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532025 mars 2023 (16H45) – A partir de son site en Finlande, texte repris en français par Euro-Synergie puis diversement éparpillé, le professeur finlandais Markku Siira évoque une étude de deux “experts” normalement classés dans le camp globaliste du Bien, Mark Leonard et Timothy Garton Ash, pour le think tank, également de bonne réputation, ECFR (European Council on Foreign Relations). L’étude s’intitule audacieusement « United West, divided from the rest » (« L'Occident uni, séparé du reste »).
Il s’agit bien d’un milieu général conforme au Système, avec notamment l’historien “de la haute” Timothy Garton Ash (TGA), que nous avons déjà cité à plusieurs reprises sur ce site. Son ‘Wiki’ ne trompe pas : Garton Ash est un globaliste de gauche et “de la haute”, – j’insiste, – extrêmement ‘very British’ dans le bon sens du terme, d’Oxford à la Californie, ennemi du Brexit et des populistes, des Trump, Orban et Poutine, ami de Soros, du ‘Guardian’, de la Communauté Européenne et des USA « as a superpower ». Bref, un TGA ‘very british’ mais à la mode inclusive qui sait canceller quand cela importe, – ce qui l’amène à faire l’éloge de l’identité britannique qui doit être préservée alors qu’elle est devenue un rassemblement incroyable et inclusif de tous les horizons, des plus colonialistes aux plus décolonisés, – cela le conduisant à cet étrange apologie de la protection d’une identité que plus personne ne parvient à définir, à saisir, à comprendre ni à entendre :
« Le fait d'être britannique est devenu quelque chose qui mérite d'être préservé, en particulier dans un monde de migration où les peuples vont se mélanger de plus en plus. Comme des hommes et des femmes de différentes parties de l'ancien empire britannique sont venus vivre ici en plus grand nombre, l'identité post-impériale est devenue, ironiquement mais pas accidentellement, la plus libérale, la plus civique, la plus inclusive... »
Si je m’attarde tant à ce TGA, c’est parce qu’il m’est apparu longtemps comme l’archétype du globaliste de gauche tenant jusqu’au bout pour les “valeurs” du domaine, dont certaines ont été évoquées plus haut, dont “USA « as a superpower »”. Cela conduit à d’autant plus s’exclamer devant l’étude qu’il cosigne, et qui signe la fin de l’“Occident-collectif” comme exclusive référence de l’avenir, jusqu’à envisager ce qu’on devrait appeler un “postOccident-collectif” (je fais l’économie d’un tiret tant la chose me paraît acquise), qui serait à inclure, – ô surprise, – dans la multipolarité qui semble monter comme un tsunami. Il y avait hier une citation extraite de l’étude à laquelle le professeur Siira consacre son texte ci-dessous :
« Même les plus fidèles parmi les chevaliers de l’ultralibéralisme, comme le Britannique Timothy Garton-Ash, sont conduits à reconnaître la marche du Temps, irrésistible et stupéfiante de vitesse, avec le bouleversement qu’elle impose. Ses remarques sont bien peu originales dans la forme, mais elle exprime avec une désolation furieuse la puissance colossale du bouleversement du fond des choses. »
Rendons grâce à TGA et à son co-auteur, et à leur étude qui prend en compte ce que tant de membres de la caste des élites-zombie du Système veulent absolument ignorer : l’opposition de l’énorme majorité du monde aux diktats et sanctions de l’“Occident-collectif”. Il y a donc ceci qu’on peut considérer comme une conclusion de la réflexion, – ceci, qu’un lecteur, sur le forum du texte, m’attribue erronément alors que cette conclusion-là, pour leur étude, est de TGA/Leonard, et que je ne la prend certainement pas à mon compte :
« Le conflit ukrainien pourrait être un tournant marquant l'émergence d'un ordre mondial post-occidental. Il est hautement improbable que l'ordre libéral en perte de vitesse, dirigé par les États-Unis, soit restauré. Au contraire, l’Occident doit vivre comme l'un des pôles d'un monde multipolaire... »
Je ne prends certainement pas cette conclusion à mon compte, parce que je ne crois pas à la sagesse humaine dans les eaux de la modernité finissante. (Car cela serait sagesse pure que d’accepter de devenir “postOccident-collectif” comme un des pôles de la multipolarité.) Pour moi, cette conclusion mesure certes la panique de nos élites-zombie transatlantiques, l’empressement avec certaines d’entre elles sont prêtes à s’adapter à ce qu’elles sentent comme une tempête qui lève, irrésistible et terrible...
C’est vrai, il faut reconnaître aux deux, TGA/Leonard, sinon le courage au moins le mérite de reconnaître la marche folle du Temps et ce qu’elle apporte avec elle de certain, – c’est-à-dire la destruction de l’ordre ancien, – ou disons du désordre ancien. Pour autant, je maintiens mon désaccord : bien entendu, la tempête rugit déjà et l’ordre du désordre ancien est aux abois ; cela ne signifie pas pour autant que l’“Occident-collectif”, qui a la même signification que le bloc-BAO, acceptera de devenir, voire même simplement pourra et aura la capacité de devenir “postOccident-collectif”. Je m’en reviens pour cela au cas américaniste, et peut-être européaniste si la pandémie américaniste en a changé la substance ; et de conclure avec force : mais non, les USA n’accepteront jamais de ne plus être “USA « as a superpower »” !
C’est une idée constante chez moi, et qui vient de loin, et sur laquelle je n’ai jamais varié, qui me fait penser que nous ne pouvons rien dire de l’avenir, ni même de la multipolarité. Il s’agit du sort des USA, qui constitue un facteur à la fois incontournable et totalement bloqué, embourbé, enterré... Pour une évolution vers un “postOccident-collectif”, il faut que les USA acceptent de céder leur position de prépondérance et d’hégémonie absolues, ce qu’ils ne feront jamais en l’espèce de ce qu’ils sont aujourd’hui. Par conséquent, l’élément déclencheur final de l’effondrement du Système sera, – dans l’hypothèse heureuse de l’absence d’une guerre nucléaire stratégique, – l’effondrement des USA sous une forme ou l’autre, parcellisation, désintégration, évaporation, va jouer avec cette poussière, etc.
Je reprends ici la conclusion d’un texte du 14 octobre 2009, – « Notes sur l’avenir des USA ». Bien des éléments tactiques du texte sont complètement dépassés et ne se sont pas réalisés, – le ‘Tea Party’, Obama, etc., – mais l’appréciation stratégique, son essence même, reste complètement valable pour moi aujourd’hui, – je dirais : plus que jamais...
« Nous l'avons déjà écrit et nous le répétons avec force : il ne peut y avoir, aujourd’hui, d’événements plus important pour la situation du monde qu’une dynamique de dislocation des USA. Nous pensons que la crise actuelle est à la fois, et contradictoirement, formidablement amplifiée et formidablement bloquée dans sa compréhension par la puissance de la communication. Ce phénomène ne cesse de dramatiser et d’attiser les conditions de la crise tout en renforçant la pression du conformisme de la pensée dominante pour ne pas mettre en cause les éléments qui sont les fondements de cette crise.
» L’un des fondements est psychologique, avec le phénomène de fascination – à nouveau ce mot – pour l’attraction exercée sur les esprits par le “modèle américaniste”, qui est en fait la représentation à la fois symbolique et onirique de la modernité. C’est cela qui est résumé sous l’expression populaire mais très substantivée de American Dream. Cette représentation donnée comme seule issue possible de notre civilisation (le facteur dit TINA, pour “There Is No Alternative”) infecte la plupart des élites en place; elle représente un verrou d’une puissance inouïe, qui complète d’une façon tragique la “fascination de l’américanisme pour sa propre destinée catastrophique” pour former une situation totalement bloquée empêchant de chercher une autre voie tout en dégringolant vers la catastrophe. La fin de l’American Dream, qui interviendrait avec un processus de parcellisation de l’Amérique, constituerait un facteur décisif pour débloquer notre perception, à la fois des conditions de la crise, de la gravité ontologique de la crise et de la nécessité de tenter de chercher une autre voie pour la civilisation – ou, plus radicalement, une autre civilisation.
» L’alternative n’est pas une évolution des arrangements politiques, économique ou géostratégiques (par exemple, la Chine remplaçant les USA comme n°1, mais toujours dans le même système). En raison du blocage psychologique ainsi décrit et de la prédominance de la communication, parce que nous sommes dans une ère psychopolitique et non plus dans une époque géopolitique, il n’est pas raisonnable d’envisager une évolution “douce” où les USA accepteraient de perdre leur position dirigeante absolue. L’alternative est une poursuite catastrophique de la crise vers des situations inconnues de désordre, avec les USA bloquant toute évolution possible. Mais il y a également de fortes chances que cette alternative renvoie évidemment à la première hypothèse, parce que l’entraînement “vers des situations inconnues de désordre” affecterait justement, en priorité, les USA, vers l’évolution qu’on suggère, prédatrice et liquidatrice de l’American Dream. »
Là-dessus, je vous laisse avec vos réflexions du genre : “Mais alors, que faire ?”
En attendant la réponse, voici donc, ci-dessous, le texte de Markku Siira, venu de son site, repris en français par ‘euro-synergies.hautefort’ le 23 mars 2023 :
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Un réalignement géopolitique est en cours, qui accélère le démantèlement de la domination mondiale des États-Unis. Même les groupes de réflexion occidentaux ont commencé à se pencher sur cette question sensible, comme le montre une étude récente de l'ECFR (European Council on Foreign Relations) intitulée "United West, divided from the rest" (L'Occident uni, séparé du reste).
Le sondage, réalisé en janvier de cette année (qui a porté sur les opinions non seulement dans neuf États membres de l'UE, mais aussi au Royaume-Uni et aux États-Unis, ainsi qu'en Chine, en Russie, en Inde et en Turquie), révèle des différences géographiques marquées dans les attitudes à l'égard de la guerre, de la démocratie et de l'équilibre mondial des pouvoirs.
"Le paradoxe de la guerre en Ukraine est que l'Occident est à la fois plus uni et moins influent dans le monde que jamais auparavant", déclare le directeur de l'ECFR et coauteur du rapport, le politologue et auteur britannique Mark Leonard (photo).
"Alors que la plupart des Européens et des Américains vivent dans un monde datant d'avant la guerre froide et structuré par l'opposition entre la démocratie et l'autoritarisme, de nombreuses personnes en dehors de l'Occident vivent dans un monde post-colonial fixé sur l'idée de la souveraineté nationale", déclare le co-auteur de l'étude, l'historien britannique Timothy Garton Ash.
L'étude montre que si les opinions occidentales sur la Russie se sont durcies au cours de l'année écoulée, elles "n'ont pas réussi à convaincre pleinement d'autres grandes puissances telles que la Chine, l'Inde et la Turquie", qui considèrent la Russie comme leur "partenaire" et leur "allié", même si elles ne sont pas d'accord sur la question de l'Ukraine.
En Chine, en Inde et en Turquie, par exemple, une grande proportion de personnes ont déclaré qu'elles estimaient que la Russie était "plus forte" ou au moins "aussi forte" qu'avant le début de l'action militaire il y a près d'un an. Ils considèrent Moscou comme un "allié" stratégique et un "partenaire indispensable" pour leur pays.
Les répondants non occidentaux espèrent clairement que la guerre prendra fin le plus tôt possible, même si cela signifie que l'Ukraine devra abandonner une partie de son territoire. L'implication active de l'Occident suscite le scepticisme en dehors de l'Occident, et les appels à "défendre la démocratie" ne sont pas suffisamment crédibles.
Bien que les États-Unis aient tenté de "mondialiser" le sentiment anti-russe, seuls 33 pays - représentant un peu plus d'un huitième de la population mondiale - ont imposé des sanctions à la Russie et envoyé une aide militaire à l'Ukraine.
Ces pays sont le Royaume-Uni, les États-Unis, le Canada, l'Australie, la Corée du Sud, le Japon et les États membres de l'UE. En d'autres termes, le projet antirusse a principalement impliqué des pays qui tombent dans la sphère d'influence des États-Unis et où il y a une forte présence militaire américaine.
Les autres nations, qui représentent près de 90 % de la population mondiale, n'ont pas suivi l'exemple de l'Occident. La guerre en Ukraine a en fait renforcé les relations de la Russie avec plusieurs grands pays non occidentaux, tels que la Chine et l'Inde, et a accéléré l'émergence d'un nouvel ordre international dans lequel, au lieu de la Russie, c'est l'"Occident collectif" lui-même qui apparaît isolé.
Le conflit ukrainien pourrait être un tournant marquant l'émergence d'un ordre mondial "post-occidental", suggèrent également les think tankers Leonard et Garton Ash. Selon eux, il est "hautement improbable" que l'ordre libéral en perte de vitesse, dirigé par les États-Unis, soit restauré. Au contraire, "l'Occident doit vivre comme l'un des pôles d'un monde multipolaire".