Le prisonnier de la Maison-Blanche

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Le prisonnier de la Maison-Blanche

Les mœurs en cours actuellement à “D.C.-la-folle” doivent nous permettre d’aborder sans frayeur ni ébahissement, sans ricanements de scepticisme ou signes d’une raison défaillante, cette question en apparence déraisonnable et terriblement “complotiste” : Trump est-il prisonnier à la Maison-Blanche ? Dans tous les cas, cette hypothèse a sa place dans l’extraordinaire charade qui se déroule sous nos yeux, sur le fait de savoir ce qu’est devenu le pouvoir aujourd’hui à Washington, qui l’exerce, dans quel sens et pour quels buts, s’il existe encore réellement, etc.

Il semble être acquis que des personnalités proches de Trump durant sa campagne et plus ou moins acquis à son programme America First, et jusqu’ici restées assez proches de lui, ne peuvent plus désormais le contacter. C’est Breitbart.News qui soulève le problème, ce qui pourrait évidemment indiquer que Bannon est particulièrement impliqué dans cette hypothèse. (Au reste il se pourrait bien, – hypothèse là encore, – que Bannon soit un de ceux qui ne peuvent plus joindre Trump, et cela bien entendu depuis son départ de la Maison-Blanche il y a deux semaines.)

L’hypothèse d’un “Trump prisonnier”, c’est-à-dire enfermé dans une sorte de réseau de contrôle de communication filtrant tous les contacts avec le dehors, se construit à partir du cas précis de John Bolton, qui a déclaré publiquement et ensuite écrit à l’aide d’un cas bien précis qu’il n’avait plus aucun accès possible au président alors qu’il devait lui transmettre un document qui lui avait été indirectement demandé par ce même président. Il s’agit d’un plan pour permettre aux USA de sortir du traité nucléaires international avec l’Iran, manœuvre qui permettrait notamment, – c’est le vœu secret de Bolton depuis 2005-2006, – d’enfin attaquer l’Iran... La demande aurait été faite à Bolton en juillet, par Bannon au nom du président qui rechercherait désespérément un moyen de sortir les USA de ce traité sur le nucléaire signé par les USA d'Obama avec un certain nombre de partenaires (l’UE, la Russie), et avec l’Iran. Bolton a mis au point un tel plan et a tenté sans succès de le communiquer à Trump.

(En effet, et ce n’est le moindre des paradoxes dans ces démarches et hypothèses dont est encombré aujourd’hui le pouvoir à Washington, Bolton est un neocon particulièrement belliqueux, tenace dans la bellicosité, de la sorte que le Système affectionne depuis de nombreuses années et que nous avons poursuivi nous-mêmes de notre vindicte pendant des années, par évidente logique antiSystème. Mais c’est ce même Système qui, selon l’hypothèse évoquée, aurait “emprisonné” Trump et dressé une muraille infranchissable devant le pauvre Bolton qu’il devrait tenir en affection, –– et lequel Bolton du coup, bien entendu, se trouve dans le camp des antiSystème, alors que le plan qu’il a élaboré représente la pire face belliciste du Système, – mais ce plan désormais contre les positons du Système, et ainsi de suite... Il y a là l’enchaînement ultra-rapide de la sorte de paradoxes et de contradictions dont “D.C.-la-folle” est friande par les temps trumpistes qui courent, et auquel nous devrions désormais être habitués mais qui rendent n’importe quel jugement sur les personnages et leurs comportements très difficile à constituer.)

Voici comment Breitbart.News conte la mésaventure de Bolton qui n’a pas trouvé d’autre moyen de faire connaître son plan au président “emprisonné” que de le publier dans une revue prestigieuse (The National Interest). Son espoir est que la publicité ainsi faite à son plan assurera sa notoriété en le faisant circuler de tweet en tweet, en sorte qu’il pourrait à un moment ou l’autre passer sous les yeux bienveillants du président dont on connaît les habitudes tweeteuses...

« Former U.N. Ambassador John Bolton said on Monday [28 Augustthat “staff changes at the White House” have made it impossible for him to see President Donald Trump to present his plan for withdrawing from the Iran nuclear deal. Bolton published his five-page plan in its entirety at National Review, offering it as what he described as a “public service,” because he can no longer secure a meeting with the president.

» “Although he was once kind enough to tell me ‘come in and see me anytime,’ those days are now over,” Bolton lamented. According to Bolton’s introduction, he was asked by former White House strategist and Breitbart News Executive Editor Stephen K. Bannon to draw up a “game plan” for exiting from the Iran deal in late July. Bannon made this request because President Trump was unable to obtain such a game plan from his advisers, despite repeatedly stating that he wanted one.

» Bolton states that producing a plan to “exit Obama’s failed nuclear deal” was “quite easy,” and wonders exactly who is in control of Iran policy in the Trump White House since he and Bannon can’t seem to get a paper President Trump desperately wants to read onto his desk. “If the president is never to see this option, so be it. But let it never be said that the option didn’t exist,” he writes... »

Passons maintenant à Mike Cernovich, invité de l’émission radio quotidienne Syrius XM de Breitbart.News, le 30 août. Cernovich a très mauvaise réputation dans la bienpensance-Système, la presseSystème, la pensée alignée et ainsi de suite. C’est un “complotiste”, qui adore les thèses de complot, donc diabolisé à mesure et diffamé comme l’on imagine ; à première vue, si ce n’est pas un signe d’excellence, c’est encore moins un signe de décadence et de nullité, tant les accusateurs (presseSystème, Le Monde, New York Times) sont d’un tel niveau de bassesse, de diffamations, de simulacre avec soupes de mensonges, de FakeNews et de complotisme pour leur compte... Une condamnation d’être le pire des faussaires de leur part vous inspirerait sans beaucoup de peine un apriorisme nettement favorable au faussaire... Quoi qu’il en soit, Cernovich reste Cernovich.

Jusqu'alors, Cernovich parcourait divers domaines dont certains seulement liés à la politique. Il s'est intéressé à ce domaine avec la plus grande attention depuis la campagne présidentielle USA-2016. (Il s'est notamment intéressé aux éventuelles pratiques occultes des Clinton & Cie, dont on a parlé à l'automne 2016.)  Sans lui être idéologiquement attaché mais en étant hostile un progressisme-sociétal, Cernovich suit particulièrement Trump qui lui paraît un personnage intéressant avec sa politique sortant des normes du Système. Il a été particulièrement intéressé par l’intervention de Bolton et la confronte avec ce qu’il dit être des confidences de diverses sources, tout cela le conduisant à la conclusion que Trump est véritable “prisonnier” à la Maison-Blanche... Voici des extraits de l’émission, avec comme interlocuteur et intervieweur Alex Marlow, rédacteur-en-chef de Breitbart.News.

« ... “There’s some pretty explosive stuff in your report,” said Alex Marlow referencing Cernovich’s recent Trump Dispatches, “and so I just wanted to unpack some of it with you, the first place where it starts in your dispatch is that Trump is on house arrest and you cite John Bolton who people thought was under consideration for National Security Advisor, for Secretary of State who can’t even have access to the President right now and this is a pretty big departure from campaign trail Trump.”

» “Exactly, so I’d heard from people that Trump is on house arrest,” replied Mike Cernovich, “I thought ‘oh c’mon, the President of the United States, that’s the weirdest thing I’ve ever heard’, but I kept digging into it and I kept hearing the same thing over and over again and then, of course, John Bolton wrote his column for National Review and he’s begging people to retweet it, he said ‘this is the only way the President is gonna see it,’ and I’ll say Alex, I don’t really understand, how can Trump not see who he wants to see? This is something I don’t really fully comprehend within the White House. I have talked to a lot of people, it’s a very weird situation.”

» Marlow agreed, “it is a very weird situation, and this is something that I’m afraid is systemic of something that’s happening inside, people that listen to the show know that I’m not a huge ‘Javanka’ fan,” referencing Jared Kushner and Ivanka Trump, “and I’m just seeing the numbers here Mike and the people inside the White House, you’ve got Kushner, you’ve got Ivanka Trump, Gary Cohn, Dinah Powell, H.R. McMaster, who I know you were really the first person to call him out as a big threat to the MAGA [“Make America Great Again”] agenda. And it’s just overwhelming and now with no Bannon and with no Gorka, just where is the President getting information that can tie him, connect him to his own base?”

»  “I heard [John] Kelly had taken his [Trump’s] phone, so he wouldn’t be getting messages on his phone which again I thought was a weird story when people were telling me that I said, ‘come on, get out of here you can’t take the President’s phone this is incomprehensible’ but again that Bolton thing confirmed it and I’m not a big John Bolton fan personally, I don’t have anything against him but I found it amazing that he was, again, begging for retweets saying ‘the only way the President is gonna see my article is maybe if it goes viral,’ because it has to get past General Kelly, that shows there is some kind of coup going on there.”

» “Coup is a strong word,” said Marlow, “but it’s very hard to argue against it at this point.” »

L’hypothèse est loin d’être absurde, pas plus dans tous les cas que nombre d’interprétations officielles et d’affirmations de l’opposition progressiste-sociétale pour définir et expliquer la situation de l’administration Trump et du pouvoir à Washington D.C. Elle correspond, cette hypothèse, à un tournant du point de vue de la composition de l’entourage immédiat de Trump (départ de Bannon puis de Mike Gurka, autre personnage de la même tendance nationaliste, ou America-First, les deux en train de développer une riposte de l’extérieur). Elle contribue à avancer une explication acceptable de certaines situations sans pour autant rendre complètement satisfaisantes pour les “comploteurs” les susdites situations.

Il est vrai que l’“emprisonnement” de Trump, qui se ferait bien entendu essentiellement sinon exclusivement au niveau de la communication, est tout à fait possible, comme l’est l’enfermement volontaire ou acceptée, ou subie c’est selon, d’un dirigeant “dans une bulle” de communication censée le protéger et l’isoler des atteintes du dehors, ou de la vérité de situation. C’était le cas de son prédécesseur Obama, dont l’accès était rendu impossible par une narrative infranchissable dressée par son cabinet, ses équipes de communication, ses conseiller, etc.

(Cette dernière référence à Obama, effectivement réputée pour son enfermement dans sa bulle, suscite une réflexion préoccupante ou plus simplement ironique sur la notion de “prisonnier” et sur celle d’“emprisonnement” dans notre époque de la communication et de la crise de perception. Trump est-il, dans l’hypothèse évoquée et si on la prend au sérieux, plus “prisonnier” que ne l’était Obama ? Il existe une possibilité que Trump réalise sa condition de “prisonnier” et tente d’y échapper d’une façon ou l’autre, tandis qu’Obama, desservi par l’indolence d’un caractère brillant mais complètement faussé par l’arrogance, la certitude de soi et une réelle paresse devant la possibilité de l’autocritique, n’a aucune possibilité de cette sorte, – il l’a bien montré et continue à le montrer. Dès lors, on est fondé à juger qu’Obama était encore plus “prisonnier” que Trump, sa docilité aux consignes du Système lui assurant une tranquillité complète et une bienveillance permettant à sa réputation de le faire devenir un magnifique et prestigieux président dans la perception qu’on en aurait.)

L’hypothèse mérite donc d’être considérée, tout en observant qu’elle n’explique pas toutes les situations, tant s’en faut. En un sens, cela signifie que l’emprisonnement de Trump est une mesure insuffisante, du point de vue du Système, pour supprimer la nuisance que ce personnage est pour le Système.

Cette “nuisance de Trump” n’est pas tant celle de son idéologie ou de son entourage initial (Bannon & Cie) ; il s’agit d’une nuisance souvent involontaire de la part de Trump, et souvent selon des réactions incontrôlables de Trump que personne ne peut empêcher parce que l’“emprisonnement” ne peut être que discret et indirect, qu’il n’implique en aucun cas des interdictions, des consignes directes, etc., enfin qu'il ne modifie pas les psychologies. En ce sens, on ne peut pas vraiment “emprisonner” Trump tant qu’il est président parce que c’est un personnage de désordre pur, qui réagit et agit le plus souvent au premier degré, guidé par la seule ation dictée par cette réaction première. De ce point de vue extrêmement réaliste sinon cynique, on dirait que seule l’élimination constitutionnelle (destitution) ou physique (assassinat) éliminerait la “nuisance”-Trump, – mais à quel prix, et à quels risques de troubles dans le pays !

Par conséquent, il continuerait à y avoir au sein d’un pouvoir devenu insaisissable et incohérent de ces démonstrations de désordre et de confusion qui, désormais, nuisent plus aux adversaires internes (aux “traitants”) de Trump qu’à Trump lui-même, puisque les premiers sont censés avoir maîtrisé la situation et que ces incidents montrent le contraire. Ainsi entend-on presque simultanément, après le récent essai d’un missile nord-coréen, presque simultanément comme cela s’est déjà produit, le secrétaire à la défense Mattis affirmer qu’il ne peut y avoir d’autre issue que diplomatique à la crise et Trump déclarer que la diplomatie (le fait de négocier) sera toujours insuffisante pour résoudre la crise. Un autre exemple de cet “emprisonnement” très perméable serait le cas de l’intervention de Trump à Phoenix. Le Deep State a réussi son “Coup”, mais pour quel résultat ? Nous dirions, nous, que le remède est pire que le mal, vieux truc de la raison humaine subvertie par sa propre puissance lorsqu'elle devient hybris.

 

Mis en ligne le 1er septembre 2017 à 12H14