L’Inde s’en va-t-en-guerre (vs US)

Faits et commentaires

   Forum

Il y a 5 commentaires associés à cet article. Vous pouvez les consulter et réagir à votre tour.

   Imprimer

 797

L’Inde s’en va-t-en-guerre (vs US)


9 août 2004 — Un livre intéressant vient de paraître en Inde (The Writing on the Wall. India Checkmates America 2017 by S Padmanabhan, Manas Publications, New Delhi, 2004. ISBN: 81-7049-175-4. Price US$35, 300 pages). Le site atimes.com en assure un compte-rendu, sous la plume de Chanakya Sen.

Il est vrai, d’autre part, que des engagements en combat aérien, dans une campagne d’entraînement durant les mois de juin et de juillet, entre des F-15C de l’USAF (Alaskan Air Command), et des Sukhoï Su-30K de la force aérienne indienne, ont provoqué une immense impression en Inde. Les avions indiens ont dominé les F-15 américains selon le ratio de 9 victoires contre 1 en combat aérien simulé. C’est une humiliation sans précédent pour l’USAF.

(D’autre part, les résultats de cette série d’engagements ne peuvent être en aucun cas une surprise. La puissance américaine, qui ne cesse de s’affirmer selon les méthodes virtualistes et médiatiques comme hors du commun des puissances militaires, ne cesse en réalité de vieillir en attendant une modernisation hors de prix, impossible à mettre en oeuvre à cause du coût et des difficultés d’intégration des nouveaux avions (F-22, JSF/F-35). Autant les F-15 sont dominés par les Su-30 et -35 russes, autant ils doivent l’être par les Mirage 2000 les plus avancés et les futurs Rafale de l’Armée de l’Air. Au niveau de l’U.S. Navy, les F-18E/F sont d’ores et déjà dépassés par les Rafale Marine et rien de plus performant pour la supériorité aérienne n’est aujourd’hui prévu pour la Navy, le JSF ne servant qu’à l’appui tactique.)

Le livre décrit un scénario de montée en puissance de l’Inde, avec des alliances régionales (la Chine), l’organisation d’un traité collectif de défense en Asie, l’isolement des derniers alliés de Washington (le Pakistan, la Corée du Sud, Taïwan, le Japon), jusqu’à un affrontement entre l’Inde et le Pakistan en 2016-2017 conduisant à l’engagement américain pour sauver le Pakistan. L’engagement se termine par un arrêt des hostilités consécutif à une intervention de l’ONU au moment où les Américains se trouvent en difficultés.


« In March 2016, an Indian commercial ship is sunk by Pakistani naval forces released from duty on paper. Delhi sets a time-bound ultimatum for the saboteurs to be handed over for trial. The US national security adviser informs India that “if it comes to an Indo-Pak war, we shall fight on the side of our ally (p 219).” India withdraws the ultimatum after the US appeals to avert war and promises to rein in Pakistan.

» Behind the scenes however, US agent provocateurs are sent into India and other ASE component states to engineer riots, sabotage and to provide a last resort option of triggering war between Pakistan and India. US Special Forces personnel blow up the strategic Jawahar Tunnel linking Jammu and Srinagar in July 2017. India demands surrender of all responsible persons in 10 days. The Pakistani president eyes an opportunity of a lifetime in Indo-US flare-ups and declares war against India, with the chilling assurance, “With the US on our side, victory is assured (p 238).”

» The Pakistani armed forces suffer serious setbacks in the war as Lahore is surrounded by Indian troops on the first day of the war itself. In the Oval Office, the American president is told that unless Washington enters the fight, its ally would be defeated and “religious fanatics may capture power and the bomb (p 242).” US carrier battle groups move into the war zone to launch seven Tomahawks at Indian high-value targets, only to be decapitated by the Vajra missile defense umbrella. Indian electromagnetic pulses powered by “e-bombs” incapacitate American phones, electric grids and computer networks. When some Indian communication satellites are destroyed by US action, Delhi switches to backup satellites of allied countries within a record 45 minutes. A UN resolution stops the war with a unanimous ceasefire of all permanent members of the Security Council within two days of active hostilities. »


L’intérêt du livre est moins dans le scénario qu’il présente, tout intéressant qu’il puisse être, que dans le fait même de cette publication, sur un tel scénario ; que ce livre soit publié en 2004, après que l’auteur (un ancien général, chef d’état-major de l’armée indienne), ait pu mesurer les limites de la puissance américaine en Irak ; enfin, que son orientation n’étonne pas, et même qu’elle puisse paraître naturelle finalement, selon par exemple l’estimation mentionnée page 27 qu’il est nécessaire de développer en 2004 un plan de développement d’armement sur 15 ans « to resist the USA if she turns rogue ».

On peut mesurer un peu mieux, de cette façon, l’extraordinaire transformation de l’image projetée à l’extérieur par les Etats-Unis d’Amérique, et comment cette transformation se mesure en nécessité d’armement et en possibilité de guerre tant l’Amérique a imposé une logique de force aux relations internationales.

La situation internationale, aujourd’hui, devient moins unique par l’énormité de la puissance américaine, dont les failles et les faiblesses apparaissent chaque jour, que par l’unanimisme antagoniste créé par les affirmations de puissance de l’Amérique et par sa politique délibérée d’agression (premptive strike). Le seul phénomène de cette situation internationale aujourd’hui est bien que les USA sont la référence hostile et l’objectif implicite de toutes les puissances du monde. Le phénomène américaniste n’a pas créé une “hyperpuissance” irrésistible, il a plutôt réussi à créer une unanimité stratégique contre la puissance américaniste. Le reste viendra de soi : la puissance militaire américaine est en train de sombrer dans la décadence par son incapacité, par hyper-sophistication et par paralysie bureaucratique, à se moderniser, à se rentabiliser, à devenir efficace au niveau de la production. Il est vrai que tous les avions de combat (sauf les 21 B-2 à officiellement $2,4 milliards l’unité, et peut-être 2,5 fois plus cher en réalité) ont des cellules de base conçues dans les années soixante (F-15) et le début des années soixante-dix (A-10, B-1, F-16, F-18), et par conséquent ce sont les plus vieilles dans les forces aériennes modernes. Il en résulte les constats que l’on fait au niveau des combats aériens.

Nous ne développons pas ces observations en fonction d’une guerre à venir, comme le fait le livre envisagé içi, mais, plus précisément et plus rapidement, pour annoncer et mesurer la chute d’influence des USA et l’affaiblissement du système qui va inéluctablement accélérer dans les années et même les mois qui viennent. La “défaite” irakienne (ou “catastrophic success”, comme la qualifie le général Franks) est le pendant militaire du désastre électoral que va être l’élection présidentielle de novembre prochain, au milieu des fraudes, fausses et vraies alertes terroristes, manipulations, etc. Hier (il y a 18 mois), les USA étaient l’ennemi possible qui terrorisait tout le monde ; aujourd’hui, c’est l’ennemi possible que tout le monde rêve de réduire à un rôle diminué. Cette évolution des intentions pèsera décisivement sur la capacité d’influence des USA.