Nous sommes all French

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Nous sommes all French


18 février 2003 — Dans le texte de cet article du Christian Science Monitor du 18 février, on trouve cette remarque si révélatrice de l’extraordinaire évolution des choses, — en quelques jours, une petite semaine : « After the Sept. 11 terrorist attacks, a French newspaper ran the now-famous headline, “We are all Americans.” Now, with growing resistance worldwide to the idea of a US-led war in Iraq, a new slogan — ”We are all French” — is dotting antiwar protests, referring to the French government's out-front opposition to war. »

Un autre article révélateur est celui de Fred Barnes, dans the Weekly Standard du 17 février. Barnes est un des commentateurs attitrés de l’hebdomadaire qui représente la voix la plus “autorisée” du mouvement néo-conservateur américain. Nous reproduisons ci-dessous la première partie de cet article, qui est une violente attaque contre “la gauche” en général (américaine, mais l’argument vaut pour le monde), instigatrice paraît-il de la vague de manifestations anti-guerre (aux USA mais l’argumernt vaut pour le monde). Cette analyse est bien entendu complètement partisane, infondée et tordue par rapport à la réalité ; s’il y a, aujourd’hui, un mouvement oecuménique et aussi peu marqué politiquement que possible, c’est bien celui de la résistance à la guerre. Mais peu importe, rien pour nous surprendre et rien de nouveau dans cette partisanerie ; l’intérêt est plutôt dans le ton, dans l’orientation de l’article, d’ailleurs basé sur le dernier argument en date lancé par Tony Blair, lui aussi largement défensif : les partisans de la paix sont en train de défendre un régime d’assassins, donc de trahir la population irakienne qui attend avec une grande impatience ses libérateurs occidentaux. Ils sont en train de saboter une grande oeuvre.


« There was a time, — the 1960s, 1970s — when the political left in America favored wars of national liberation in countries ruled by dictators, some of them fascist dictators. True, the left would have installed communist dictatorships in their place. But at least leftists targeted enemies who were corrupt, brutal abusers of human rights.

» Now the left has flipped. The effect of its crusade against war in Iraq would be the survival — indeed, the strengthening — of Saddam Hussein's oppressive regime. The left has brushed aside the pleas of Iraqi exiles, Kurds, and Shiite Muslims who are seeking liberation from Saddam's cruelty. Instead, leftists have targeted those who would aid the Iraqi dissidents, particularly the Bush administration.

» The corruption of the left has deepened in recent years. At no time was this more evident than last Saturday when large antiwar protests were staged in New York, San Francisco, and other cities in the United States and around the world, including London. Did the demonstrators march on the Iraqi consulate in New York to demand an end to Saddam's murderous practices? No. Did they spend time condemning him in their speeches and placards? Nope. Did they come to the defense of Saddam's victims? No. The left now gives fascist dictators a pass. Its enemy is the United States.

» No one has explained this better than British prime minister Tony Blair in a speech Saturday. If he took the antiwar demonstrators advice, Blair said, “there would be no war, but there would still be Saddam. Many of the people marching will say they hate Saddam. But the consequences of taking their advice is he stays in charge of Iraq, ruling the Iraqi people . . . There will be no march for the victims of Saddam, no protests about the thousands of children that die needlessly every year under his rule, no righteous anger over the torture chamber which, if he is left in power, will be left in being.”

» In ignoring the 25 million Iraqis who suffer under Saddam's autocratic rule, the left has stripped any moral dimension from the antiwar cause.(...) »


Le ton est remarquablement défensif. Il n’est plus temps d’affirmer le caractère irrésistible de la marche vers la guerre, les projets grandioses de reconstruction du Moyen-Orient en démocraties clé-en-main, le droit naturel des USA à réagir le monde et à dispenser son impérialisme bienfaisant. L’argument est quasiment clintonien dans son humanitarisme sollicité (Clinton ne disait pas autre chose que ce que dit Barnes pour justifier l’attaquer du Kosovo) ; pour des néo-conservateurs, c’est à la fois un outrage et un signe de vacillation et de repli défensif.

Les deux ou trois grands événements consécutifs de ces quatre derniers jours, le rapport Blix et la réunion du Conseil de Sécurité, les manifestations contre la paix, ont sonné le “War Party” et plongé Washington dans un grand désarroi, — comme l’on est devant des événements qu’on ne comprend pas. Le rythme vers la guerre continue mais il semble de plus en plus appartenir à une autre planète. Ce qui est touché, c’est la conviction non seulement que cette guerre doit se faire, mais qu’il est absolument écrit qu’elle se fera. Le véritable problème aujourd’hui, c’est l’absence de “Plan B” à Washington, — c’est-à-dire, un plan qui prévoirait : pas de guerre. L’administration GW est coincée dans une redoutable alternative  :

• Ou bien poursuivre vers la guerre dans des conditions de plus en plus aléatoires, non seulement d’isolement, non seulement de quasi-certitude d’absence de couverture ONU, mais, de façon encore plus préoccupante, avec la possibilité d’éventuels bouleversements extrêmement graves. (Par exemple  : combien de temps Tony Blair survivrait-il politiquement au déclenchement d’une guerre dans les conditions présentes ? Et s’il part, que va-t-il se passer sur le terrain, avec un éventuel retrait britannique ?)

• Ou bien envisager d’abandonner le projet de guerre et risquer de plonger les USA dans une crise politique et (surtout) psychologique grave tant cette guerre a été imposée, par l’administration, comme le pilier central et la justification universelle de toute la politique de l’administration, et de tout l’engagement américain dans la crise post-9/11.