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1345Il faut un auteur américain, — mais quel auteur, et de quelle qualité, l’historien et commentateur William Pfaff, — pour mettre en évidence quelques réalités qui devraient importer tant aux commentateurs européens responsables et qu’on trouve si rarement chez eux. Dans son dernier article (aujourd’hui dans l’International Herald Tribune), Pfaff analyse la question de la levée de l’embargo européen des armes vers la Chine.
L’analyse de la question par Pfaff a le mérite, prévisible avec lui, d’écarter les sornettes accessoires (l’hypocrite rhétorique du lien “droits de l’homme”-armes, ridiculisée par ses avocats dans nombre d’autres cas) pour éclairer l’essentiel. Il s’agit du passage d’une matière jusqu’alors anodine dans le domaine supérieur des relations stratégiques, — par la volonté des Américains, exclusivement. Il s’agit également d’une appréciation réaliste et juste des arguments utilisés contre les Européens dans cette affaire, notamment la critique du renforcement potentiel d’une supposée puissance chinoise (« vast overestimation of China's actual power », ou bien encore : « the rising tempo of [Chine] threats against Taiwan's independence [is] alarming those who want to be alarmed »). Il s’agit enfin d’une appréciation frappante des conséquences d’éventuelles mesures de rétorsion US, qui terrorisent l’establishment européen en mettant en évidence aussi bien sa servilité d’esprit que sa complète inculture des matières considérées.
Ce dernier point énonce les évidences de la situation transatlantique: que les menaces US sont vides puisqu’elles portent sur des restrictions de transferts vers l’Europe de technologies stratégiques US qui n’existent pas; que les premiers frappés, par contre, seront ceux qui ont ridiculisé l’“esprit européen” dont il font si grand cas en s’engageant dans un programme d’avion de combat (le F-35/JSF) qui dépend d’une technologie US dont l’accès leur sera évidemment restreint, voire interdit (de toutes les façons, mesures de rétorsion ou pas, la restriction sera de mise de bout en bout) ; que la chose, finalement, devrait bénéficier à l’Europe, qui devra se replier sur ses propres systèmes de haute technologie, qui existent, eux (au contraire du JSF), et qui valent bien ceux des Américains.
Voici ce qu’écrit Pfaff sur cette question:
« A curious element in the situation is that current American threats of retaliation against Europe jeopardize American interests.
» The Bush administration's threat to cut U.S. technology transfers to Europe is empty, because there is practically no transfer to Europe of strategically important American technology.
» Even inside transnational corporations, such as British Aerospace, which hold Pentagon contracts, sensitive work is tightly held and sequestered in separate American-controlled entities.
» The only visible exception is the Joint Strike Fighter, the F-35, which America wants to sell to Europe. The program already has several West European partners who have made heavy financial commitments.
» The Joint Strike Fighter is not made to function on its own. It depends on an elaborate external system of intelligence acquisition, selection and target assignment based on the ground or in another aircraft. Unless the means for that external control — core software codes and accompanying technology — are included in the delivered aircraft, the fighter cannot function as it is designed to do.
» The countries currently expected to buy the fighter are America's closest allies in Western Europe. If the United States withholds Joint Strike Fighter technology, they will have wasted their money. Those that would benefit from a cutoff in Joint Strike Fighter technology transfer are Europe's own aerospace manufacturers, which are French, German and Swedish. »
Mis en ligne le 16 avril 2005 à 10H35