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288• On ne cesse de parler, depuis quelques années, de “multipolarité” comme passage à un état différent à partir d’une unipolarité (la civilisation occidentale) déclinante sinon en processus d’effondrement. • Le texte ci-dessous nous propose implicitement une analyse claire et précise de ce que cet événement signifie. • Il ne s’agit simplement d’un changement à l’intérieur d’un même système mais du passage à un nouveau système. • Les facteurs-clef ne sont plus ceux de la force (“idéal de puissance”) mais ceux de l’esprit (“idéal de perfection”). • Il s’agit d’une véritable révolution.
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Il est probable que l’on n’apprendra rien d’un événement terrestre fondamental avec ce texte puisque c’est l’évidence de l’évolution actuelle de la situation qui y est évoquée. Pourtant, il s’agit d’un apport très précieux parce qu’il décrit en termes clairs ce que nous pressentons en même temps que nous le ressentons. Au centre de cette évolution se trouve le concept de “multipolarité”, que tout le monde connaît, – mais dont on se demande à la lecture si on le connaissait vraiment bien.
Brièvement dit, la principale vertu de ce texte est la clarté et cette clarté nous permet de distinguer combien les choses fondamentales qui se mettent en place sont simples et aisées à comprendre... A commencer, par exemple, par le commencement, qui est la chute qui nous conduit, nous oblige à rechercher et à constituer un ensemble civilisationnel complètement nouveau, – car cette chute est la conséquence d’une trahison par rapport aux promesses universelles qui nous étaient faites, – la trahison de la modernité.
« La trahison est profonde : la civilisation même qui se proclamait la défenderesse de la dignité humaine la piétine désormais pour maintenir son hégémonie mondiale. »
L’effondrement de la civilisation occidentale signale la fin de l’unipolarité qui, de décadence en décadence, de trahison en trahison, ne tient (ne tenait ?) plus que par la force des armes, le simulacre de la communication et l’oppression de l’économisme. Par contre, le développement de la multipolarité est marqué par l’affirmation culturelle et spirituelle de différentes civilisations qui avaient jusqu’ici été tenues dans les chaînes de la contraintes. Nous passons de l’idéal de puissance à l’idéal de perfection, ce qui nous ramène aux théories (notamment) de Guglielmo Ferrero énoncées durant la Grande Guerre.
Dans le cas qui nous occupe, nous voyons donc ces théories passer au stade de la pratique, entraînant par conséquent des définitions nouvelles,
• celle de l’unipolarité (sans surprise, puisque évidente depuis deux-trois siècles avec des centres de force différents) et de la prééminence des valeurs de puissance, – les armes, l’économisme, la contrainte, le suprémacisme, l’influence faussaire :
• à celle de la multipolarité, selon des critères entièrement nouveau dans cette place qu’ils occupent, d’affirmations civilisationnelles ennemies de toute contrainte, appuyées sur des valeurs traditionnelles de culture et de spiritualité.
• Ce passage est effectivement marqué par la fin d’un monologue de plus en plus balbutiant jusqu’à confiner à la folie comme le sont aujourd’hui les pouvoirs issus de cette unipolarité à un dialogue qui s’établit entre les différentes civilisations ayant retrouvé leur place et leur raison d’être.
« L'effondrement moral du libéralisme marque non seulement un changement politique mais un tournant civilisationnel. [...]
» Dans cette nouvelle ère, l'âge de l'Empire s'estompe. L'âge des civilisations se lève.
» À l'aube de l'âge des civilisations, le dialogue entre les cultures doit remplacer le monologue d'une civilisation qui s'effondre. »
Cette description précise et opérationnelle de la multipolarité était bien entendu déjà présente chez divers penseurs, notamment chez Douguine avec son idée de “nation-civilisation” qui habite sa vision de la multipolarité. La démarche du Chinois Hei Sing Tso, présentant les conceptions antiques de Guiguzi et applaudissant aux conceptions de la multipolarité de Douguine, peut ainsi être résumée :
« La démarche propose une adaptation de certains concepts des traditions anciennes à ce qui peut être conservé et modifié avantageusement dans la modernité. Par rapport aux concepts modernistes mortifères de “polarité numériques” (unipolarité, bipolarité, tripolarité) qui répondent à des rapports de force autour d’une puissance centrale, nécessairement concurrents et donc antagonistes, la multipolarité répond à des valeurs culturelles et civilisationnels qui se constituent d’elles-mêmes, sans affrontements, et qui peuvent échanger par simples et pacifiques relations dans le cadre d'une géopolitique libérée du spectre de la force. »
L’auteur du texte ci-dessous précise encore ces définitions en les appliquant directement à la situation d’affrontement actuel et en ménageant sa véritable place à l’évidence de la tradition. Il s’agit alors bien d’une véritable “résistance civilisationnelle” qui s’est dressée contre le globalisme de l’unipolarité et qui achève de hâter son destin catastrophique.
« En réponse, une vague mondiale de résistance civilisationnelle s'est élevée. Il ne s'agit pas d'un simple nationalisme ; c'est une affirmation plus profonde de modes d'être différents, de façons alternatives de connaître et d'organiser les sociétés. »
Ainsi donc, ceci, qui est essentiel, est fixé : la multipolarité n’est pas une version concurrente de l’unipolarité, à l’intérieur d’un même système dépendant de l’idéal de puissance, répondant à la même géopolitique de force. De façon profondément différente, la multipolarité sort de ce monde, de cette conception, de cette logique. Elle abandonne l’idéal de puissance pour retrouver l’idéal de perfection qui triompha à diverses reprises, sous des cieux différents, aux temps de nos Anciens.
Le passage de l’unipolarité (ou des “polarités chiffrées” telles que “bipolarité”) à la multipolarité n’est pas un simple changement, – même très important, – à l’intérieur d’une même structure, c’est le passage à une autre structure
L’article de Peiman Salehi a été publié par ‘euro-synergies.hautetforrt.com’ le 6 mai 2025.
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Le libéralisme, autrefois présenté comme l'aboutissement final de l'organisation politique humaine, promettait la liberté, la dignité et la prospérité pour tous. Issu des Lumières et défendant des valeurs telles que les droits individuels, la démocratie et le libre marché, il revendiquait une supériorité morale sur toutes les autres idéologies. Aujourd'hui, nous assistons à l'effondrement de ces promesses. L'ordre libéral a dégénéré en un appareil de domination, menant des guerres au nom de la paix, imposant des sanctions qui étouffent les nations et exportant un nihilisme culturel déguisé en « valeurs universelles ».
La trahison est profonde : la civilisation même qui se proclamait la défenderesse de la dignité humaine la piétine désormais pour maintenir son hégémonie mondiale.
Partout dans le monde, les contradictions morales du libéralisme sont exposées. Sous les bannières des « droits de l'homme » et de la « liberté », les puissances libérales ont lancé des guerres dévastatrices : Irak, Afghanistan, Libye. Les régimes de sanctions contre l'Iran, le Venezuela et la Syrie ont entraîné des souffrances indicibles parmi les civils. Plutôt que de favoriser la paix, le libéralisme a institutionnalisé la coercition.
En interne, l'Occident libéral fait face à sa propre décadence. Les inégalités atteignent des niveaux historiques ; la confiance dans les institutions démocratiques s'effondre. L'essor des États de surveillance, la censure sous couvert de « contrôle de la désinformation » et l'atomisation sociale croissante témoignent tous d'un système incapable de vivre à la hauteur de ses propres idéaux.
Philosophiquement, la prétention du libéralisme à l'universalisme s'est révélée être un masque pour le particularisme occidental. Ses institutions – l'ONU, le FMI et la Banque mondiale – ne servent pas l'humanité, mais les intérêts bien établis d'une oligarchie atlantiste. Grâce à des mécanismes tels que les conditions pour obtenir des prêts et l'imposition de politiques d'austérité, ces institutions ont souvent creusé les inégalités et la dépendance politique dans le Sud global plutôt que de favoriser un réel développement.
En réponse, une vague mondiale de résistance civilisationnelle s'est élevée. Il ne s'agit pas d'un simple nationalisme ; c'est une affirmation plus profonde de modes d'être différents, de façons alternatives de connaître et d'organiser les sociétés.
En Iran, la République islamique continue d'affirmer un modèle de gouvernance islamique enraciné dans la souveraineté spirituelle. La Russie, sous le dénominateur de l'eurasisme, revendique son identité orthodoxe et civilisationnelle. Le socialisme confucéen de la Chine offre une synthèse de tradition et de modernisation en dehors des paradigmes occidentaux. Pendant ce temps, l'Amérique latine assiste à une renaissance de la solidarité bolivarienne, et l'Afrique retrouve progressivement ses épistémologies indigènes.
La résistance civilisationnelle n'est pas un retour à l'isolationnisme ; c'est une insistance sur la multipolarité – sur le droit des différentes cultures à définir la modernité selon leurs propres termes.
Le moment unipolaire est terminé. L'ordre mondial émergent est intrinsèquement multipolaire, façonné par divers acteurs civilisationnels. Alors que le libéralisme cherchait à effacer la particularité culturelle au profit de l'homogénéisation, l'avenir appartient à la pluralité des civilisations.
Les partenariats stratégiques de l'Iran avec la Russie et la Chine, l'expansion des BRICS et la coopération Sud-Sud croissante illustrent que la résistance n'est pas simplement défensive. Elle est constructive – une entreprise créatrice pour construire un système international alternatif basé sur le respect, non sur la domination.
Ces civilisations, enracinées dans des traditions spirituelles et culturelles durables, possèdent une résilience que la modernité libérale, avec son ethos consumériste éphémère, manque de plus en plus.
Le libéralisme occidental, confronté au déclin démographique, à l'épuisement moral et à une extension stratégique excessive, est mal équipé pour inverser cette tendance. Le centre ne peut plus tenir.
L'effondrement moral du libéralisme marque non seulement un changement politique mais un tournant civilisationnel. Alors que l'hégémonie occidentale vacille, l'opportunité se présente de forger un monde plus juste, diversifié et spirituel.
La résistance civilisationnelle n'est pas née de la haine mais de l'amour – l'amour de la tradition, de l'identité, d'un avenir où l'humanité n'est pas réduite à des unités économiques mais honorée en tant que porteuse de sens transcendant.
Dans cette nouvelle ère, l'âge de l'Empire s'estompe. L'âge des civilisations se lève.
À l'aube de l'âge des civilisations, le dialogue entre les cultures doit remplacer le monologue d'une civilisation qui s'effondre.