Le sort d’Assad de Syrie considéré par le virtualisme du bloc BAO

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Robert Fisk, le fameux reporter de The Independent, n’est certainement pas un partisan du Syrien Assad. Il nous a habitués à des analyses furieuses des évènements du monde essentiellement moyen-oriental, largement influencées par sa perception humanitariste. Dans ce cas, les actes du gouvernement syrien trouvent évidemment chez lui un censeur minutieux, qui met dans son jugement sa préoccupation humanitariste (ou, selon le jargon, “droitdel’hommiste”). C'est pour cette raison que Fisk, s’il est un critique farouche de “la politique de l’idéologie et de l’instinct” du bloc BAO, n'est effectivement pas un partisan d’Assad.

…Mais il est, avant tout, un connaisseur des sentiments qui parcourent les pays du Moyen-Orient, tant de leurs dirigeants que de leurs populations. D’où l’intérêt de son article du 7 février 2012, qui pourrait être intitulé “L’Ouest se trompe”. Pour lui, les dirigeants américanistes-occidentalistes se trompent en croyant que leur bruyante offensive de communication contre Assad, ponctuée par la fureur “hystérique” qui a marqué leurs réactions face aux vetos russe et chinois, à l’ONU, samedi dernier, va conduire effectivement et inéluctablement à la chute d’Assad… Car c’est effectivement ce qu’ils croient.

«President Bashar al-Assad is not about to go. Not yet. Not, maybe, for quite a long time. Newspapers in the Middle East are filled with stories about whether or not this is Assad's "Benghazi moment" – these reports are almost invariably written from Washington or London or Paris – but few in the region understand how we Westerners can get it so wrong. The old saw has to be repeated and repeated: Egypt was not Tunisia; Bahrain was not Egypt; Yemen was not Bahrain; Libya was not Yemen. And Syria is very definitely not Libya.

»It's not difficult to see how the opposite plays in the West. The barrage of horrifying Facebook images from Homs, and statements from the "Free Syrian Army", and the huffing of La Clinton and the amazement that Russia can be so blind to the suffering of Syrians – as if America was anything but blind to the suffering of Palestinians when, say, more than 1,300 were killed in Israel's onslaught on Gaza – doesn't gel with reality on the ground. [...]

»The trouble is that the West has been so deluged with stories and lectures and think-tank nonsense about the ghastly Iran and the unfaithful Iraq and the vicious Syria and the frightened Lebanon that it is almost impossible to snap off these delusional pictures and realise that Assad is not alone. That is not to praise Assad or to support his continuation. But it's real.

»The Turks, after much Clinton-style huffing and puffing, did not follow through on their “cordon sanitaire” in northern Syria. Nor did King Abdullah II follow through on the Syrian opposition's call for a Jordanian “cordon sanitaire” in the south. Oddly, I repeat yet again, only Israel has remained silent.

»As long as Syria can trade with Iraq, it can trade with Iran and, of course, it can trade with Lebanon. The Shia of Iran and the Shia majority in Iraq and the Shia leadership (though not majority) in Syria and the Shia (the largest community, but not a majority) in Lebanon will be on Assad's side, however reluctantly. That, I'm afraid, is the way the cookie crumbles. Crazed Gaddafi had real enemies with firepower and Nato. Assad's enemies have Kalashnikovs and no Nato.

»Assad has Damascus and Aleppo, and those cities matter. His principal military units have not defected to the opposition.

»The “good guys” also contain “bad guys” – a fact we forgot in Libya, even when the “good guys” murdered their defected army commander and tortured prisoners to death. Oh yes, and the Royal Navy was able to put into Benghazi. It cannot put into Tartous because the Russian Navy is still there.»

Cette description des erreurs du bloc BAO vis-à-vis de la situation en Syrie alimente notre propre analyse selon laquelle il s’agit d’un cas évident de virtualisme des directions politiques du bloc à cet égard. Ces directions sont complètement sous l’influence sollicitée inconsciemment par elles-mêmes du système de la communication, producteur principal du virtualisme. Dans certains cas, cette vision virtualiste peut trouver une aide dans le système du technologisme, qui rassemble notamment les attributs de la puissance brute des armes, pour permettre que cette vision se réalise pendant un temps assez court mais suffisant pour satisfaire l’intoxication psychologique. Ce fut le cas pour la Libye, “triomphe” éphémère avant de rejoindre son destin naturel de catastrophe ; mais, comme le note Fisk, la Syrie n’est pas la Libye, le port de Tartus est aux mains des Russes alors que Benghazi était ouvert à l’OTAN et il est à prévoir que nous n'aurons aucune phase “triomphale” pour le bloc BAO.

Dans notre dde.crisis du 10 décembre 2010, nous avions analysé la situation du virtualisme que nous estimions, et estimons toujours, complètement dans une phase d'agonie contre-productive (pour ses initiateurs). Nous avions conclu que le virtualisme était mort quant à ses buts offensifs fondamentaux d’imposer au monde une fausse perception du monde, et qu’il survivait paradoxalement dans la seule psychologie malade de ses initiateurs, les trompant ainsi sur la vérité du monde jusqu’à les conduire à faire erreur sur erreur. (Ainsi est rencontrée, là aussi, l’équation du Système des deux dynamiques s'enchaînant, la première produisant la seconde pour se fondre en elle, – surpuissance-autodestruction.) Nous écrivions, le 21 décembre 2010, rendant compte de ce numéro de dde.crisis :

«La chute [du virtualisme] fut aussi rapide que la Roche Tarpéienne est proche du Capitole. Depuis 2004-2005, des catastrophes sans nombre caractérisent l’évolution du Système, ainsi que sa situation interne. A partir de 2008 (crise financière), les effets sur le public ont été considérables et l’on peut avancer que cette date marque d’une façon décisive la fin de l’épisode maniaque commencé en 1996. Pour poursuivre l’analogie de la pathologie, il y a un retour à un épisode dépressif (la Grande Récession effectivement vécue comme une seconde Grande Dépression). Dans le chef du public, il y a répudiation du virtualisme devant le constat de son échec final comme antidépresseur.

»Les dirigeants politiques, eux, n’ont pas suivi cette voie. Ils sont à la fois impuissants et prisonniers du Système, et, bien entendu, impuissants parce que prisonniers du système. Eux qui sont les “producteurs” du virtualisme continuent donc à croire au virtualisme et sont les derniers à y croire, et ils demeurent par conséquent dans l’épisode maniaque où la sensation de bien-être est remarquable. Cette croyance est un réflexe de survie psychologique (garder une cohérence entre leur pensée et leurs discours, ou risquer le déséquilibre psychologique pouvant mener à des pathologies graves). Elle s’exprime par un discours virtualiste imperturbable qui décrit une fiction parfaitement ridiculisée par les événements de tous les jours. C’est le “deuxième âge du virtualisme”, ou sa décadence accélérée. C’est la situation présente.»

Nous prêtions la plus grande attention à donner à cette interprétation la dimension psychologique fondamentale qui la caractérise presque intégralement. Cela explique l’unanimisme qui règne dans les jugements des directions politiques du bloc BAO, des experts et des bureaucraties qui les entourent, notamment dans cette affaire syrienne où l’erreur d’évaluation que signale Robert Fisk se prolonge, s’aggrave, s’enchaîne sur des mesures qui se révèleront nécessairement contre-productives (comme les divers engagements, y compris militaires et autres, en fonction de la crise syrienne et du “départ prochain” d’Assad). L’idéologie humanitariste et les projets d’hégémonie ne sont pas primordiaux ; ils sont secondaires, chronologiquement et fondamentalement, et ne viennent que pour “soigner” (conforter) ou justifier rationnellement cette psychologie exacerbée par le virtualisme…

«Il doit être bien compris que l’action du virtualisme est psychologique du début jusqu’à la fin. Non seulement, le virtualisme cherche à influencer les psychologies (la fin) comme la propagande ou toute autre forme de mystification, mais il se déclenche (début) au niveau des psychologies également, sans conceptualisation ni pensée élaboratrice. Effectivement, comme dans le cas même de sa première intervention, on peut le comparer analogiquement à un antidépresseur qui agit sur les neurones du système nerveux.» (Nous complètons cette dernière remarque en observant que cet “antidépresseur” est administré à un sujet en phase maniaque, aggravant par conséquent cette phase maniaque.)

Dans cette analyse où transparaissaient les fondements de notre conceptualisation de la pathologie maniaco-dépressive qui donne une de nos interprétations centrales de la crise du monde, nous mettions en évidence une situation psychologique qui fait sentir, aujourd’hui plus que jamais, ses effets. Si les réactions du bloc BAO à l’ONU ont pu être caractérisées d’“hystériques” par Lavrov, c’est parce qu’elles le sont en vérité. C’est la réaction hystérique du maniaque virtualiste (le virtualisme étant une production de la psychologie maniaque qui exige d’inventer son propre monde) devant l’incursion forcée de la vérité du monde, sous la forme des vetos russe et chinois à l’ONU. Vendredi encore, la veille du vote de l’ONU, la plupart des dirigeants et experts du bloc BAO étaient absolument persuadés, comme l’on est de l’objet de la foi, que les Russes et les Chinois suivraient finalement leur résolution. Il ne s’agit ni d’arrogance, ni de suffisance, sinon secondairement ; il s’agit d’une pathologie de la psychologie, dont le produit est le virtualisme survivant dans ces seuls producteurs qui l’ont eux-mêmes enfantés, conduisant inéluctablement leur politique à la catastrophe. Le produit de la psychologie dérangée du maniaque qui a voulu infecter le monde se replie, dans l'emportement de sa déroute, dans cette seule psychologie.


Mis en ligne le 7 février 2012 à 05H47

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