Lumières eschatologiques

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Lumières eschatologiques

• Une analyse lumineuse du conflit en Ukraine par rapport  aux mouvements de révolte en Occident. • « Les peuples européens et la Russie sont des alliés objectifs face à ceux qui se sont désignés comme leur ennemi commun. » • Contribution de Youssef Hindi.

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En quelques paragraphes avec quelques lignes, ce texte très court jette une lumière crue et nette sur la GrandeCrise qui déchire nos temps furieux. Il mesure sans hésiter l’enjeu, – qui est simple, sublime et colossal, – et décrit d’un seul trait les camps qui s’affrontent, – et nous savons aussitôt où est notre place. L’Événement est décrit comme si nous n’avions jamais eu rien d’autre sous nos yeux. C’est bien une guerre et elle se définit comme une flèche se fiche dans la cible.

« Le capitalisme productiviste n’est plus, il a changé de nature. Il est aujourd’hui sacrificiel, il consume les sociétés et les peuples occidentaux. C’est une véritable guerre d’extermination à petit feu que mène les tenants de ce néo-capitalisme dans un Occident gravement atteint par l’athéisme, terreau du nihilisme. Toutefois, le suicide n’est pas collectif. Les mouvements de révolte qui se multiplient sont la preuve que l’instinct de survie et de conservation des peuples occidentaux n’a pas disparu.

» Ainsi, l’oligarchie et la caste dirigeante de l’Ouest mènent une double guerre : contre leurs propres peuples en révolte et contre la Russie. C’est plus qu’une guerre civile mondiale, c’est un ‘pan-polemos’. Une guerre interétatique, intra-étatique, socio-économique, biologique, religieuse, existentielle. C’est une guerre contre la vie, une guerre contre la création, une guerre contre la Loi naturelle. »

Du même coup nous apparaît la monstruosité totale des forces que nous avons à affronter. C’en est presque un soulagement, une identification aussi nette et aussi parfaitement définie. A l’instant s’écartent aussitôt les brumes collantes et les borborygmes jacassant des commentateurs verbeux de la déconstructuration. Nous savons bien qui est qui et pourquoi chacun se trouve où il se trouve.

« Dans ce contexte anomique, la violation de la Loi naturelle est devenue la règle. L’autorisation du mariage homosexuel, de l’inceste, du changement de sexe des adultes et des enfants, fait de l’Occident le foyer de l’antinomisme, pour parler en termes théologico-juridiques. C’est un mouvement entropique, dont l’épicentre est l’anglosphère judéo-protestante qui détruit toutes les sociétés où s’impose son hégémonie. »

On passe alors aisément des descriptions théoriques de la bataille en cours, pour les nécessités opérationnelles qui s’imposent. Ainsi apparaît-il évident que l’actualité du jour, les événements divers des divers acteurs, qui semblent souvent accessoires et incompréhensibles, qui sont en vérité accouchés par l’Événement d’au-dessus de nous, constituent une démarche non pas historique mais directement métahistoriques comme l’avait compris Finkielkraut qui n’est malheureusement pas allé au bout de sa logique... Il s’agit effectivement de l’accélération de l’Histoire !

« L’espoir est dans la rapide délégitimation des dirigeants européens avec l’accélération de l’Histoire. Dans ce contexte, la Russie tient un rôle important. La guerre d’attrition qu’elle est en train de remporter face à l’OTAN peut à terme précipiter la chute de plusieurs gouvernements européens. Précipitant ainsi la guerre civile occidentale vers son dénouement. »

Ainsi savons-nous pourquoi il se passe ce qu’il passe dans nos rues, et également dans les grands champs de l’Ukraine. Le lien est fait entre les révoltes de nos nations et le grand affrontement entre le masque mortuaire de l’OTAN et l’extérieur de ce pseudo-“Occident-collectif” :

« Les révoltes populaires en Occident, et la contre-attaque russe en Ukraine contre l’OTAN, doivent ainsi être interprétées comme des réactions néguentropiques face aux forces entropiques. Le nomos (la loi) contre l’antinomisme, l’ordre contre le chaos nihiliste. [...] Dans cette guerre civile mondiale, dans ce ‘pan-polemos’, les peuples européens et la Russie sont des alliés objectifs face à ceux qui se sont désignés comme leur ennemi commun. »

C’est à ce propos que PhG écrivait dernièrement ces quelques lignes qui traduisaient sa tristesse, sinon sa colère, devant le comportement de nombre d’intellectuels français. Nous parlons de ceux qui se battent contre la déconstructuration et qui, dès lorsqu’il s’agit d’un conflit extérieur, sombrent dans l’affectivisme le plus béat. Eux qui ne cessent de dénoncer la presseSystème, – du ‘Monde’ à ‘Libération’, – lorsqu’il s’agit des événements intérieurs de déconstructuration, ne peuvent -ils s’interroger sur la proximité étrange qui les met dans le même camp lorsqu’il s’agit de l’Ukraine, sous le parrainage bienveillant de l’OTAN et des USA ?

« C’est pour beaucoup pour cette raison que je suis en froid profond avec mon pays. Je n’ai jamais compris comment tant d’intellectuels glorieusement engagés dans la bataille contre le wokenisme, – ils ne peuvent espérer l’arrêter mais ils doivent se signaler comme résistants et c’est fort bien, – se sont précipités comme des midinettes, le 24 février au matin, derrière le douteux Zelenski et les pitreries de l’UE, sans parler du gâteux d’outre-Atlantique, en faisant claquer les trois couleurs comme s’ils se trouvaient sur La Marne, et se prenant pour un Charles Péguy ma parole. N’ont-ils donc pas compris de quelle bataille il s’agit et où se trouve l’“ennemi principal” ? Cherchez un peu, vous autres, avec vos grosses jumelles à partir de la “tranchée des baïonnettes”, dans les archives récentes et avec une culture historique décente, d’où vient cette guerre et qui en sont les protagonistes, et les buts des uns et des autres, et les “amis américains” à qui nous devons tant. Cherchez encore, creusez, découvrez la hideuse vérité-de-situation et méditez à propos de vos errements.

» Vous voulez être des “bons Européens”, dites-vous ? Les choses vont grandement mal lorsque l’on n’est plus capable de reconnaître son ennemi principal. Je n’ai entendu que quelques claquements de dents sur les plateaux télévisés, pour les rares qui osaient s’aventurer à poser quelque question aux experts ricanant de la déconstructuration. »

Ci-dessous, on lira donc avec une joie intellectuelle non dissimulée ce texte de Youssef Hindi, venu de ‘Katehon.com’ du 1er mai 2023. Il s’agit d’un condensé de l’intervention de cet auteur lors de la première Conférence Mondiale sur la Multipolarité. (Le titre original est « La guerre civile occidentale dans le monde multipolaire » Nous considérons, de notre point de vue, que le conflit en Ukraine fait partie intégrante de cette “guerre civile occidentale”.)

dedefensa.org

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La guerre civile occidentale

Sous le regard du géopoliticien, l’Occident semble ne faire qu’un. Ce n’est que la surface apparente de la réalité. Il y a bien un alignement des dirigeants européens sur la politique extérieure des États-Unis, mais l’Occident n’existe pas en tant que civilisation une.

L’intégration de l’Europe au “grand espace” (grossraum) des États-Unis est la conséquence ultime de profondes transformations qui ont eu lieu à partir du XVIe siècle : la réforme protestante, l’affaiblissement de l’Église catholique romaine, la sécularisation, la transformation de l’Angleterre calviniste en hêgemôn planétaire, et les deux guerres mondiales qui ont mis sous la tutelle de Washington l’Europe de l’Ouest.

L’anglosphère ne s’est toutefois jamais confondue avec l’Europe continentale. Les États-Unis, n’étant pas un empire au sens traditionnel, ne considèrent pas le Vieux Continent comme un prolongement de leur nation. Les pays européens ne sont pas non plus des vassaux au sens classique du terme. L’Amérique est un hêgemôn inégalitaire, contrairement à l’empire romain qui considérait les peuples comme égaux. Les États-Unis ne se comportent pas comme un empire envers ses vassaux, dans un rapport mutuellement profitable. Ils dévorent leurs esclaves européens, comme Kronos mange ses enfants, de peur que l’un d’entre eux ne les supplante, ou, du moins, ne s’émancipe. Washington préfère sacrifier les pays d’Europe, brûler ses propres vaisseaux, plutôt que de les voir se rapprocher de la Russie, quitte à s’affaiblir lui-même.

L’Occident n’est donc pas “collectif”. Outre les différences anthropologiques et culturelles, il est traversé par une grave fracture depuis plusieurs décennies qui s’est mue en guerre civile. L’ultralibéralisme anglo-américain et judéo-protestant a détruit le tissu industriel des sociétés occidentales et les a fracturées géographiquement, culturellement, économiquement et sociologiquement. La bourgeoisie des grandes villes, sur lesquelles s’appuient les classes dirigeantes, ont fait sécession d’avec les catégories populaires de la périphérie.

Mais la lutte dépasse de loin celle des classes. Elle met face à face la Haute finance et l’économie réelle, la spéculation et la production, le fictif et le réel. C’est une guerre existentielle qui, en s’accentuant, agrège au noyau dur populaire les classes moyennes menacées de disparition.

Le capitalisme productiviste n’est plus, il a changé de nature. Il est aujourd’hui sacrificiel, il consume les sociétés et les peuples occidentaux. C’est une véritable guerre d’extermination à petit feu que mène les tenants de ce néo-capitalisme dans un Occident gravement atteint par l’athéisme, terreau du nihilisme. Toutefois, le suicide n’est pas collectif. Les mouvements de révolte qui se multiplient sont la preuve que l’instinct de survie et de conservation des peuples occidentaux n’a pas disparu.

Ainsi, l’oligarchie et la caste dirigeante de l’Ouest mènent une double guerre : contre leurs propres peuples en révolte et contre la Russie. C’est plus qu’une guerre civile mondiale, c’est un pan-polemos. Une guerre interétatique, intra-étatique, socio-économique, biologique, religieuse, existentielle. C’est une guerre contre la vie, une guerre contre la création, une guerre contre la Loi naturelle.

La guerre civile mondiale et le pan-polemos ont été répandus par les États-Unis qui ont instauré l’état d’exception permanent en Occident et violent systématiquement le droit international.

Dans ce contexte anomique, la violation de la Loi naturelle est devenue la règle. L’autorisation du mariage homosexuel, de l’inceste, du changement de sexe des adultes et des enfants, fait de l’Occident le foyer de l’antinomisme, pour parler en termes théologico-juridiques. C’est un mouvement entropique, dont l’épicentre est l’anglosphère judéo-protestante qui détruit toutes les sociétés où s’impose son hégémonie.

Les révoltes populaires en Occident, et la contre-attaque russe en Ukraine contre l’OTAN, doivent ainsi être interprétées comme des réactions néguentropiques face aux forces entropiques. Le nomos (la loi) contre l’antinomisme, l’ordre contre le chaos nihiliste.

La Russie se bat, comme les peuples occidentaux, pour son existence, pour repousser le Mal et l’expulser de son propre corps. Elle mène une guerre extérieure, par les armes, et une lutte intérieure, spirituelle. Plus la guerre extérieure s’intensifie et plus la Russie se radicalise, au sens latin ; elle tente d’extirper les virus tenaces du progressisme.

Dans cette guerre civile mondiale, dans ce pan-polemos, les peuples européens et la Russie sont des alliés objectifs face à ceux qui se sont désignés comme leur ennemi commun.

L’avènement de la multipolarité ne se réduit pas à un nouveau partage du monde et la fin de l’hégémonisme planétaire des États-Unis. La guerre Russie/OTAN en Ukraine n’est pas exclusivement matérielle, et les révoltes populaires en Occident ne sont pas circonscrites à une lutte socio-économique.

La coïncidence historique de ces différents phénomènes n’est pas fortuite. L’identification de l’ennemi auquel résistent les peuples européens, la Russie, les pays d’Afrique, la Chine, doit nous faire méditer sur la nature de ce combat global. Le projet politique totalitaire de l’ennemi, ses méthodes et son caractère nihiliste, placent le pan-polemos qui nous est imposée sur le terrain eschatologique.

Les dirigeants américains, qu’ils soient croyants ou athées, considèrent les États-Unis comme une nation messianique dont la politique est toujours justifiée, au sens religieux, même si elle doit conduire le monde à l’Armageddon. Le danger, dans un futur plus ou moins proche, est la confrontation directe des puissances nucléaires sur le territoire européen, contre la volonté des peuples enfermées dans des structures supranationales étasuniennes. À ce stade, les Européens n’ont pas encore trouvé leurs champions, leurs véritables représentants capables de reprendre les rênes des États amputés de leur souveraineté politique.

L’espoir est dans la rapide délégitimation des dirigeants européens avec l’accélération de l’Histoire. Dans ce contexte, la Russie tient un rôle important. La guerre d’attrition qu’elle est en train de remporter face à l’OTAN peut à terme précipiter la chute de plusieurs gouvernements européens. Précipitant ainsi la guerre civile occidentale vers son dénouement.

Il est donc nécessaire que la Russie ne se coupe pas totalement de l’Europe et construise des ponts avec la société civile où se trouvent les véritables élites et d’où émergeront les futurs dirigeants. La multipolarité doit se bâtir avec les peuples, et par-delà les pouvoirs politiques si nécessaire.

Youssef Hindi

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