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3656Nous avons développé, ces derniers mois, dans plusieurs textes, l’idée de l’apparition d’un “facteur spirituel” dans le débat politique russe, ou, dit autrement, l’apparition de l’“élément de la spiritualité” dans la politique russe prise dans son “opérationnalité”. (Voir notamment les textes du 3 mars 2012, du 5 mars 2012, du 6 mars 2012, du 16 mars 2012, jusqu’à ce même 23 avril 2012 où nous publions cette Note d’analyse…)
C’est ce phénomène que nous étudions dans dde.crisis du 10 avril 2012. Nous le prolongeons et le détaillons notamment avec la question de l’“opérationnalité” éventuelle de l’“élément de la spiritualité” dans le cadre de la politique russe, et intégrée dans cette politique russe.
Nous continuons à expliquer comment et pour quelle raison nous procédons de la sorte dans l’analyse d’un problème, ici dans le cas russe (la politique russe) et de l’“élément de la spiritualité”. Il s’agit du cas où notre méthodologie peut prendre l’aspect d’une doctrine, dans sa démarche d’apprécier de quelle façon un domaine donné de l’expérience sensible courante, dans les conditions politiques présentes, peut être décrit dans son opérationnalité lorsqu’il est apprécié d’un point de vue métaphysique ou métahistorique, “au-delà” des seules données sensibles et directement opératoires.
Bien entendu, les circonstances exceptionnelles des temps présents, autant que les domaines choisis, permettent de rendre ces hypothèses acceptables, et même de faire penser précisément qu’elles se trouvent bien au-delà de la spéculation intellectuelle, sinon proche d’une réalisation pratique. A cet égard, la situation russe est exemplaire ; en effet, comme on l’a vu, l’“élément spirituel” est apparu de lui-même, sans la sollicitation de notre spéculation.
«Notre démarche consiste effectivement à utiliser les évènements de ces temps exceptionnels comme l’on fait d’outils de convenance. Cela se comprend dans cette mesure grandiose où notre conception est que, désormais d’une façon irréfutable, de grandes forces sont à l’œuvre, que nous définissons comme métahistoriques ; qu’elles sont à l’œuvre d’une façon presque directe, sans intermédiaire, sans le tamis de l’histoire terrestre parce que l’histoire terrestre tend à disparaître, parce que dans ces temps exceptionnels le temps presse ; qu’ainsi, l’abord des évènements en s’en tenant strictement à leur domaine terrestre conduirait à s’attacher à ce qu’ils ont de plus pauvre, alors que la vérité du monde nous conduit au contraire à l’exploration de la richesse de la dimension métahistorique.
»Ainsi, aborder la question russe après l’élection de Poutine ne signifie rien de particulier qui aurait la couleur d’un engagement quelconque. Il se trouve, parce que cela est intuitivement évident selon nous, que la Russie a acquis à l’occasion de cet évènement, et à cause de lui, une position extrêmement particulière dans le cours des choses; et que cette remarquable particularité la rend directement tributaire de la métahistoire…»
Le corollaire de cette méthode, comme nous l’avons maintes fois noté dans d’autres circonstances, est la mise à l’écart comme facteurs centraux des éléments habituellement considérés comme primordiaux. «On comprend alors que nous écartons résolument tous les aspects habituels de la politique et de la géopolitique, qui nous enchaînent à ce qu’il y a de plus terrestre et de plus temporel dans ces évènements, – c’est-à-dire, compte tenu de la situation présente où le Système hermétique domine tout, ce qu’il y a de plus bas. Il est impératif de nous tourner vers l’“intuition haute” pour travailler, en privilégiant l’outil du système de la communication, qui permet par certains de ses aspects (son phénomène de “Janus”) d’accéder à la multiplicité de la perception, à la psychologie décisive des actes, a leur vérité cachée.»
On a déjà vu, dans les différents articles référencés, notre observation du processus menant à la situation envisagée par nous. Il s’agit de l’attaque lancée contre “la Russie” en tant que nation à forte souveraineté, par le moyen du processus dissolvant dit des “révolutions de couleur”.
«Pour la première fois, il apparut possible qu’un mouvement type-“révolution de couleur”, bien manipulé et efficace, pouvait effectivement conduire à une rupture politique artificielle, s’apparentant à un “coup de force subreptice”. Cette idée-là, fondamentale à notre sens et qui a pris plusieurs semaines (depuis la campagne des législatives de décembre 2011) à maturer et à s’imposer, constitue un événement à la fois temporel et spirituel d’une extrême importance ; il l’est pour la Russie, bien sûr, mais aussi pour les rapports de la Russie et du Système, pour le Système lui-même, pour la “crise haute” (voir dde.crisis du 10 février 2012) qui, désormais, caractérise notre situation générale…»
Bien entendu, nous définissons cela comme une “agression” du bloc BAO contre la Russie, d’un type nouveau, très caractéristique par ses effets structurels (déstructurants). Il va de soi que nous considérons ce type d’“attaque” comme venu plus d’une impulsion fondamentale du Système que d’un plan politique rationnellement élaboré ; d’où l’appel presque nécessaire, pour notre analyse, à une dimension spirituelle, négative dans le chef de cette attaque, positive dans le chef de la réaction qu’on verra plus loin.
»… ce point fondamental est que l’attaque se fait, avec la Russie, contre une nation à la forte identité, à la souveraineté historiquement affirmée et absolument légitimée. Dès lors, cette “agression douce” devient en même temps une agression fondamentale, déstructurante, qui rejoint l’affrontement fondamental dont le Système est la cause. Il devient alors complètement secondaire que cette guerre n’emploie pas d’arme, ni ne fasse guère de victimes ; ses conséquences potentielles portent sur la référence à cette interrogation qui règle, d’une façon ou l’autre selon l’issue de la bataille, le sort de la civilisation (ou de cette contre-civilisation)»
Nous estimons donc que, face à cette agression, il y a eu une “réaction” autre que la réaction au niveau politique et polémique habituel, bien que cette réaction directe, mais finalement secondaire dans notre appréciation générale, se soit effectivement manifestée. Quoi qu'il en soit, le fait de cette “réaction secondaire dans notre appréciation générale” joue un rôle temporairement important. Il a, dans ce cas, servi de révélateur, de déclencheur, de signal d’alarme, etc., tout cela conduisant à la réaction spécifique (“spiritualiste”) que nous tentons de mettre en évidence. D’autre part, il offre l’opportunité, examinée plus loin, d’envisager l’hypothèse de l’intégration opérationnelle de cette “réaction spiritualiste”.
Cette “réaction spiritualiste” s’est signalée essentiellement sous la forme de “signes” épars, dont la singularité permet de les inclure dans l’hypothèse envisagée… «[C]’est le constat, à l’occasion de l’épisode élections législatives (4 décembre 2011)-élections présidentielles (4 mars 2012), de “signes” convaincants, dans un climat russe très spécifique, dans le cadre d’une année qui apparaît comme symbolique d’une rupture, de signes suggérant l’apparition du facteur de la spiritualité dans la spéculation politique générale. Du coup, on le comprend, cette “spéculation politique générale” n’est plus spécifiquement politique, elle est haussée, elle devient métapolitique si l’on veut un pendant logique à la force métahistorique dont nous voyons la manifestation directe.»
D’une façon plus générale, il y eut, durant cette période, l’événement complètement inattendu, d’ailleurs resté imperceptible et inconnu pour beaucoup, d’une mobilisation psychologique de l’ensemble russe (l’appareil politique se présentant aux suffrages, les citoyens russes y répondant). Cela donna à cette élection, si l’on va au-delà des apparences du virtualisme d’agression du bloc BAO, une substance complètement inhabituelle et son résultat en acquit une essence de même valeur.
«...Le fait est que, sans qu’il y ait eu un évènement exceptionnellement grave justifiant “une mobilisation du public”, cet appel à la mobilisation s’est formé de lui-même, ou bien nous dirions qu’il a été entendu comme s’il avait été lancé alors qu’il ne l’avait pas été d’une façon explicite. Un proche de la campagne de Poutine expliqua que ce furent les premières réactions d’intérêt grave et mobilisateur saluant les premières publications de Poutine sur la question qui conduisirent le candidat et son équipe à modifier, presque naturellement, voire comme s’ils y étaient forcés par l’évidence, l’orientation de la campagne vers des thèmes plus spécifiquement concentrés sur les questions de sécurité nationale.
»Ainsi en est-il de la véritable “surprise” de la campagne électorale russe... L’inévitable Poutine, l’élu-par-avance, devint soudain, par la grâce de la forme imposée à la campagne, un candidat naturel, évident, et, bientôt, un vainqueur légitimé dans sa fonction de président. Il s’agit moins de la gloire de Vladimir Poutine, sujet annexe, que de l’essence de la Russie.»
Cette évolution, cette introduction de l’“élément de la spiritualité”, trouve un terrain fécond en Russie, avec l’existence du mouvement néo-eurasiste (néo-eurasisme, souvent désigné faussement comme eurasianisme et néo-eurasianisme). Le mouvement, dénommé selon la contraction des noms des deux faux-continents (Europe et Asie), a un très fort contenu politique, depuis la première version (eurasisme des années 1920 chez les émigrés russes fuyant le bolchévisme).
Ce n’est certainement pas ce qui nous intéresse ici. Notre intérêt va au fait de l’existence d’un mouvement de caractère politique, voire géopolitique (et soupçonné d’idéologisme immoral selon les classements habituels par certains), qui intègre dans sa conception l’“élément de la spiritualité”. L’autre élément d’intérêt est la forte influence du néo-eurasisme dans les élites politiques et la direction politique russe. Quoi qu’il en soit, le néo-eurasisme n’est cité ici que comme une illustration…
«Décidément, ce n’est pas cet aspect politique qui nous intéresse. De ce point de vue, le néo-eurasisme entre dans le jeu des tendances et des orientations politiques à l’intérieur du Système, puisque la Russie est, de ce point de vue, partie intégrante du Système, – même si ni l’un ni l’autre n’aiment le Système, même si l’un et l’autre voient dans le Système un danger mortel. Parlant politique, nous parlons d’une situation où l’universalité et l’hermétisme du Système ne laissent aucune échappée pour construire quelque chose en dehors de lui.
»Ce qui doit nous intéresser dans le néo-eurasisme, c’est ce caractère unique de la présence de la spiritualité dans son identité, non comme un élément latent, ou un élément indirect, mais bien comme un composant actif et décrit comme tel, sans la moindre ambiguïté. C’est autour de ce point que nous voulons utiliser cet instrument d’analyse et de compréhension de la situation russe ; nullement ce point du spiritualisme comme facteur de déclenchement d’une situation, encore moins d’une politique ; mais ce point du spiritualisme comme un sentiment général proche de la politique mais qui n’est pas elle, qui est plutôt un courant général, un mode de pensée échappé, lui, en tant que tel, de l’hermétisme du Système...»
…En fait, cette incursion dans le néo-eurasisme est surtout un moyen pour nous d’atteindre au cœur du problème que nous voulons traiter dans cette rubrique. Il s’agit du problème de l’“opérationnalité” de la “spiritualité”. Ce que nous nommons avec précaution l’“élément de la spiritualité”, selon une expression qui ferait de la spiritualité une entité qui pourrait être saisie comme telle et intégrée dans une politique, peut-il justement, et comment, être intégré dans une politique de façon à transformer cette politique ?
Comme nous l’écrivons plus loin dans la rubrique, il n’est pas question d’envisager une composante religieuse, ou quelque chose que ce soit de ce genre qui transforme la psychologie en l’exacerbant, et déforme nécessairement la politique, en général d’une façon monstrueuse ; il est bien question d’une intégration dans un processus d’une politique générale… «Nous ne passons pas de la politique temporelle à une exacerbation de la psychologie et de l’esprit selon un processus qui ferait du domaine spirituel nouveau venu un facteur conduisant à l’irrationalité, au fanatisme à tendance plus ou moins religieuse, etc. Non, la politique reste dans la forme de ce qu’elle est, c’est-à-dire éminemment opérationnelle, mais elle est élevée par l’ajout de la spiritualité selon un processus rationnel.»
Nous développons des observations concernant les évènements politiques russes, ou des évènements internationaux du point de vue russe, qui montrent, à notre sens, que l’hypothèse de l’“opérationnalité” de l’“élément de la spiritualité” semble avérée. L’“élément de la spiritualité” ne s’affirme pas en tant que tel, justement puisqu’il est intégré, mais il élève sans aucun doute la politique.
«Le plus important à observer est qu’il n’y eut aucune connexion apparente, justement comme celle(s) que nous décrivons. A aucun moment, les évènements de la crise haute tels qu’ils se déroulaient au Moyen-Orient, de l’Iran en Syrie, n’ont été nominalement sollicités dans la campagne électorale russe, par exemple pour appeler à une mobilisation de l’électorat, ou à un regroupement national ; c’est précisément ce qu’écrivait Dmitry Polikanov, lorsqu’il constatait que la sécurité nationale s’était installée au cœur de la campagne alors que cette circonstance est réservée aux temps de mobilisation ( “...and are resorted to at times when some mobilization of the general public is needed”), – impliquant qu’il n’y avait pas de cette sorte de mobilisation... D’où notre observation qu’il y eut en vérité une mobilisation, que celle-ci ne transita nullement par un schéma électoral, qu’elle imposa à la campagne son rythme et sa couleur sans se découvrir comme telle. Quant aux évènements du Moyen-Orient où la Russie figura de plus en plus fortement, ils ne semblèrent à aucun moment avoir le moindre rapport avec la situation intérieure (électorale) en Russie ; pourtant, notre conviction est que ce rapport exista, et avec la plus grande puissance possible ; cela nous semble notamment apparaître dans la chronologie, où l’on voit la Russie durcir sa position sur la Syrie malgré d’intenses pressions du bloc BAO, et notamment avec le veto du 4 février, justement au moment où la campagne électorale s’incurve vers un exposé fondamental sur les questions de sécurité nationale. Là non plus, pourtant, la connexion n’est absolument pas mise en évidence, ni utilisée de quelque façon que ce soit. Elle s’impose, dira-t-on, par sa propre force, hors des intentions et des manœuvres humaines. Le facteur haut de la spiritualité impose à la fois une soudaine gravité dans la campagne électorale et introduit dans la crise haute le facteur essentiel de la fermeté russe.»
Même si tout le raisonnement est construit autour de la Russie, en fonction de la spécificité russe, des évènements impliquant la Russie et de la politique russe, son aboutissement offre l’hypothèse d’une politique générale de facture entièrement nouvelle où la Russie tient un rôle paradoxalement accessoire. Mais ce rôle accessoire serait évidemment celui qui serait assigné à tous les acteurs classiques d’une politique classique, notamment les États et leur puissance, dans le cadre d’une telle transformation radicale de la politique.
Le développement hypothétique qu’on envisage est celui d’une politique complètement transmutée grâce à l’intégration de l’“élément de la spiritualité”. La Russie tient le rôle qu’on voit dans l'opération même de l'intégration, effectivement un rôle encore essentiel à ce point. La politique ainsi créée par cette intégration est radicalement nouvelle ; littéralement, elle évolue dans un champ, voire dans un monde différent ; venue du champ historique qui implique les caractères classiques du monde qui lui correspond, elle évoluerait désormais dans le champ complètement nouveau du monde métahistorique. Les règles de ce monde métahistorique sont complètement différentes. Effectivement, les acteurs classiques que sont les États tiennent des rôles beaucoup plus secondaires, marginaux par rapport à ceux qu’ils jouent habituellement, pour ce qui est de l’importance créatrice, parce qu’ils sont soumis directement à la puissance des courants métahistoriques. Cela ne les empêche pas, bien entendu, d’y figurer comme vainqueurs ou vaincus selon les orientations qu’ils prendraient, mais ils ne seraient plus les dei ex machina du récit métahistorique, mais de simples comparses dont on attend qu’ils fassent un choix juste du parti auquel ils se soumettraient.
«L’essence même de notre propos se ramène effectivement à ce paradoxe d’apprécier, dans le développement temporel que nous avons signalé, le rôle de la Russie comme “essentiel et accessoire”, dans cet ordre précisément. Il ne s’agit pas, en insistant sur cet ordre des appréciations, de suggérer un abaissement chronologique de la Russie au travers de son rôle (“essentielle” puis “accessoire”, suggérant qu’elle a perdu son essence ou que son essence ne signifie rien que d’accessoire) ; mais, au contraire, de suggérer que par son apport essentiel, la Russie contribue décisivement à mettre à jour une situation si considérablement modifiée, dans le sens de se hausser vers des régions d’une immense plénitude, qu’elle n’y tient qu’un rôle accessoire tout en conservant son essence totale ; c’est-à-dire qu’elle “contribue décisivement à mettre à jour” une situation eschatologique, où le facteur de la spiritualité apparaît comme étant en position d’intervenir et de susciter un bouleversement considérable. Pour tous les acteurs temporels, dans une situation qui passe du domaine historique temporel au domaine métahistorique et eschatologique, cela signifie un abaissement de l’importance de l’intervention ; d’acteurs du premier rang pour ceux qui le sont (comme la Russie dans ce cas), ce serait passer au second et au-delà, presque dans la posture de figurant.»
Le dernier point que nous abordons est celui du rôle du système de la communication. L’évidence suggère que le fait de la communication est beaucoup plus favorable à l’hypothèse de l’opérationnalité de l’“élèment de la spiritualité” que les autres forces disponibles, essentiellement le technologisme (le système du technologisme), avec ses appendices comme le militarisme, la géopolitique, etc.
Au contraire, le système de la communication, par la matière sur laquelle il porte autant que par sa potentialité de “Janus”, peut susciter des fissures dans l’établissement en place pour permettre à la spiritualité de tenir un rôle opérationnel dans la politique, et transformer celle-ci.
Comme on le sait, le système de la communication a fait une irruption fondamentale dans la situation russe ces six derniers mois. Que cette irruption ait été agressive et déstructurante d’abord n’importe pas, sinon pour affirmer la puissance (réversible, à cause de l’effet-“Janus”) du système de la communication. A cet égard, les effets peuvent changer. Ce qui importe, c’est l’irruption de ce système comme acteur majeur de la scène politique russe, et transformant à mesure cette scène politique. On comprend qu’il s’agit d’un phénomène potentiellement considérable, qui joue de la même façon un rôle à mesure dans le processus d’intégration de l’“élément spirituel”.
«Notre conviction à cet égard est que, pour espérer le meilleur, c’est-à-dire pour qu’il s’élève dans sa production, pour devenir antiSystème en essence puisque c’est la mesure de la vertu, – et il le peut effectivement puisque son “aspect de Janus” nous dit qu’il est capable du pire et du meilleur, – il doit s’ouvrir à l’intuition haute qui permettra d’apprécier le matériel qu’il charrie, et de lui donner sa vérité. Nous avons souvent avancé cette thèse, qui soutient la méthodologie que nous utilisons dans notre travail, notamment notre “travail d’information” dans une époque où la disparition de l’objectivité se conjugue avec l’apparition d’un flot formidable d’informations sur l’état et la marche du monde. En prolongeant le propos à la lumière de notre réflexion, il devient évidemment logique, sinon impératif, d’observer que cette ouverture à l’intuition haute suscite aussitôt la référence à la spiritualité, voire l’accueil de la spiritualité comme composante de son travail d’évaluation de la situation du monde et d’influence sur la dynamique de cette évolution autant que sur les psychologies humaines. Il s’agit effectivement de l’“opérationnalité” de la spiritualité puisque celle-ci n’est pas présentée en tant que telle (notamment sous un aspect religieux aisément identifiable, mais également aisément critiquable), mais bien intégrée dans la production générale du système de la communication, comme un facteur qui a sa place autant qu’un autre (que l’économie, que la politique, que la géographie, etc.). Mais, ayant dit cela, on ne doute pas que la spécificité de la spiritualité, son rapport avec l’intuition haute, sa puissance d’influence enfin, introduits par l’intégration dans la vision et la perception du monde offerte par le système de la communication, bouleverseraient complètement cette vision et cette perception du monde.»