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• ‘Bоurevestnik’ est sans aucun doute un événement capital, qui va bien au-delà de l’enjeu stratégique parce qu’il représenté l’élément symbolique adéquat d’un fantastique retournement de puissance. • La stupidité aveugle de la pathologie suprémaciste américaniste par les moyens de néantissement les plus brutaux est la cause de tout, dès le printemps 1992 et le « To Finish in a Burlesque of an Empire » du visionnaire William Pfaff. • Ces événements, exacerbés par l’attaque du 11-septembre qui tombait on ne peut mieux, ont effectivement poussé Poutine à refaire complètement à neuf l’arsenal de la Russie. • Constat, un quart de siècle plus tard : entre l’hypersonique et ‘Bоurevestnik’, le succès est complet : la Russie occupe la première place dans le monde en montrant des capacités innovantes et opérationnelles sans pareilles.
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‘Bоurevestnik’ est, comme ceux qui prêtent attention aux nouvelles venues de Russie le savent désormais, un nom de plus des nouvelles règles de la nouvelle version de la dissuasion, – ou la dissuasion révolutionnée. Il s’agit d’une révolution radicale du domaine, qualifiée de « levier majeur [de la Russie] dans de futurs pourparlers sur le contrôle des armements », – selon le Wall Street ‘Journal’ du 28 octobre, – et encore, s’il y a de “futurs pourparlers sur le contrôle des armements”, – si la Russie post-Poutine ne préfère pas une situation où elle exerce une domination si complète dans un domaine essentiel (un de plus) de la dissuasion stratégique, nucléaire ou conventionnelle. Dans tous les cas, tout ce dont nous parlons est russe et bien russe.
On connaît aujourd’hui la scène du 26 octobre, au quartier général du groupe Centre des forces russes en Ukraine, avec Poutine et le général Guerassimov notamment. On nous donnait déjà généreusement toutes les informations sur la nouvelle star ‘Bоurevestnik’ et Poutine n’était pas avare de confidences sur les prévisions et le scepticisme pessimiste qui avaient accompagné les commentaires des conseillers et experts “de très haut niveau”.
« Lors d’une réunion filmée avec le chef d’état-major Valéry Guerassimov, le président Vladimir Poutine a confirmé le succès des essais réalisés le 21 octobre. La fusée aurait parcouru 14 000 kilomètres en 15 heures de vol continu, effectuant plusieurs manœuvres horizontales et verticales. Guerassimov a souligné que ce test avait démontré les capacités du missile à échapper à tous les systèmes de défense antimissile et de défense aérienne existant.
» Le Bоurevestnik est “un matériel unique dont personne d’autre ne dispose”, a souligné Poutine, affirmant que l’exercice des forces offensives stratégiques “a une fois de plus confirmé la solidité des forces nucléaires russes”. “Nous en avons déjà parlé, ce fait est bien connu de tous, de tous les experts du monde militaire. Nos forces armées, ou plutôt nos forces de dissuasion nucléaire, sont au plus haut niveau en termes de modernité”, a-t-il déclaré, ajoutant qu’en matière d’équipement technique, “elles surpassent celles de tous les États dotés de l’arme nucléaire”.
» “Je me souviens très bien que lorsque nous avons annoncé la mise au point d’une telle arme, même les experts de très haut niveau me disaient qu’il s’agissait d’un objectif louable mais irréalisable dans un avenir proche. C’était, je le répète, l’avis d’experts de très haut niveau. Et maintenant, les essais décisifs sont terminés”, a noté le président russe. Il a proposé de déterminer les utilisations possibles de ce missile et de commencer à préparer l'infrastructure nécessaire pour déployer cette arme dans les forces armées russes. »
La réaction principale et principalement attendue était celle du président Trump. Il s’est exécuté, faisant montre de son habituelle suffisance, enrichie d’une « irréfragable croyance à la supériorité absolue de la technologie américaine sur le reste » (Mercouris).
Sa réponse a donc été d’une stupidité rare, d’une mésinformation (sur les capacités US) systémique et d’une inculture stratégique effarante dans l’évaluation de ce que signifie ‘Bоurevestnik’ dans le jeu de la dissuasion.
« Invité à commenter les déclarations de Moscou, Trump a réagi de manière sèche et directe, transformant une simple question en démonstration de force. Il a rappelé que les États-Unis disposaient du sous-marin nucléaire “le plus grand du monde”, actuellement déployé au large des côtes russes, précisant qu’il “n’avait pas besoin de parcourir 12 000 kilomètres”. Le président américain a ajouté que son pays testait lui aussi régulièrement des missiles, avant de lancer : “Ils ne jouent pas avec nous. Nous ne jouons pas avec eux non plus.” »
Voyons ce qu’implique ‘Bоurevestnik’ dans divers domaines, tels que détaillés par Mercouris-Christoforou dans une excellente vidéo sur notre affaire, en date du 29 octobre. Il y a d’abord l’aspect purement technologique, qui a été assez peu relevé dans la grande presseSystème, par ailleurs assez discrète sur cet événement appuyant si cruellement sur la supériorité russe en matière d’armement, et des systèmes les plus avancés.
L’aspect technologique est ici celui de la miniaturisation d’un réacteur nucléaire qu’on a l’habitude de trouver, avec une taille impressionnante, dans les centrales nucléaires et les grandes unités navales stratégiques (sous-marins lanceurs d’engins, grands porte-avions d’attaque) :
« Nombre d’experts pensaient qu’un tel système était technologiquement impossible à réaliser. Eh bien, comme beaucoup de choses que les gens disent être technologiquement impossibles, apparemment, on en est maintenant au point où son processus de développement est terminé et il entre maintenant en production en série et il va entrer en service dans l'armée russe très prochainement. Donc, c'est un missile de croisière. Il est plus gros que les missiles de croisière que nous connaissons, le Tomahawk et le KH101, mais pas énormément. Il est environ deux fois plus gros. Et il est très similaire. Il est subsonique. Il est furtif.
» Il tire son énergie d'un réacteur nucléaire miniature. Et cela, soit dit en passant, est en soi une avancée technologique majeure : miniaturiser un réacteur nucléaire pour pouvoir l'intégrer dans un missile de croisière. Cela signifie que les Russes ont maintenant des mini-réacteurs nucléaires, qu’ils ont la technologie pour produire des mini-réacteurs nucléaires et qu'ils peuvent vraisemblablement les utiliser à toutes sortes d’autres fins, comme des drones en mini sous-marins. »
Maintenant, stratégiquement, – ou plutôt géostratégiquement, – que se passe-t-il ? L’irruption de ‘Bоurevestnik’ signifie l’annulation totale et radicale de l’avantage géographique qui a jusqu’ici bercé les certitudes yankees du caractère définitivement invulnérable de leur puissant pays, – la protection de deux immenses océans couvrant des milliers de kilomètres de mers inexpugnables...
Mais il se trouve que ‘Bоurevestnik’, qui peut se balader pendant des semaines là où il veut en jouant à faire des crochets à une altitude de 25-100 mètres pour franchir incognito les radars comme autant de haies de carnaval aisément effacées par un habile pur-sang qui sait calculer ses mauvais coups, – donc, il se trouve que ‘Bоurevestnik’ se fiche bien des deux grands océans, des distances et des certitudes yankees d’impunité. ‘Bоurevestnik’ a le temps et la distance pour lui, et une habileté incroyable pour menacer ses cibles sans se découvrir et les tenir sous la menace du pire pendant des jours, pendant des semaines, tout au long des crises déchirantes opposant les deux géants ; tout cela sans qu’on sache si l’ogive qu’il porte est faite d’explosifs conventionnels ou d’une arme nucléaire... Ôyez Mercouris !
« Même si on peut en théorie repérer les missiles par radars, cela devient très difficile. Il peut effectuer des manœuvres d'évitement apparemment complexes en vol, ce qui me laisse fortement penser qu'il possède une importante composante d’intelligence artificielle.
» Il y a des aspects que les gens ne comprennent pas. Ils ne comprennent pas encore comment il effectue son ciblage. Je ne vais pas entrer dans les détails de tout cela. Mais le plus inquiétant, le plus effrayant, ce qui devrait particulièrement rendre nerveux, c'est qu'il peut patrouiller et roder au-dessus et autour du territoire US en toute impunité. Donc, ce que ça signifie, c'est qu'en période de tensions internationales, les Russes peuvent lancer ces engins. On ne sait pas combien ils vont en construire, mais disons qu'ils en construisent 30. Ils peuvent les lancer. Ces engins peuvent ensuite survoler l'Atlantique, le Pacifique, l'Arctique, l'océan, partout où sont les Américains, car ce seront des missiles furtifs volant à très basse altitude (25-100 mètres) en réalisant constamment des manœuvres d’évitement. Il sera impossible de repérer leur position.
» Ils peuvent recevoir le code d'activation de Moscou, vraisemblablement à tout moment. Ils peuvent mener une frappe dans ce cas, contre les États-Unis. Imaginez que se passerait si nous étions dans une situation de tension intense entre la Russie et les États-Unis. et que les États-Unis découvraient que ces missiles sont en vol, rôdant de la manière que nous venons d’évoquer. La pression sur les Etats-Unis serait absolument énorme. »
Ainsi, avec ‘Bоurevestnik’ en plus des autres nouveaux systèmes intercontinentaux, en même tremps qu’avec la technique des hypersoniques, la Russie domine complètement le domaine des armes automatiques stratégiques et tactiques comme jamais aucun pays n’a fait, y compris les USA dans leurs périodes de plus grande puissance de la Guerre Froide. Larry S. Johnson a publié un article très documenté sur l’actuelle position de puissance russe, particulièrement dans le domaine de l’hypersonique
» Aujourd'hui, je souhaite vous présenter des données concrètes concernant les avantages décisifs de la Russie sur l'Ukraine et l'OTAN en matière de missiles hypersoniques, d'artillerie et de drones. L'administration Trump, de concert avec ses alliés de l'OTAN, continue de manipuler l'opinion publique au sujet des capacités militaires russes. La Russie possède une avance considérable en matière de puissance de feu offensive, notamment en ce qui concerne les missiles hypersoniques… Les États-Unis ne disposent toujours pas de système hypersonique opérationnel, tandis que la Russie possède cinq armes de ce type, utilisées régulièrement sur le champ de bataille...
» ...Ces systèmes sont présentés comme “inarrêtables” par les autorités russes, bien que les experts débattent de leur vulnérabilité à la guerre électronique et à la détection. »
Parmi ces nouvelles armes diverses, il faut aussi mentionner le drone sous-marin ‘Poseidon’, conçu pour se déplacer à plus de 150 km/h sous l’eau et à faire exploser une charge nucléaire, toujours sous l’eau, à proximité des côtes (US), provoquant un tsunami d’une ampleur monstrueuse, pouvant ravager le pays jusqu’à 300-400 kilomètres de l’intérieur des terres. Tout cela justifie largement le jugement de Poutine :
« Nos forces armées, ou plutôt nos forces de dissuasion nucléaire, sont au plus haut niveau en termes de modernité”... Elles surpassent celles de tous les États dotés de l’arme nucléaire”. »
Cette installation massive d’un ensemble de systèmes stratégiques russes (annoncé par Poutine en 2018) supérieur à tout ce qui existe, avec des avancés absolument sans équivalent dans le monde, résulte d’un effort remontant au début du siècle et répondant à une volonté américaniste de mettre en place un système nucléaire pouvant permettre une première frappe de décapitation de la direction russe (cette intention fut largement rendue publique, comme on peut le voir ici, en mars 2006). Le New York ‘Times’ a interrogé plusieurs experts à l’occasion du premier essai de ‘Bоurevestnik’...
« Jeffrey Lewis, expert du nucléaire au Middlebury College, le compare même à “un petit Tchernobyl volant”, en référence à la catastrophe de 1986.
» Lewis a rappelé que Moscou aurait commencé à développer de nouveaux systèmes stratégiques au début des années 2000, après le retrait des États-Unis du Traité relatif à la limitation des systèmes contre les missiles balistiques (Anti-Ballistic Missile Treaty), signé en 1972 et abandonné par Washington en 2002. »
L’effort russe dépasse donc largement la crise ukrainienne pour répondre au vaste plan de conquête brutale sinon par néantissement de certaines puissances (dont la Russie bien sûr) d’une hégémonie mondiale élaboré par les milieux neocon à la fin des années 1990 à partir d’une idée exposée dès 1992 (voir notamment les réflexions de William Pfaff, son « To Finish in a Burlesque of an Empire » du 12 mars 1992, publié par nous en rappel des mémoires éteintes le 23 novembre 2003, et la pathologie de la “dystopie”, – « La folie dystopique de l’empire »).
Il s’agit donc d’une très vieille affaire embrassant tout l’après-Guerre Froide et actant la folie hégémoniste des USA devant logiquement mener au néantissement général (jusqu’au Tout de l’espèce, bien sûr). C’est à partir de cette crise pathologique suprême de l’américanisme que fut conçue et développée la panoplie par la Russie de systèmes, dont notre ‘Bоurevestnik’, qui fait de la Russie cette puissance sans concurrent à un niveau d’une catégorie unique surclassant tout le reste, cette puissance que voulaient être les fous d’hubris des asiles de neocon. Le véritable miracle russe est qu’un homme capable d’embrasser et de comprendre cette perspective est apparu à la tête de la Russie en 2000 ; et précisons bien nettement que le “miracle” n’est pas selon nous l’homme lui-même, qui n’est pas un génie mais un esprit et un caractère puissants et expérimentés, – mais la circonstance chronologique au moment absolument décisif, – c’est-à-dire l’“événement” suprahumain qui décida de notre destin mondial-global.
Il s’agissait donc bien, dès 1992, d’une marche américaniste impitoyable, semée de catastrophes en catastrophes, conduite par l’extraordinaire stupidité aveugle de l’hubris suprémaciste. Là-dedans, vous pensez bien qu’il n’y a pas la place pour la moindre considération pour ce nid puant de barbares arriérés que fut et que reste obstinément la Russie dans la perception pathologique de la direction américaniste. Le résultat se nomme notamment ‘Bоurevestnik’, qu’on traduirait très librement comme “oiseau des tempêtes”.
Quel constat faire sinon celui de la responsabilité complète des USA dans leur dégringolade. Ils n’ont plus rien fait depuis leurs plans délirants des années 1990 et sont plus sûr que jamais de leur suprématie absolue, aidée en cela par un caractère marqué par l’inculpabilité et l’indéfectibilité. Sans doute Trump, le président-quantique, est-il ce qu’il leur fallait pour maquiller leur effondrement de couleurs si joyeuses. Ce président-là ne s’embarrasse d’aucune connaissance un peu trop lourde à comprendre et à porter, comme celle de l’absurdité de mettre en parallèle un sous-marin lanceur d’engins balistiques à la trajectoire fixe et la frappe en bout de course, et un ‘Bоurevestnik’.
... Lequel ‘Bоurevestnik’ apparaît comme le symbole même de ceux qui se rient des projets de ‘Golden Globe’, – qu’on devrait plutôt nommer ‘Gilded Globe’, du toc à la place de l’or, – qui doit protéger le monde-libre réduit aux USA et se terminera dans une catastrophique gabegie de centaines de $milliards qui vaudront le poids du papier sur lesquels ils seront imprimés (souvenir pour les mémoires longues de la chevauchée de dessin animé précédent de la SDI, la “guerre des étoiles” de Ronald Reagan, homme venu de Hollywood, soldée elle aussi en $milliards inutiles). Après avoir inspiré Israël et son “dôme de fer” si efficace contre les Iraniens, les USA font du super-Israël à la poursuite de l’impossible chimère de la protection des cieux et des dieux.
Pendant ce temps le front vacille et il se dit, via ‘Radio-Liberty’, que circule actuellement à l’UE un plan de paix qui reconnaît la victoire russe et fait beaucoup de concessions impensable il y a un an. Il n’est pas sûr que la Russie, qui se durcit à vue d’œil, soit intéressée ; comme il n’est nullement assuré qu’elle soit intéressée par une éventuelle poursuite ou reprise des pourparlers sur la limitation des armes stratégiques qui pourrait tenter les USA lorsqu’ils auront mesuré leur infortune.
Les prouesses russes n’ont certainement pas restauré l’essentiel : la confiance, — celle qui régnait entre “ennemis loyaux” et conscients de leurs responsabilités du temps de la Guerre Froide. Effectivement, l’essentiel de la confiance russe s’est réfugié dans la trajectoire imprévisible et sans fin de ‘Bоurevestnik’.
Mis en ligne le 31 octobre 2025 à 10H00