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3555• Articles du 8 décembre 2021. • Les candidats français à la présidence devraient s’intéresser à l’évolution allemande avec la nouvelle coalition ‘tricolore’ à sa tête. • Car l’élu(e) pourrait avoir quelques surprises, et plus encore s’il est partisan(e) d’une Europe complètement fédérale. • Une interview de la nouvelle très-‘Verte’ ministre des affaires étrangères Annalena Baerbock est extrêmement instructive. • Le nucléaire qui intéresse les écologistes n’est pas celui que vous croyez... • Contributions : dedefensa.org et Johannes Stern (WSWS.org).
Effectivement, l’on commence par les élections présidentielles françaises, où l’on ne parle guère de l’Europe sinon pour le catéchisme habituel des zélotes du peloton de candidats, et les anathèmes de ses adversaires ?. Nous voulons donc dire que l’on n’en parle pas très précisément mais plutôt abstraitement, sinon pour mettre en cause ses politiques migratoires et son laxisme aux frontières. Nous croyons qu’il serait bon de songer à l’Europe en fonction des intentions affichées du partenaire privilégié de la France, à l’aune des conceptions de sa nouvelle direction SPD-FDP-‘Verts’. On a déjà tout un programme avec une interview au quotidien ‘taz’ (surnom du ‘Die Tageszeitung’) de la ministre des affaires étrangères Annalena Baerbock, une des dirigeantes des ‘Verts’ écologistes.
Avec elle, le nucléaire qui intéresse les écolos n,’est pas celui des centrales mais celui des bombes nucléaires B-61 améliorées que les États-Unis mettent gracieusement à la disposition de leurs alliés européens consentants, pour qu’ils en ornent leurs beaux avions de combat ; et là-dessus, se tournent résolument contre les ennemis communs de l’Est, la Russie bien entendu, et dommage que la Chine soit si loin... Cette interview est stupéfiant de bellicisme, un neocon washingtonien n’aurait pas dit mieux. WSWS.org, dont le texte de ce 8 décembre est repris ci-dessous, s’en donne à cœur joie en déchaînant ses foudres trotskistes, anti-bellicistes, antifascistes, anti-impérialistes et dénonciatrices de la gauche-traîtresse acquise au capital ; tout cela est d’actualité...
« Avec une agressivité que l’on ne voit par ailleurs que dans les milieux d’extrême droite et militaristes, Baerbock a lié la capacité de l'Allemagne à mener une politique étrangère agressive et de grande puissance au réarmement nucléaire. “C’est précisément cette question des armes nucléaires qui montre clairement qu’à l’avenir, nous poursuivrons à nouveau une politique étrangère allemande active, confrontée aux dilemmes de la politique mondiale”, a-t-elle expliqué. “Nous nous en tenons à notre responsabilité dans le cadre de l’OTAN et de l'UE, mais également pour la participation nucléaire”. [...]
» Et que signifie exactement la “participation au nucléaire” ? En cas de conflit, des avions de guerre allemands armés de bombes atomiques américaines stockées en Allemagne seraient mobilisés, ce qui pourrait même entraîner le largage des bombes... [...]
» Baerbock n'a pas caché que le réarmement est principalement dirigé contre Moscou et Pékin... »
Alors, il faut replacer ces propositions musclées et sans complaisance, – car rien ne vaut une “harpie” type-Hillary, adepte de type-R2P du sociétal et de la sauvegarde de la planète si nécessaire grâce au rasoir nucléaire, – dans les attentions affichées de la nouvelle équipe, la “coalition tricolore”, de foncer à une vitesse hypersonique vers une fédéralisation de l’UE. Nul ne douterait alors que nous aurions une vraie politique de sécurité européenne et qu’elle serait entièrement dessinée par le Grand-État-Major pacifiste de Berlin, qu’elle passerait par Kiev sous les acclamations des nazis de Pravy Sektor, pour prendre la direction de la frontière russe une fois maté le Donbass & compagnie.
Baerbock ne s’en cache pas : “il nous faut une politique européenne commune”. Contre la Russie, certes, avec le nucléaire en bandouillère, et contre la Chine également, avec le jeu des sanctions à l’imitation de notre grand cousin américaniste. Car Baerbock n’oublie pas le sort tragique des droits de l’homme en Chine et entend faire en sorte que la politique allemande qu’elle mettra en œuvre à cet égard, sera également « une politique européenne commune sur la Chine », – c’est-à-dire “contre la Chine”. Ce passage-là ne laisse aucun doute :
« Si, par exemple, “il n'y a plus d'accès pour les produits qui proviennent de régions comme le Xinjiang, où le travail forcé est une pratique courante, c’est un gros problème pour un pays exportateur comme la Chine”, a affirmé Mme Baerbock. Ce “levier du marché intérieur commun” ne fonctionne “que si les 27 États membres se serrent les coudes et non, comme par le passé, si l’Allemagne, en tant que plus grand État membre, formule sa propre politique à l'égard de la Chine”. Nous avons besoin “d’une politique européenne commune sur la Chine”, a-t-elle conclu. »
En d’autres temps, on aurait commenté : “Oh, mais cette jeune femme, cette charmante Annalena, est encore toute fraîche émoulue de son idéalisme d’écologiste pleine d’enchantement radical pour la sauvegarde du monde en liquidant le nucléaire par le moyen de l’explosion des bombes. Quelques mois à sa nouvelle fonction et elle apprendra la souplesse des fermes réalités de la diplomatie”. Mais nous sommes dans ces temps-devenus-fous dont nous parlons bien souvent, et les projets de Baerbock sont au contraire en tous points conformes à la ligne dominante à Washington D.C. et à l’OTAN, antirusse, wokeniste, enrobement de simulacres sirupeux sur les droits des transgenres et menaces apocalyptiques à mesure.
Ne nous faites pas dire pour autant que nous suggérerions honteusement, – quelle idée ! – qu’elle est stipendiée par les USA/CIA, car nous sommes persuadés qu’elle parle sincèrement, qu’elle est vraiment d’un état d’esprit purement écologiste, et d’ailleurs complètement sur la ligne fédéraliste du nouveau gouvernement allemand. Simplement, elle est complètement d’accord avec Washington et, ma foi, cela tombe si bien : là où les bons & grands esprits se rencontrent et s’accoladent, le nucléaire est bien rangé, briqué et prêt à l’emploi, ne reste qu’à dégainer à la première incartade des barbares.
Il est vrai que le Grand Projet européen fut conçu dans les dernières années 1940, dans l’esprit habité d’un Monnet accompagné de son interprète de la CIA, pour qu’enfin toute guerre meurtrière fût écartée à jamais des nations européennes dans une idyllique intégration fédérale. La voie allemande de la jeune Annalena Baerbock convient parfaitement au style de l’inversion des temps-devenus-fous. Peut-être quelqu’un, en France, d’ici avril 2022, s’apercevra-t-il de quelque chose.
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Quelques jours avant la prestation de serment d’Annalena Baerbock en tant que nouvelle ministre allemande des affaires étrangères, la co-leader du parti des Verts a accordé au journal ‘taz’ une interview remarquée sur les questions de politique étrangère. Les déclarations de Baerbock sont claires à deux égards : d'une part, la coalition “tricolore” [dite “feux de circulation”] composée des sociaux-démocrates (SPD), des libéraux-démocrates (FDP) et des Verts, qui prendra officiellement en charge les affaires gouvernementales mercredi, intensifiera la politique de guerre et de réarmement de la grande coalition, notamment à l’encontre des puissances nucléaires que sont la Russie et la Chine. Deuxièmement, les anciens pacifistes des Verts, qui ont lancé la première intervention militaire étrangère allemande [contre le Kosovo] depuis la fin du régime nazi lorsque le parti était au pouvoir pour la dernière fois entre 1998 et 2005, jouent à nouveau le rôle central.
Avec une agressivité que l’on ne voit par ailleurs que dans les milieux d’extrême droite et militaristes, Baerbock a lié la capacité de l'Allemagne à mener une politique étrangère agressive et de grande puissance au réarmement nucléaire. « C’est précisément cette question des armes nucléaires qui montre clairement qu’à l’avenir, nous poursuivrons à nouveau une politique étrangère allemande active, confrontée aux dilemmes de la politique mondiale », a-t-elle expliqué. « Nous nous en tenons à notre responsabilité dans le cadre de l’OTAN et de l'UE, mais également pour la participation nucléaire ».
Comme si cela ne suffisait pas, elle a fait un pas de plus. En pleine pandémie, qui a déjà coûté plus de 100 000 vies rien qu'en Allemagne, et que le gouvernement n'aurait pas les ressources économiques pour combattre, elle a réaffirmé l'appel de la coalition tricolore pour l'acquisition de nouveaux avions de combat capables de déployer des armes nucléaires. « Nous devons acquérir le système successeur du Tornado car les capacités conventionnelles doivent être remplacées. Il ne s'agit donc pas seulement de ce que l'on appelle les bombes atomiques. Nous devrons alors continuer à parler de la question de la participation au nucléaire », a-t-elle déclaré.
Ni Baerbock ni le ‘taz’ ne précisent la signification de ces plans. En termes financiers, ils éclipsent tous les projets de réarmement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. L'Allemagne prévoit de remplacer les avions Tornado, devenus obsolètes, en achetant au moins 90 nouveaux Eurofighter et 45 avions de combat américains F-18. Coût total : près de 20 milliards d’euros. Et ce n'est qu'un début. L'Allemagne et la France développent actuellement le système aérien de combat européen futur, qui coûtera plusieurs centaines de milliards d'euros d'ici 2040.
Et que signifie exactement la « participation au nucléaire » ? En cas de conflit, des avions de guerre allemands armés de bombes atomiques américaines stockées en Allemagne seraient mobilisés, ce qui pourrait même entraîner le largage des bombes, – avec des conséquences catastrophiques. Une guerre nucléaire à grande échelle entre les puissances de l'OTAN et la Russie (et/ou la Chine) ne transformerait pas seulement toute l'Europe en un désert nucléaire, elle signifierait l'anéantissement de la planète entière.
Baerbock n'a pas caché que le réarmement est principalement dirigé contre Moscou et Pékin. Lorsque le ‘taz’ déclare que « la Russie est devenue plus menaçante », Baerbock répond : « Les intérêts légitimes de sécurité des États d'Europe centrale et orientale en particulier doivent être pris au sérieux. » Une « politique étrangère fondée sur des valeurs » est « toujours une interaction entre le dialogue et la rigueur. À long terme, le silence éloquent n’est pas une forme de diplomatie, même s’il a été perçu comme tel par certains ces dernières années », a-t-elle déclaré.
En d'autres termes : le nouveau gouvernement fédéral va intensifier la voie agressive vers la guerre contre la Russie. En fait, la politique étrangère envers Moscou ces dernières années n’a pas consisté en un « silence éloquent », mais a suivi une ligne directement liée à la politique impérialiste de grande puissance de l'Empire allemand et d'Hitler. En 2014, Berlin a soutenu le coup d’État de droite en Ukraine pour installer un régime antirusse à Kiev et affaiblir Moscou. Depuis 2017, l'armée allemande a transféré des troupes de combat en Europe de l'Est dans le cadre de ce qu'on appelle la présence avancée renforcée de l'OTAN (eFP).
Les Verts ont joué un rôle particulièrement agressif dès le début. La Fondation Heinrich Böll, affiliée au parti, a participé tout aussi activement aux manifestations sur le Maidan à Kiev, qui étaient dominées par les forces d'extrême droite, que de nombreux membres dirigeants du Parti vert. Ce faisant, ils ont ouvertement défendu et minimisé l'alliance avec des figures fascistes telles que le leader de Svoboda, Oleg Tyahnybok.
Aujourd'hui, ils vont plus loin et demandent que l'armée ukrainienne et les milices fascistes qui lui sont alliées soient armées contre la Russie. Au cours de la campagne électorale, le co-leader et vice-chancelier désigné, Robert Habeck, s’est rendu à l’invitation du président ukrainien Volodymyr Zelensky pour s’adresser au front dans l'est de l'Ukraine, déclarant qu'il considérait « les souhaits de l'Ukraine en matière de livraisons d'armes au vu de la guerre dans l'est du pays comme justifiés ».
On sait désormais clairement quelle stratégie les puissances de l'OTAN poursuivent. L’alliance militaire dirigée par les États-Unis poursuit l'offensive contre la Russie afin de détourner l'attention de l'impact de la politique de pandémie criminelle chez elle. L'OTAN organise des manœuvres militaires massives à la frontière russe et arme l'Ukraine de missiles antichars Javelin, de navires de guerre armés d'armes guidées et de missiles antiaériens. Le gouvernement de Kiev n'a pas démenti les informations russes selon lesquelles l'armée ukrainienne rassemble 125 000 soldats à la frontière avec la Russie.
Baerbock soutient également le plan de guerre américain contre la Chine, qui ne menace pas moins de déclencher une guerre nucléaire. « En tant que démocraties européennes et membres d’une alliance démocratique transatlantique », nous sommes « également dans une compétition systémique avec un régime autoritaire comme la Chine », s'emporte-t-elle dans le ‘taz’. À cet égard, il est important « de rechercher la solidarité stratégique avec les partenaires démocratiques, de défendre ensemble nos valeurs et nos intérêts et de promouvoir avec persistance ces valeurs dans notre politique étrangère ».
En fait, il ne s'agit pas de « valeurs », mais d’intérêts économiques et géostratégiques tangibles. La Chine est un « concurrent, surtout en ce qui concerne la question du futur leadership technologique », reconnaît Baerbock elle-même. Afin d'affirmer ses propres intérêts, Baerbock a lancé un appel en faveur d'une politique européenne plus agressive à l'égard de la Chine sous la direction de l'Allemagne. Elle a menacé de restreindre l'accès de la Chine aux marchés européens et n'a pas exclu un boycott des prochains Jeux olympiques d'hiver de Pékin.
Les Européens ne devraient pas « se faire plus petits qu’ils ne sont. Nous, Européens, sommes l’un des plus grands marchés intérieurs du monde », s'est-elle vantée. La Chine en particulier a « des intérêts massifs dans le marché européen ». Si, par exemple, « il n'y a plus d'accès pour les produits qui proviennent de régions comme le Xinjiang, où le travail forcé est une pratique courante, c’est un gros problème pour un pays exportateur comme la Chine », a affirmé Baerbock. Ce « levier du marché intérieur commun » ne fonctionne « que si les 27 États membres se serrent les coudes et non, comme par le passé, si l’Allemagne, en tant que plus grand État membre, formule sa propre politique à l'égard de la Chine ». Nous avons besoin « d’une politique européenne commune sur la Chine », a-t-elle conclu.
Les Verts sont spécialisés dans l'utilisation de phrases sur les droits de l'homme, la démocratie et la protection du climat pour mobiliser les couches aisées de la petite bourgeoisie en faveur d'une politique étrangère et guerrière agressive. Baerbock personnifie cette clientèle et le virage à droite de leur parti comme personne d'autre. Elle est devenue membre des Verts en 2005, lorsque le gouvernement Schröder-Fischer a été dissous en raison de la résistance des travailleurs et des jeunes aux attaques de la coalition rouge-verte contre les programmes d'aide sociale et les politiques pro-guerre.
Seize ans plus tard, Baerbock prend ses fonctions de ministre des affaires étrangères afin de poursuivre cette détestable politique de guerre, – au risque qu’elle se termine par une troisième guerre mondiale. Afin d’éviter une catastrophe, l’opposition croissante a besoin d'une perspective et d'une orientation politiques claires. La lutte contre le militarisme et la guerre exige, – tout comme la lutte contre l’inégalité sociale, le fascisme et la politique du “profit avant la vie” dans la pandémie, – l’intervention politique indépendante de la classe ouvrière sur la base d’un programme socialiste.