Notes sur BHO entre Morsi et le Golfe, ou inversement

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Notes sur BHO entre Morsi et le Golfe, ou inversement

L’évolution américaniste durant la crise Gaza-II, puis devant l’évolution de la situation en chute libre de Morsi au Caire… En arrière-plan, – mais quel arrière-plan ! – la situation intérieure en Arabie, où s’ouvre une guerre de succession particulièrement volatile, avec les rumeurs de l’état de “mort clinique” du Roi Abdallah, bravement contrecarrées (les rumeurs) par une action de communication pour nous donner confiance dans la stabilité de la situation… Voilà quelques sujets parcellaires de cette note d’analyse.

Le sujet principal, lui, est archi-connu puisqu’il s’agit de l’enjeu central de la position telle que la raison habituelle et habituellement subvertie l’évalue, selon la référence dépassée de la géopolitique. Bien qu’ainsi dévalorisée, ce “sujet principal” reste d’un très grand intérêt d’analyse, parce qu’il finit tout de même par s’inscrire dans les effets fondamentaux de la politique-Système.

Il s’agit de la présence US dans la région, de la situation de son influence. La description de la situation complexe qu’on va faire, en constante évolution, et avec quelle rapidité (voir la situation de Morsi), rejoint bien entendu notre schéma général des diverses politiques étrangères chaotiques, décisivement influencées par les exigences impératives, avec effets chaotiques, de la politique-Système.

Morsi et l’ivresse du succès

Nombre de rapports développés ces derniers jours, y compris par la presse arabe à partir de sources US, montrent que les relations personnelles entre Obama et Morsi se sont révélées exceptionnelles à l’occasion de la crise Gaza-II. Cela explique la position proéminente de Morsi et, aussi, son attitude extrêmement assurée pour prendre les décrets de renforcement de son pouvoir en Égypte, avec soudain les effets dramatiquement contraires qu’on sait, et un complet renversement de fortune… En un sens, même si l’événement général qu’on décrit (relation avec Obama) n’est que tactique, Morsi a été influencé dans son jugement par une certaine ivresse de son propre succès qui s’est substantivée dans cette même relation.

C’est ce que nous traduisions, hier 28 novembre 2012, par ces remarques. Il s’agit donc de relativiser les oppositions des uns et des autres par rapport aux pressions générales de la politique-Système qu’ils ignorent tous dans leurs analyses. Ainsi, BHO s’entend-il avec Morsi comme larrons en foire, mais à quoi cela lui sert-il ?

«Le schéma est assez simple : deux ou trois jours après sa “victoire” dans Gaza-II, au pinacle de sa puissance nouvelle, Morsi s’est jugé en position de force pour assurer son pouvoir intérieur en relançant sa querelle avec le pouvoir législatif… [...] Morsi semblait avoir assuré sa position, notamment auprès des USA. Justement : à quoi servent les USA aujourd’hui et qui s’en soucie vraiment, au Caire, dans la rue par où doit passer toute décision politique ?»

La volatilité versatile des orientations américanistes

Le triomphe américaniste de Morsi (pas nécessairement pro-américaniste, puisqu’on parle ici de tactique) est largement documenté. Il s’agit d’une impressionnante démonstration (si l’on se place dans la perspective des variations d’analyses, à la mesure de quelques semaines) de la volatilité, de la versatilité, de l’extrémisme du jugement, dans le chef d’une politique extérieure (notamment celle des USA) à laquelle on demanderait, pour être bien faite, les contraires exacts de ces caractères.

Officiellement, c’est l’hommage dithyrambique d’Hillary : «Egypt’s new government is assuming the responsibility and leadership that has long made this country a cornerstone of regional stability and peace»… Moins officiellement, c’est l’analyse écrasante d’enthousiasme contenu, de l’ancien adjoint d’Hillary, devenu professeur, Nicholas Burns, qui continue à jouer un rôle discret de conseiller officieux et influent : «This was a major moment for Mohammed Morsi… There were a lot of doubts about how he would lead Egypt, whether he would maintain the peace agreement with Israel… But Morsi showed that he is very tough minded… He can be, based on this performance, I think an important partner for the United States.»

Description du coup de foudre BHO-Morsi

Le site d’un quotidien proche du pouvoir saoudien a recueilli, le 26 novembre 2012, les confidences très circonstanciées des relations personnelles établies à l’occasion de Gaza-II, entre BHO et Morsi… Il s’agit d’une sorte de “coup de foudre”, dont l’importance, dans cette sorte de situation volatile, est tout sauf négligeable et anecdotique (cela, pour les analystes sérieux et qui savent de quoi ils parlent, selon les critères de la géopolitique classique qui ne tient guère compte de ces aspects de la psychologie).

«The US State Department source revealed that “during the war of the rockets between Israel and Hamas, presidents Obama and Mursi spoke on numerous occasions over the telephone for long periods of time. It appears that Obama is not only grateful to Mursi for his role in mediating between Hamas and Israel, but he want him as an ally over the next 4 years.” The source added “don’t forget that Obama’s dealings with former president Hosni Mubarak were not enthusiastic because he knew that he did not represent the true desires of the Egyptian people. And do not forget the contradiction in Obama’s 2009 speech about freedom and democracy for the Arabs which took place in Mubarak’s Egypt. However today, following the revolution in Egypt and the rise of the Islamists to power, Obama is also not enthusiastic, fearing Egyptian Islamist hostility towards Israel and the abolition of the Camp David Peace Accords between Egypt and Israel. However Obama is optimistic regarding Mursi’s role in Gaza. I believe that Obama liked what he saw of Mursi in terms of viewing him as a moderate Islamist figure, a doctor in engineering in America, whilst some of his children are American citizens.”»

Psychologie de BHO, américaniste

Le commentaire est très révélateur, pour le moins, à la foi d’une juste appréciation d’une possibilité d’entente personnelle de la part d’Obama, mais aussi des considérables illusions et obstructions de type absolument américaniste qui semblent obérer le fonctionnement normal de cette psychologie (celle d’Obama) qui reste celle de l’américanisme avant d’être celle d’un homme éventuellement intelligent. (Finalement, ce que nous dit cette source est qu’Obama juge, pour caricaturer, que Morsi n’est pas entièrement “un sauvage”, ou alors que c’est un “bon sauvage” sans nécessité d’être mort, comme un Indien, puisqu’il est ingénieur et a fait faire ses études aux USA à ses enfants… Raisonnement typiquement américaniste, absolument faussaire et promis aujourd’hui, à l’heure de l’effondrement de l’influence US en une caricature d’elle-même, à toutes les déconvenues imaginables.)

D’ailleurs mais d’une façon révélatrice, la source ne répond pas, par pure inintelligence américaniste de la chose, à la question : où tout cela va-t-il mener, si Morsi est un “dead horse” et s’il l’est, notamment et très probablement, à cause de ses soudaines bonnes relations avec BHO ? Car si Morsi a voulu assurer sa position de force intérieure, notamment appuyé sur son succès dans Gaza-II et surtout sur ses bonnes relations avec BHO, alors la fronde furieuse qu’il a aussitôt soulevée est aussi une fronde furieuse anti-BHO et antiaméricaniste. Comme on on l’a vu, c’est exactement le cas. L’entente BHO-Morsi a pour résultat direct de rendre la “rue arabe”, par laquelle tout passe aujourd’hui, encore plus furieusement antiaméricaniste..

Des perspectives peu enviables

Passons à notre ami M K Bhadrakumar, qui fait une rapide mais pertinente analyse de la situation US dans la région, sous le titre peu encourageant de “l’engagement chaotique des USA dans le bourbier du Moyen-Orient” (ce 28 novembre 2012, sur son site Indian PunchLine).

On sait que M K Bhadrakumar garde une grande confiance, sinon une grande croyance dans la diplomatie traditionnelle, ce qui est négliger d’une façon décisive le facteur dévastateur inverse du chaos suscité partout par la politique-Système ; qu’il a une grande estime pour Obama, ce qui est peut être justifié en théorie mais qui ne l’est plus du tout dans la confrontation de l’intelligence qu’il prête à ce président avec la situation, et surtout dans l'appréciation de l’évolution des capacités du même, de plus en plus négligeables, à résister à la corruption et à l’emprisonnement psychologique du Système. Quoi qu’il en soit, M K Bhadrakumar, commentateur avisé et loyal, reste évidemment lucide sur les réalités politiques et de communication de la région, et il constate qu’elles sont infiniment défavorables aux USA, Obama ou pas Obama.

«Barack Obama’s second term as president hasn’t yet begun, but it is going to be a tumultuous one as far as his Middle East policy is concerned. Whether he could disengage the US from the Greater Middle East with the ease that was hoped for in order to “rebalance” in Asia seems increasingly doubtful. To be sure, Asian countries are also watching the Middle Eastern events and the quagmire the US is getting into. Hardly has the Gaza conflict been halted in an uncertain ceasefire that may or may not hold, Egypt’s president Mohamed Morsi has walked into the eye of a storm that has been brewing for some time, which pits the Muslim Brotherhood against the rest on the domestic political arena… [...]

»The paradox is that Obama is on the right track in contemplating a transformative Middle East policy for the US. Turning and turning in the old groove, US policy is at a dead end and its regional influence in this strategically vital region is on the decline. But the US’ so-called allies aren’t going to let Obama have an easy time if he begins to talk with Iran or to accept the Muslim Brotherhood as the US’ legitimate interlocutor. (To my mind, he is hundred percent right in doing so.) Not only the Saudis, even the Emirates is upset.»

Le Golfe n’est pas content

Le dernier point est révélateur. Il est aussi essentiel, du point de vue traditionnel US. Le rapprochement BHO-Morsi, qui n’a vraiment rien à voir avec l’alignement d’une soi-disant marionnette (Morsi) sur son tuteur (BHO), comme s’attardent à l’expliquer nombre d’analyses restant accrochées aux mécanismes d’une raison complètement subverties par le Système, ce rapprochement est porteur d’un double antagoniste et catastrophique. Il aliène aux USA le soutien des monarchies du Golfe.

Si ces pays peuvent avoir des positions éventuellement nuancées sur Morsi, il leur paraît par contre inconcevable qu’Obama privilégie, ou envisage de privilégier sa relation avec Morsi selon des arguments que détestent absolument les monarchies ; le côté réformiste sinon populiste de Morsi, sa situation de Frère Musulman, groupe que les monarchies avaient soutenu tout au long de la crise syrienne et sont en train de lâcher (Qatar compris) à une vitesse très grande. Du coup, Morsi est considéré avec la plus grande méfiance et les attentions de BHO pour Morsi, au mieux comme de naïveté, au pire comme une trahison pure et simple.

Lâcher la proie chargée d’ors pour l’ombre incertaine

Objectivement, BHO se retrouve dans la position de “lâcher la proie pour l’ombre”, et en plus une “ombre” qui est en train de retraiter et de se trouver dans un état de faiblesse grandissante dans son propre pays… Cela est ainsi alors que, sinistre cerise sur le gâteau, s’installe la nouvelle crise, en situation quasiment ouverte, de la succession royale en Arabie.

«So, the Saudi succession story is about to commence. In the opinion of most experts, this is not going to be an orderly succession since the ground rules are unclear and it is virgin territory, and if so, it is anybody’s guess what may happen if and when some three or four thousand princes plunge into palace intrigues. For all purposes, Saudi Arabia is going to be deeply immersed in its domestic issues for a while. What happens now to the Saudi drive for a “regime change” in Syria? And the Sunni-Shi’ite schism that the Saudis have been promoting? Or, the Saudi strategy of “containment” of Iran? Or, Bahrain, Kuwait, Jordan where the stirrings of democratic empowerment are already apparent? There are no easy answers. Earlier today, a Saudi diplomat was murdered in Yemen.»

Voir l’expérience des “vieilles crapules”

…Et tout cela se développe à fronts renversés. Les monarchies du Golfe ne s’opposent pas à la proximité BHO avec Morsi, qui se trouve déjà sur le sable fuyant des fureurs de la rue égyptienne, par opposition à la présence US dans la région, selon le schéma habituel des hypothèses convenues. C’est exactement le contraire.

L’entente BHO-Morsi est vue, par les monarchies pourries du Golfe, comme la voie vers la liquidation de la présence et de l’influence US dans la région. BHO, le jeune “réformateur” qui n’a pas l’expérience des “vieilles crapules” type Brzezinski-Kissinger, a perdu le sens des vieilles combines impériales d’autrefois et les arrangements fructueux qui en résultaient. Honte sur BHO.

Et Israël, dans tout cela ?

Cela rejoint, par d’autres voies, une analyse plus ancienne (le 23 novembre 2012) d’un site israélien, Times of Israel, qui s’attachait à la seule attitude de BHO durant la crise de Gaza, à la fois son soutien inconditionnel à Netanyahou et son engagement enthousiaste derrière Morsi… Curieusement mais logiquement, cette analyse rejoint celle de M K Bhadrakumar (les USA se retirent du Moyen-Orient), mais en y introduisant l’élément israélien (on soutient à fond Israël pour couper court à toute manœuvre de revendication qui empêcherait ce repli), mais en s’avérant dépassée également à cause de l’évolution de la situation de Morsi.

«But the partisan repartee seemed to miss the key shift in American policy that explained both Obama’s embrace of Morsi and his unconditional support for Netanyahu. Simply put: Obama is walking away.

»Barack Obama in 2012 seems to be what Johnny Cash once called a “wiser weaker man.” Gone is the faith in the power of words or in the courage of the region’s leaders. The Middle East, the White House seems to believe, has its own peculiar dynamics and dysfunctions, and it’s a fool’s errand to invest political capital and reputation in once again dragging the region’s players kicking and screaming to the table.

»Time magazine’s political analyst Mark Halperin spoke for many American analysts on Wednesday. “You can’t say the administration has put a high priority on this or the kind of full-time engagement that Secretary Clinton’s husband [former president Bill Clinton] engaged in or we’ve seen in previous administrations. I don’t think anybody [in Washington] thinks we’re going to build off of this,” he said.

Comparaison peu flatteuse pour le “mulet stupide”

Ces conditions diverses, qui ont toutes les chances d’être confirmées, par diverses fuites et autres actions parallèles, vont naturellement dresser l’opposition républicaine de Washington contre BHO. Times of Israel note en passant ce qui va devenir probablement un leitmotiv : «A few commentators on the American right have pointed to the embrace of Morsi and suggested it marks an Obama administration that is weak in confronting the Middle East’s Islamists.»

Et ainsi cette idée qui nous a conduit à l’extrême droite US nous ramène-t-elle à la même, mais du commentateur de tendance opposée M K Bhadrakumar. La boucle est bouclée, et le président US enfermé dans elle… BHO, qui tenterait un désengagement du bourbier moyen-oriental, va se trouver contraint de s’y enfoncer encore plus. Il en sera ainsi parce que le pilier Morsi sur lequel il s’appuie vacille ; parce que les monarchies pourries du Golfe ont, en plus de leurs montagnes de $milliards, des exigences de vieilles filles menacées des pires outrages ; parce qu’à Washington, aujourd’hui, il est peu porté d’être un “wiser weaker man”, – “sage”, quelle incongruité dépassée, “plus faible”, quelle horreur insupportable, alors que les sort conjoints et vertueux du Golfe, du pétrole, des $milliards et du sacro-saint Israël sont en jeu !

Le dernier argument suffirait à régler l’affaire puisque, selon le mot de Brzezinski, Washington a l’habitude de suivre Israël “comme un mulet stupide” («I don’t think there is an implicit obligation for the United States to follow like a stupid mule»)… Franchement, cela ne rend certainement pas justice au mulet, évidemment plus sage et plus avisé que Washington : vous voyez un mulet suivre aveuglément la politique d’Israël ?

Conclusion tourbillonnante, business as usual

Au petit désespoir de certains esprits accoudés au comptoir du Café Chic du Commerce et philosophant sur ces commentaires (ceux de dedefensa.org), qui leur paraissent enfantés par un prolixe robot conçu (plutôt) dans nos locaux parce qu’ils se réfèrent à des lignes directrices appuyées sur des principes d’une grande force structurante, à ce petit désespoir près et ignoré nous poursuivons par conséquent. A l’explication par la valse des complots, par les invectives irresponsables, par les déplacements d’urgence des porte-avions qui tournent en rond et des Patriot qui tirent en biais, par la découverte tous les trois jours des “plus grandes réserves de pétrole du monde” qui sauvent la civilisation, par la lucidité tranchantes des bureaucraties aussi puissantes qu’aveugles, par les labyrinthes hystériques d’une raison humaine extrêmement fatiguée par ces obligations d’explication rationnelles du processus du sable qui coule entre les doigts ou de la chasse d’eau en activité, à tout cela nous préférons l’évidence des choses simples et fortes que suggèrent les principes. Question de loyauté et d’apaisement d’un esprit rafraîchi.

Il reste en effet la considération de l’évidence de la puissance de l’affrontement entre une politique-Système totalement laissée à elle-même et des forces supérieures qui s’opposent à elle par tous les feux des transformations antiSystème opportunes que ces forces peuvent susciter ou utiliser dans les divers outils jetés dans les relations internationales (sapiens déguisés en présidents et en diplomates, politiques d’un instant d’humeur et d’un dîner en ville, montages de massacres dont des agences assurent la manufacture et trafic d’armes en tous genres, manœuvres tactiques exploitées, fureurs majestueuses et puissantes des foules populaires, etc.). En-dessous de cet affrontement, en dépit des agitations extraordinaires, de celles que nous avons décrites, la situation reste figée : les USA toujours présents partout, s’accrochant à une influence décrépite, à leurs instruments de puissance brute sans usage (système du technologisme) et à un apparat caricatural du système de la communication ; les pays du Golfe conduits par leur panique, malgré l’une ou l’autre velléité, et le retrait de plus en plus affirmé du soutien du Qatar aux Frères Musulmans est un signe de cette tendance au “retour à la normale” panicarde ; Israël figé dans son bellicisme hystérique, type-business as usual ; l’Égypte, comme d’autres, toujours dans le tourbillon de janvier 2011 ; la crise syrienne, comme un trou noir de désordre au centre de tout… Cette situation finalement conforme à l’état du Système, de notre civilisation qui s’est elle-même extraite du cycle de renouvellement des civilisations “à-la-Toynbee”, à cause de sa surpuissance qui interdit toute succession à elle-même, et à cause de son absence de sens qui lui interdit à elle-même toute perspective autre que son autodestruction.

Cela ne signifie pas que tout cela, toutes ces agitations sont sans effet, bien au contraire ; elles sont sans effet terrestres, rationnels, géopolitiques, etc., certes, sinon le désordre incompréhensible pour ceux qui s’en tiennent à ces explications. L’effet psychologique, par contre, est apocalyptique. Tout se passe dans les psychologies, parcourues par des tensions extraordinaires et réceptacles des effets du grand affrontement que nous décrivons, qu’elles perçoivent et ressentent comme autant d’informations essentielles, sans pouvoir les exprimer en tant que telles par la transmission vers la pensée, parce que la raison-subvertie-par-le-Système, campée dans ses retranchements qui ressemblent aux tranchées de la Somme reconstituées à Saint-Germain-des-Près et à la Sorbonne, lui oppose une fin de non-recevoir (type-“Ils ne-passeront pas‘“). De ce point de vue, et ceci comme un substitut de circonstance, il semble bien que ce soit les peuples, la fureur populaire, le désordre social qui semble sans but cohérent, l’insurrection du monde, dont Brzezinski avise ses compagnons de route, qui traduisent le mieux cette révolution psychologique en cours. Nos directions politiques et nos élites, hystériques et impuissantes, sont totalement incapables de s‘installer dans les faits et dans les situations.

L’image générale est bien celle qui est évoquée le 20 novembre 2012, «d’un courant puissant, généré par le Système et imposant une politique sans le moindre sens pour la raison humain, puisque son but est simplement le mécanisme déstructuration-dissolution. On ne peut donc expliquer, et encore moins comprendre, ces politiques par les habituelles références de la raison, – plus encore, la raison réduite aux acquêts de la période depuis le déchaînement de la Matière…» Il s’agit encore et toujours d’«une spirale, un tourbillon permanent, qui devient de plus en plus un trou noir en passant de la surpuissance à l’autodestruction…»