conforme à l’importance qu’on lui accorde. Mais l’introduction de la question polonaise (Pologne-UE et Pologne-Russie) à la lumière des rassemblements politiques transeuropéens, nous informe aisément que cette question-là doit être détachée de la crise ukrainienne, qu’elle a sa propre importance, beaucoup plus signifiée par le conflit Pologne-UE, et qu’elle doit à cet égard supplanter la crise ukrainienne qui n’est qu’une manipulation permanente pour alimenter l’extraordinaire médiocrité des conflits internes de Washington “D.C.-l’hyperfolle”, entre les extrémistes bellicistes neocons-R2P et un Biden beaucoup trop vieux, beaucoup trop fatigué, beaucoup trop encalminé dans ses crises internes pour envisager sérieusement un conflit à propos de l’Ukraine.

dedefensa.org

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Une « provocation inacceptable »

Face au risque d’embrasement en Europe que pourrait provoquer une intégration de l’Ukraine dans l’Otan, des voix s’élèvent pour que les Européens prennent leurs distances avec Washington au profit d’une politique étrangère équilibrée. Analyse.

« Ni promesses ni concessions » : telle est la ligne qu’aurait tenue Joe Biden face à Vladimir Poutine, à en croire Jake Sullivan, Conseiller à la Sécurité nationale du Président américain.

Lors de leur entretien en visioconférence le 7 décembre, le locataire de la Maison-Blanche aurait ainsi adressé une fin de non-recevoir à la demande du Président russe de « garanties juridiques sûres » que l’Otan ne s’élargirait pas à l’Ukraine. Un rendez-vous au sommet qui a également permis au chef d’État américain de menacer son homologue russe de « fortes sanctions, entre autres économiques » en cas d’escalade militaire en Ukraine.

L’Ukraine dans l’Alliance atlantique, « ce serait une provocation absolument incroyable » à l’encontre de la Russie, affirmait Jean-Luc Mélenchon sur le plateau de France24 alors même que l’entretien des deux Présidents était en cours.

« L’Ukraine a été russe pendant des siècles, il faut comprendre que les Russes n’ont pas envie de voir les Américains et l’Otan débarquer à leurs frontières. C’est tout à fait légitime de leur point de vue », répondait le matin même Éric Zemmour à Jean-Jacques Bourdin.

Même son de cloche pour Marine Le Pen qui, depuis Varsovie, estimait le 3 décembre qu’« en l’état actuel » des choses, l’Ukraine n’avait pas sa place dans l’Alliance atlantique. « Vous pouvez dire ce que vous voulez, mais l’Ukraine appartient à la sphère d’influence de la Russie », affirme-t-elle sans ambages dans une interview au quotidien ‘Rzeczpospolita’.

L’élargissement de l’Otan avec l’Ukraine « peut être perçu comme une marque d’hostilité [par Moscou], bien entendu, c’est même logique de le percevoir ainsi ! », insiste auprès de ‘Spoutnik’ l’eurodéputé Identité et Démocratie Gilles Lebreton.

« On accuse régulièrement la Russie d’être agressive, faisant allusion à l’annexion de la Crimée […], mais même en admettant que la Russie soit blâmable –ce qui n’est pas mon avis–, ce n’est pas une raison pour faire de la provocation, pour que l’Otan s’amuse ainsi à essayer d’étendre sa sphère d’influence aux frontières de la Russie. C’est une forme de provocation et elle est beaucoup plus injustifiable ! » développe Gilles Lebreton.

Des déclarations qui s’inscrivent dans la « perception gaulliste » des affaires étrangères que Marine Le Pen entend réinsuffler à la France en cas de victoire en avril prochain. « Il ne faut pas céder à la politique des blocs », insiste ce proche de Marine Le Pen. À ses yeux, la France doit avoir ainsi en matière d’affaires étrangères une « politique indépendante » qui « repose sur un juste équilibre entre les États-Unis, qui sont traditionnellement des partenaires, et la Russie, qui est trop maltraitée à l’heure actuelle ». Une règle d’or que Lebreton espère également voir s’appliquer à « l’Europe des nations » défendue par Marine Le Pen.

Pour cet eurodéputé, l’UE est actuellement non seulement bien trop hostile à la Russie, mais surtout bien trop suiviste vis-à-vis des États-Unis et de leurs intérêts. Washington qui a par le passé entraîné ses alliés dans des « guerres inutiles », souligne au cours de son interview à ‘Rzeczpospolita’ l’ex-présidente du Rassemblement national. Une fois aux commandes, celle-ci n’entendrait ainsi pas « accepter la subordination aux Etats-Unis ».

Des déclarations qui dénotent dans les colonnes d’un média libéral-conservateur polonais, Varsovie faisant partie des capitales européennes les plus farouchement hostiles à Moscou et, jusqu’à l’élection de Biden, l’une des plus proches de Washington. Mais Gilles Lebreton l’assure: prêter à Marine Le Pen une quelconque intention de nuire aux intérêts polonais serait faire fausse route.

« Nous nous considérons comme des alliés du PiS [parti Droit et justice, au pouvoir à Varsovie], donc de la Pologne. Par conséquent, notre position à l’égard de la Russie est une position de responsabilité, à la recherche d’un équilibre international, mais ce n’est absolument pas dirigé contre la Pologne, insiste l’eurodéputé, et je crois qu’ils commencent à le comprendre ».

« Nous avons la conviction qu’il est dans l’intérêt de la Pologne d’avoir des relations normales avec la Russie», ajoute l’élu qui revient sur cette « balle dans le pied » que les Européens se sont tirée via les sanctions contre Moscou. Des restrictions qui n’ont « fait qu’envenimer la situation », estime-t-il. Car c’est bien là l’ironie de la situation, dans sa boulimie de sanctions Bruxelles a réussi le pari jusque-là impossible de créer un point commun entre Moscou et Varsovie.

En effet, pour atteintes aux « valeurs européennes », Varsovie s’est vue infliger par la CJUE une amende quotidienne d’un million d’euros. Des « valeurs européennes » également brandies pour sanctionner la Hongrie suite à sa loi contre la promotion de l’homosexualité.

Une sanctionnite chronique de l’UE, jusqu’à présent contre-productive, qui ouvre un couloir à Marine Le Pen. Toujours depuis Varsovie, celle-ci accuse les Européens d’être les « pompiers pyromanes » de la crise ukrainienne.

Il faut dire qu’au-delà des seules sanctions contre la Russie ou du soutien à une intégration de l’Ukraine au sein de l’Otan, certaines chancelleries européennes qui ont insisté pour prendre part à la « résolution du conflit » ukrainien ont tout simplement brillé par leur inaction. Aux premiers rangs de ces abonnés absents ces six dernières années, la France et l’Allemagne.

Pourtant signataires des accords de Minsk en 2015, Paris et Berlin ont laissé la situation se dégrader en ne poussant jamais Kiev à respecter sa part des accords. Une inaction qui a d’une part laissé le champ libre à Washington pour s’imposer comme seul interlocuteur entre l’Ukraine et la Russie, mais qui a également favorisé les bellicistes à Kiev.

Alors que, suite aux allégations de la presse américaine et des autorités ukrainiennes, les Occidentaux accusent la Russie d’ourdir l’invasion de l’Ukraine, celle-ci se prépare sans encombre à la guerre dans le Donbass. Reléguant au rang de « crises d’hystérie » ces allégations ukraino-occidentales à son encontre, Moscou a dénoncé le 1er décembre l’envoi de 125.000 soldats ukrainiens sur la ligne de contact, soit « la moitié des forces armées » du pays.

Une violation flagrante des accords de Minsk. Mais, du côté de Kiev, on ne cache plus depuis des mois son intention de déchirer cet accord de paix. Une « attitude destructrice » de Kiev, qu’a d’ailleurs dénoncée Vladimir Poutine. En réponse aux menaces des Américains, le Président russe les a enjoints à ne pas « rejeter la responsabilité sur les épaules de la Russie ». Reste à savoir comment l’Ukraine pourrait percevoir une énième sourde oreille des Occidentaux aux mises en garde de Moscou…

Maxime Perrotin