Les armées de la fin d’un monde

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Les armées de la fin d’un monde

• Deux textes présentent deux formations différentes de “forces armées” (expression plus adéquate que le mot “armées”). • Elles partent en tous sens et massacrent nos convictions de l’avenir. • Visages du désordre.

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Nous avons réuni deux textes dans une même édition alors que leurs sujets n’ont entre eux aucun lien idéologique, géographique, militaire, psychologique. Pourtant, ces deux phénomènes illustrent à notre sens un seul phénomène en cours qui est une sorte de désintégration du concept d’“armée”, hors du contexte de la nation, hors du contexte du mercenariat, hors du contexte de l’alliance, etc., – bref, hors de tous les contextes qui d’habitude constituent des cadres dans lesquels se forme et évolue une armée. Nous voulons par là illustrer une tendance qui s’affirme nettement, opérationnellement, depuis deux ans, à partir d’une évolution des situations de chaos depuis une décennie à peu près (début des phases actuelles des événements d’Ukraine et du Moyen-Orient).

• D’une part, une appréciation de ce qui est perçu comme une “victoire” du Hamas contre l’armée israélienne (IDF, ex-‘Tsahal’) :

« Le Hamas entre dans l'histoire militaire

» Bien qu'il ait tué des dizaines de milliers de civils, Israël n'a pas été en mesure de vaincre le Hamas, ni d'atteindre ses objectifs à Gaza. »

La description qui est faite de l’action du Hamas se rapporte à un ensemble militaro-civil opérant selon des normes dissymétriques une bataille qu’on voudrait définir comme asymétrique, c’est-à-dire une bataille qu’on aurait attendue comme privée de symétrie, – utilisant des ensemble symétriques sans rapport entre eux, – mais qui a en fait utilisé une symétrie défectueuse, faisant croire à un affrontement dissymétrique qu’il n’était pas... L’IDF s’est cassé les dents sur cette irrégularité inattendue, où elle rencontra à la fois des événements conventionnels pour elle et d’autres qui ne l’étaient pas. Il est bien possible que le chef d’état-major général Halevi, et peut-être d’autres généraux, paient cette situation de leurs positions, ouvrant une grave crise dans l’armée.

« ‘Asymétrie’ : absence de symétrie (préfixe a-, sans). “L'architecte a voulu l'asymétrie de la façade”. ‘Dissymétrie’ : défaut dans la symétrie (préfixe dis-, séparé de). “La dissymétrie de son visage lui donne du charme sans la rendre laide”. »

• D’autre part, la description d’un curieux, ou effrayant mouvement qui, selon l’auteur, se répand dans les rangs des officiers des armées occidentales à partir de la fraction la plus radicale de la fraction elle-même extrême, et néo-nazie (ou ‘ukro-nazie’, selon la terminologie russe), de l’armée ukrainienne.

« Voici Centuria, l'armée néo-nazie ukrainienne entraînée par l'Occident

» Une souche exclusivement ukrainienne du néonazisme se répand dans toute l'Europe, qui prône ouvertement la violence contre les minorités tout en cherchant de nouvelles recrues.

» Avec l'effondrement de l'armée de Kiev et le récit de la trahison occidentale qui gagne du terrain, l'horreur infligée aux habitants du Donbass pendant une décennie pourrait très bientôt se produire dans une ville près de chez vous. »

Ici, on rencontre un cas bien différent de celui qu’on envisage plus haut. C’est l’affirmation de la diffusion d’une idéologie considérée jusqu’en 2014-2015 comme absolument maudite et sataniste... Mais cette référence de 2014-2015 est à la fois fondée et justifiée, et en même temps complètement mise à l’index comme une manipulation “pro-russe”, selon l’existence schizophrénique que nous impose la manipulation massive du système de la communication d’une part, et sa résistance à cette manipulation d’autre part. Cela a conduit à nier officiellement l’existence d’une composante ‘ukro-nazie’ en Ukraine et dans l’armée ukrainienne, et, par conséquent, au développement et à la bénédiction de la diffusion de cette tendance.

Il nous importe grandement, c’est là pour nous le seul impératif de cette publication, qu’il ne soit tenu aucun compte des enseignements qu’on serait naturellement conduits à tirer de ces deux textes, – l’une ou l’autre chose de la sorte :

• Le Hamas a-t-il créé un nouveau “mode opératif” de la “guerre”, qui pourrait être exploité et institutionnalisé ?

• L’Occident, ou disons ce qu’il en reste, est-elle menacée de voir ses armées transformées en grandes unités néo-SS à notre nez et à notre barbe ?

Note de PhG-Bis : « Il nous est arrivé de nous préoccuper sérieusement de cette dérive nazie, évidente dès les premier jour (voir le 30 juin 2014). Plus maintenant, plus du tout. Nous avons dépassé ce stade, nazis ou pas nazis : ils sont totalement perdus dans des hallucinations d’asservissement à ils ne savent quoi que ce soit de rien du tout, et ils sont capables de faire le salut hitlérien en criant que “le fascisme ne passera pas”, en tenant un cornet de crème glacé de l’autre main, en faisant attention de ne pas égarer leur entonnoir couvert d’insignes du Vème Reich qui leur sert de couvre-chef. Voilà où en sont nos experts et autres têtes couronnées d’entonnoirs sertis de billets de $500. Cet aspect-là n’a aucune importance, absolument aucune. »

... Donc, cette sorte de babillage est pour nous sans intérêt. Demain, on trouvera d’autres nouveautés à mettre sous les dents éclatantes et implantées des experts appointés richement des plateaux-TV. Ce qu’il nous importe de montrer, c’est la complète débâcle, la déconstructuration absolument radicale de l’ordre des choses, et ici, de l’ordre des choses militaires, sous la contrainte des folies extraordinaires nées des manipulation du système de la communication, ou aussi de la solide résistance que ce système leur oppose, nous empêchant de tomber dans une sorte de néo-‘1984’, ou un avant-gardiste ‘2084’ d’un néo-George Orwell. Ce formidable affrontement schizophrénique conduit effectivement à des situations réelles (c’est-à-dire vraies) complètement démentes elles-mêmes, ou bien inversement qui paraissent démentes aux déments qui nous dirigent prétendument alors qu’elles sont réelles (c’est-à-dire vraies). Cet état de chose est particulièrement marqué au niveau des forces armées, où plus aucune forme, plus aucune structure ne s’impose devant une description absolument déstructurée et folle de la situation du monde. (On peut ajouter aux deux exemples choisis le somptueux arrangements qui fait envisager que des ‘soldats’ des cartels  latinos-américains, assassins notoires et cruels, et gestionnaires des 'mules' transporteuses de drogue vers les USA, se voient proposer d'être sortis des prisons USA pour servir la “juste cause” de l'Ukraine c ontre leur libération pour reprendre leurs activités.)

... Bien entendu, nous parlons ici de l’asile d’aliénés qu’est l’Occident. Ce genre de situation n’existe guère de l’autre côté, du côté russe par exemple. Il leur a fallu un certain temps pour s’adapter au brouhaha de nos casseroles et de nos entonnoirs, mais il semble qu’ils comment à s’y faire. De tout cela, il sortira quel quelque chose d’extraordinaire, de miraculeux, de jamais-vu, qui plongera LCI dans le polus grand trouble, ou bien alors un immense éclat de rire cosmique nous indiquant que, Là-Haut sur son Olympe, Jupiter ne s’est jamais autant bidonné.

Les deux textes sont successivement :

• du 10 avril 2024, sur ‘Spirit of Free Speech’, « Le Hamas entre dans l'histoire militaire » ;

• du 10 avril 2024, sur ‘Spirit of Free Speech’, « Voici Centuria, l'armée néo-nazie ukrainienne entraînée par l'Occident ».

dde.org

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L’“art opératif” du Hamas

Après six mois de combats acharnés et le retrait de l'armée israélienne de la ville de Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, de nombreux commentateurs israéliens et occidentaux ont affirmé que le Hamas était en train de gagner la guerre et d'entrer dans l'histoire militaire par la même occasion.

Sir Tom Phillips, ancien diplomate britannique et ambassadeur en Israël et au Royaume d'Arabie saoudite, a écrit le 9 avril dans Haaretz que le Hamas avait réussi à atteindre son objectif, à savoir 

“obtenir la libération du plus grand nombre possible de Palestiniens détenus dans les prisons israéliennes, et s'affirmer à nouveau comme une force avec laquelle il faut compter”.

Il a ajouté que le Hamas avait survécu “à l'assaut des forces de défense israéliennes bien plus longtemps que dans toute autre guerre menée par Israël” et que, ce faisant, qu’il avait “considérablement écorné le statut dissuasif tant vanté d'IsraëlEn bref, et avec des conséquences potentielles à long terme redoutables pour Israël, Tsahal ne semble plus invincible”.

Le Hamas a bloqué un éventuel accord de normalisation entre l'Arabie saoudite et Israël, qui semblait inévitable avant le début de la guerre le 7 octobre, et a replacé la question palestinienne “sur le devant de la scène internationale” après des années d'échec de l'Autorité palestinienne (AP).

Phillip note que la victoire finale du Hamas réside en la “vitesse fulgurante de la délégitimation d'Israël après le 7 octobre aux yeux de nombreuses personnes dans le monde”.

Le 8 avril, le journaliste israélien Amos Harel a également écrit dans Haaretz que les principaux objectifs d'Israël à Khan Yunis “n'ont pas été atteints”.

Après le retrait de la 98e division de la ville de Gaza, Harel a noté que 

les “deux objectifs de l'armée israélienne étaient la capture des hauts responsables du Hamas à Gaza, et la libération des captifs israéliens actuellement détenus par la Résistance palestinienne à Gaza”.

“Il faut dire la vérité au public : les massacres et les destructions massives que l'armée israélienne laisse derrière elle à Gaza, ainsi que les quelques pertes subies de notre côté, ne nous rapprochent pas vraiment des objectifs de notre offensive”, conclut-il.

Dans une analyse parue dans Yedioth Ahronoth, Nadav Eyal, spécialiste de la politique israélienne, explique qu'Israël souhaitait rétablir son pouvoir de dissuasion, éliminer le Hamas et libérer les prisonniers détenus par le Hamas dans la bande de Gaza. Mais aucun de ces objectifs n'a été atteint.

“L'échec d'Israël n'est pas lié aux objectifs de la guerre, qui ont été pleinement soutenus par tous les pays occidentaux. L'échec réside exclusivement dans l'exécution", a écrit M. Eyal, ajoutant que "la guerre ne se gagne pas uniquement en tuant. Une stratégie politique complémentaire est indispensable”.

Le premier échec, selon l’article, vient “des souffrances des civils à Gaza”.

“Ceux qui veulent renverser le pouvoir du Hamas à Gaza ne doivent pas mener une offensive de vengeance à la romaine, ni ériger de mur de protection ou mener des actions de représailles comme si nous étions dans les années 1950”.

Le commentateur israélien a également reproché au Premier ministre israélien Netanyahou son attitude à l'égard de Washington. 

“La confrontation publique et malveillante de M. Netanyahu avec l'administration Biden n'a fait qu'accentuer la fragilité d'Israël”, a-t-il déclaré.

M. Eyal a également noté qu'Israël s'était isolé de la communauté internationale et que même ses alliés à Washington et à Bruxelles commençaient à lui tourner le dos.

“Non seulement (Israël) a perdu le soutien de la plupart des pays occidentaux et est très proche d'un embargo sur les armes de la part de l'Europe, y compris de la part de son grand allié, mais les plaques tectoniques sont en mouvement”.

Le 27 mars, des responsables des services de renseignement israéliens ont également noté le changement intervenu à Washington. Ils ont déclaré au Telegraph que l'objectif déclaré du gouvernement israélien d'“éradiquer le Hamas ”dans la bande de Gaza était devenu irréalisable depuis que les États-Unis avaient “tourné le dos” à Tel-Aviv en s'abstenant lors d'un vote du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) en début de semaine.

“Si vous m'aviez posé la question il y a un mois, j'aurais certainement dit oui, [nous pouvons éliminer le Hamas] parce qu'à l'époque, les Américains soutenaient Israël”

a déclaré un responsable des services de renseignement israéliens au quotidien britannique, suggérant que cette évaluation “avait maintenant changé”.

“Les États-Unis sont hostiles à l'invasion de Rafah, contrairement à ce qu'ils pensaient auparavant. Par conséquent, la donne a changé, ce qui signifie qu'Israël doit prendre des mesures radicales pour changer la dynamique et le climat”, a ajouté la source, soulignant que “la pression monte sur Israël pour parvenir à un accord, ce qui signifierait que le Hamas survivra. Le Hamas et les Iraniens misent tous deux là-dessus”.

Selon ce fonctionnaire, la conviction au sein de l'appareil sécuritaire israélien est que le Hamas “cherche à résister jusqu'à l'été”, lorsque la campagne électorale américaine battra son plein.

S'exprimant sur la chaîne turque Haber Global, l'analyste militaire et colonel à la retraite Eray Gucuer a également suggéré que le Hamas était en train de gagner la guerre, tout en discutant du retrait israélien de Khan Yunis avant un assaut présumé sur Rafah.

“Si l'armée israélienne se trouve réellement dans la situation où elle ne peut attaquer Rafah qu'en retirant sa brigade de Khan Yunis, cela signifie qu'elle a effectivement perdu la guerre sur le terrain”.

“Israël, dans cette guerre, a presque entièrement détruit Gaza et tué des dizaines de milliers de civils. Pourtant, les Brigades Qassam existent toujours. Jusqu'à ce jour, elles ont la supériorité militaire sur le terrain... quiconque possède une expérience militaire ne peut cacher son admiration pour les tactiques étonnantes adoptées par les Brigades Al-Qassam... En effet, ils sont en train d'écrire l'histoire.”

“Rendez-vous compte, depuis le début de l'offensive à Gaza et jusqu'à aujourd'hui, nous entendons encore parler de Beit Hanoun et de Ben Lahia, du quartier Al-Nasr et du quartier Al-Zaytoun. Pourquoi ? Parce que les combattants de Qassam ont, pour la première fois depuis que je connais le sujet, inventé une tactique inédite dans l'histoire de la guérilla”, conclut-il.

The Cradle, 8 avril 2024

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Voici ‘Centuria

 Centuria, une faction néonazie ukrainienne ultra-violente, s'est implantée dans six villes d'Allemagne et cherche à étendre son influence partout dans le pays. Selon Junge Welt, un quotidien berlinois, la progression de l'organisation nazie s'est faite “sans être entravée par les services de sécurité locaux”.

Junge Welt fait remonter les origines de Centuria à un sommet néonazi organisé en août 2020 “à la lisière d'une forêt près de Kiev”. Là, un ultranationaliste nommé Igor “Tcherkas” Mikhailenko a demandé aux “centaines de combattants d'autodéfense présents, pour la plupart masqués”, membres de la milice nationale fasciste de Kiev, de “faire des sacrifices pour défendre l'idée de la ‘Grande Ukraine’”. En tant qu'ancien chef de la division de Kharkiv du Patriote néonazi d'Ukraine et commandant du bataillon Azov parrainé par l'État de 2014 à 2015, Mikhailenko a professé le désir de “détruire tout ce qui est anti-ukrainien”.

Junge Welt rapporte que depuis 2017, la Milice nationale “pratique une justice d'autodéfense brutale” dans toute l'Ukraine, y compris “en tyrannisant la scène LGBTQ.” Centuria a ensuite été blâmé pour une attaque terrifiante en novembre 2021 contre une boîte de nuit gay à Kiev, au cours de laquelle ses agents ont agressé les fêtards avec des matraques et du gaz poivré.

Aujourd'hui, la même secte néonazie “a des ramifications en Allemagne”, a révélé Junge Welt. Le 24 août 2023, jour du 32e anniversaire de l'indépendance de l'Ukraine, Centuria a organisé un “rassemblement nationaliste” dans la ville centrale de Magdebourg, “sans être inquiété par Antifa et les médias critiques”.

Les participants ont fièrement posé avec le drapeau de l'Organisation des nationalistes ukrainiens (OUN), fondée par Stepan Bandera, collaborateur nazi de la Seconde Guerre mondiale. Centuria s'est vanté à l'époque sur Telegram“bien que la jeunesse ukrainienne ne soit pas dans sa patrie, elle commence à s'unir”. Dans le même temps, ils menaçaient les “ennemis” de leur pays d'une “terreur d’enfer”, promettant que les “émigrants ukrainiens” n'oublieraient pas leur identité nationale pour quelques centaines d'euros.

Junge Welt rapporte que Centuria “collecte actuellement des fonds pour l'unité de combat de son organisation mère”, commandée par Andriy Biletsky - le fondateur du Bataillon Azov qui a tristement déclaré en 2014 que la mission de la nation ukrainienne était de “mener les races blanches du monde dans une croisade finale... contre les Untermenschen dirigés par les Sémites.” Chez eux, les membres de Centuria expriment des attitudes similaires à l'égard des musulmans, des Africains et des homosexuels, qu'ils qualifient respectivement de “califat allemand”, de “violeurs noirs” et de “pédophiles”.

Aujourd'hui, les membres du groupe s'efforcent de transmettre leur vision idéologique aux futurs racistes du continent. “Nous créons une nouvelle génération de héros !” se vante la chaîne Telegram de Centuria. Le groupe néonazi a ainsi organisé des randonnées dans les montagnes allemandes du Harz avec une association de scouts nationalistes ukrainiens appelée Plast. Cette association a ouvert des sections dans le monde occidental à partir des années 1950, en réponse à la chasse aux fascistes et aux nationalistes menée par l'Union soviétique. Outre l'endoctrinement idéologique, les jeunes membres de Plast peuvent améliorer leur condition physique et recevoir un entraînement militaire. Comme le déclare de manière inquiétante Centuria sur Telegram“les gens libres portent des armes”.

Alors que Washington se désengage progressivement de son soutien à la guerre de l'Ukraine contre la Russie, il commence à céder à Berlin la responsabilité de la gestion - et probablement de l'échec - de la campagne militaire. Si les livraisons d'armes américaines continuent de diminuer, l'Allemagne deviendra le principal fournisseur d'armes de Kiev. Et les Allemands pourraient se rendre compte que dire “non” à l'Ukraine pourrait leur réserver de mauvaises surprises.

Contrairement aux États-Unis, l'Allemagne ne bénéficie pas du tampon géographique d'un océan entre elle et les guerriers fascistes par procuration qu'elle soutient en Ukraine. Après l'effondrement de la contre-offensive ukrainienne tant vantée à la fin de l'année 2023, son président, Volodymyr Zelensky, a proféré une menace à peine voilée lors d'une interview accordée à The Economist : “Il n'y a aucun moyen de prédire comment les millions de réfugiés ukrainiens dans les pays européens réagiraient s’ils sentent qu’on lâche leur pays”.

Bien que les Ukrainiens se soient généralement “bien comportés” et qu'ils soient “très reconnaissants” envers ceux qui les ont hébergés, ce ne serait pas une “bonne idée” pour l'Europe de “pousser ces gens dans leurs retranchements”, a fait remarquer M. Zelensky à l'hebdomadaire.

Pour comprendre comment les éléments les plus radicaux d'une force mandataire usée pourraient retourner leurs armes contre les gouvernements occidentaux qui les ont armés, il suffit de se rappeler les événements du 11 septembre 2001.

Un réseau nazi secret soutenu par l'Occident

Si Centuria s'appuie fortement sur les migrants ukrainiens en tant que recrues, elle bénéficie également d'une structure bien établie de soutien de l'élite européenne.

En septembre 2021, l'Institut d'études européennes, russes et eurasiennes (IERES) de l'université George Washington a publié un rapport détaillé et profondément troublant qui montre comment Centuria a été alimenté par 

un “ordre d'officiers militaires ‘traditionalistes européens’ qui se décrit lui-même et dont les objectifs déclarés sont de remodeler l'armée du pays selon des lignes idéologiques de droite et de défendre ‘l'identité culturelle et ethnique’ des peuples européens contre les politiciens et bureaucrates 'bruxellois”.

L'IERES a rapporté que l'aile militaire de Centuria a commencé à s'entraîner en 2018 à l'Académie nationale de l'armée ukrainienne Hetman Petro Sahaidachny (NAA), la “première institution d'éducation militaire de Kiev, et une plaque tournante majeure de l'assistance militaire occidentale au pays”.

Le journal révèle que “pas plus tard qu'en avril 2021, [Centuria] a affirmé que depuis son lancement, ses membres ont participé à des exercices militaires conjoints avec la France, le Royaume-Uni, le Canada, les États-Unis, l'Allemagne et la Pologne”.

En effet, de nombreux membres du groupe néonazi se sont entraînés sur la base de facto de l'OTAN à Yavoriv, à quelques kilomètres à l'est de la frontière polonaise.

De plus, “le groupe affirme que ses membres servent en tant qu'officiers dans plusieurs unités de l'armée ukrainienneDepuis au moins 2019, Centuria a [...] [appelé] les membres de l'AFU alignés sur l'idéologie à demander leur transfert dans des unités spécifiques où servent les membres du groupe. Pour attirer de nouveaux membres, le groupe - via son canal Telegram, qui compte plus de 1 200 adeptes et un bot de mobilisation dédié - continue de vanter son rôle présumé dans l'AFU et son accès à des programmes occidentaux de formation, militaires et d'échange.”

Tous les gouvernements occidentaux contactés par les chercheurs de l'IERES ont affirmé ne pas tolérer les néonazis dans leurs armées, insistant sur le fait qu'ils “font confiance au gouvernement ukrainien pour sélectionner et identifier les bons candidats” pour leurs programmes de formation. Mais l'Académie nationale de l'armée ukrainienne Hetman Petro Sahaidachny (NAA) a explicitement déclaré qu'elle ne procédait à aucune sélection de ce type, tout en niant que Centuria opérait au sein de son quartier général.

Après que l'auteur du rapport a contacté Centuria et l'Académie nationale de l'armée pour obtenir des commentaires sur la formation des néo-nazis, les agents du mouvement extrémiste ont commencé à faire disparaître leurs traces en ligne et ont dissimulé leurs activités dans le monde réel depuis.

Les médias occidentaux ont presque totalement ignoré le rapport de l'IERES, à l'exception d'un seul article dans le Jerusalem Post. Ce silence est d'autant plus inhabituel que l'auteur de l’article est un citoyen ukrainien basé à Washington DC, dont les travaux ont été publiés par Voice of America, un organisme gouvernemental américain, et par Bellingcat, une société d'investigation “open source” financée par les gouvernements américain et britannique.

Parmi les responsables occidentaux, seules les Forces armées canadiennes ont commenté les conclusions méticuleusement documentées du rapport, affirmant de manière grotesque que les photos postées sur Facebook par les membres de Centuria avaient été “trafiquées” pour promouvoir la “désinformation russe”.

Un tel manque de sincérité n'est pas surprenant compte tenu de l'histoire bien documentée de l'armée canadienne, qui a fourni une formation à des fascistes ukrainiens endurcis - et de son refus de désavouer les nazis ukrainiens.

Aujourd'hui encore, le chef de l'armée canadienne, le général Wayne Eyre, refuse de s'excuser d'avoir ovationné Yaroslav Hunka, un collaborateur nazi de la Seconde Guerre mondiale invité par le Parlement canadien.

Selon les chercheurs, les combattants de Centuria en Ukraine ont passé au moins les cinq dernières années à tenter d'endoctriner leurs membres dans le néo-nazisme. Le rapport de l'IERES note que la Centurie “a pu faire du prosélytisme auprès de la future élite militaire ukrainienne au sein de l'ANA”.

Portrait d'un néonazi formé en Grande-Bretagne

Soulignant l'ampleur de la présence néonazie dans les appareils militaires occidentaux, Kyrylo Dubrovskyi, élève de l'ANA, a suivi une formation d'officier de 11 mois à la très réputée académie militaire royale de Sandhurst, en Grande-Bretagne, en 2020. Le ministère des Affaires étrangères de l'Ukraine a célébré sa remise de diplôme tandis que la NAA a publié un profil vidéo de 12 minutes sur le parcours du nouveau diplômé vers le leadership militaire. L'IERES a noté que M. Dubrovskyi “a témoigné un intérêt très vif pour les questions relatives à Centuria”pendant qu'il fréquentait l'académie

Dubrovskyi semble avoir évoqué une vidéo promotionnelle de Centuria diffusée sur Telegram en mai 2020, dans laquelle on voit les membres du groupe défiler à Lviv, assister à un événement de la NAA et tirer avec leurs armes. On entend Dubrovskyi entonner : 

“Nos officiers mettent sur pied la nouvelle armée de l'Ukraine... Nous sommes Centuria. Nous sommes partout... défendez vos territoires, vos traditions jusqu'à la dernière goutte de sang.”

Un mois auparavant, Centuria avait publié une interview d'un “cadet des forces armées de Sa Majesté”, une description qui ne pouvait correspondre qu'à un seul individu : Dubrovskyi. Il a clairement indiqué qu'il préférait suivre une formation en Ukraine, car la formation britannique pour les officiers militaires “met moins l'accent sur la théorie”. Pendant cette période, “Dubrovskyi a reçu des cadets étrangers en visite à l'académie” et “à plusieurs reprises, a escorté des délégations étrangères en visite à l'académie”, notamment des cadets de l'US Air Force et de l'armée française.

On ne sait pas exactement quelle quantité de “théorie” Dubrovskyi a injectée dans la routine des soldats occidentaux croisés à Sandhurst. L'IERES a conclu que “Dubrovskyi et Centuria ont tiré parti de son statut de cadet de Sandhurst” pour promouvoir le groupe et son idéologie. Dans la section “à propos" de sa chaîne personnelle YouTube, M. Dubrovskyi se décrit comme “un cadet de l'Académie royale de Grande-Bretagne”. Il y a posté plusieurs vidéos sur ses expériences à l'académie, et au moins un message exprimant son désir de rejoindre le régiment néonazi Azov.

Sur Telegram en décembre 2020, Centuria a clairement indiqué que l'infiltration des plus hauts échelons de l'armée ukrainienne n'était que la première étape d'un blitzkrieg idéologique bien plus vaste : 

“Centuria est en train de former une élite militaire unique en son genre dont l'objectif est d'atteindre les plus hauts rangs des forces armées afin de devenir un noyau d'autorité capable d'exercer une influence significative.”

Après avoir consolidé son emprise sur l'armée, le groupe prévoit de pénétrer les rangs de “l'élite politique ukrainienne” afin de “procéder à des changements sociétaux”.

Kit Klarenberg

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