Le JSF a perdu son parrain

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Le JSF a perdu son parrain


4 avril 2003 — Le DoD a perdu son patron pour l’acquisition, — on dit czar, et c’est de “Pete” Aldridge qu’il s’agit. (Aldridge est n°3 dans la hiérarchie du Pentagone, derrière Rumsfeld et Wolfowitz successivement.) Dans une édition datée du 26 mars publiée sur son site, Defense News annonce la nouvelle dans des termes assez neutres. Peut-être retiendra-t-on tout de même le fait qu’il nous est annoncé, en termes assez fleuris, que le départ de Aldridge a pour cause simplement le départ à la retraite (« “There comes a time when you have to start working to lower your golf handicap,” said the Pentagon official. “And Pete’s reached that time.” »), — il y a là comme un excès de neutralité.


« After nearly two years as the Pentagon’s acquisition czar, Edward “Pete” Aldridge is stepping down, according to U.S. Defense Department and industry officials. Michael Wynne, Aldridge’s deputy, will be the acting undersecretary of defense for acquisition, technology, and logistics and a leading candidate for the permanent post, according to one Pentagon official.

» The resignation, effective May 23, was long planned and announced by Aldridge to his staff Monday morning, according to a Pentagon official. “There comes a time when you have to start working to lower your golf handicap,” said the Pentagon official. “And Pete’s reached that time.”

» Prior to this position, Aldridge was chief executive officer of The Aerospace Corp., a federally funded research and development corporation in El Segundo, Calif.

» Since becoming the top weapons buyer for the Pentagon in May 2001, Aldridge worked to improve the credibility of the military’s acquisition and logistics support process in a bid to win some leeway from Capitol Hill. He also worked to revitalize the quality of the military acquisition work force, improve the health of the defense industrial base and scrutinize weapon systems and infrastructure. »


Nous citons également, à propos de ce départ d’Aldridge, un écho de la lettre d’information TTU, du 3 avril 2003, sous le titre « Une démission bien étrange ». On nous dit ceci  :


« La démission d'Edward ''Pete'' Aldridge, sous-Secrétaire à la Défense, en charge des acquisitions, sera effective le 23 mai prochain. Elle suscite quelques vagues, après la démission de Richard Perle. Officiellement, ce proche de Rumsfeld prend sa retraite, mais les rumeurs vont grand train. Toutefois, II est sans doute faux de chercher un quelconque désaccord sur la question irakienne, Aldridge ayant toujours été dans la ligne de Wolfowitz. L'origine de ce départ vient sans doute de la mésentente entre Aldridge, chaud partisan du JSF, et de James Roche, Secrétaire à l'USAF, grand défenseur du F-22.

» Le télescopage budgétaire entre les deux programmes étant de plus en plus criant, l'USAF préférerait conserver la cible prévue de F-22, quitte à remplacer les JSF par des F-16 revalorisés... C'est Michael Wynne, adjoint d'Aldridge, qui succédera à son patron. »


Nous partageons sans aucun doute l’analyse de TTU. Plusieurs remarques nous viennent sous la plume :

• La question de l’Irak (désaccord de Aldridge) n’est pas appropriée (comme ils disent, elle est “irrelevant”). C’est une question annexe au Pentagone, qui n’est considérée que du point de vue technique (les militaires étaient contre d’un point de vue technique, pour les contraintes et les risques de cette aventure). Il n’y a pas de véritable débat politique (au contraire du département d’État, où il y a eu des démissions), pour un homme comme Aldridge, elle ne s’est jamais posée.

• Aldridge s’est imposé comme l’homme du JSF. Il a tenu à chapeauter toutes les négociations pour l’entrée des pays coopérants, tenant également à présider les cérémonies officialisant les engagements étrangers autant que faire se peut. (On a eu l’écho d’une de ces cérémonies dans notre rubrique F&C du 12 juillet.)

• Effectivement, son départ a lieu alors que le JSF est de toutes parts affaibli par des problèmes considérables, notamment des problèmes techniques extrêmement graves ou, plus encore, des problèmes de priorité qui font du JSF la vache à lait du F/A-22.

• Quant à la coopération internationale elle-même, elle est également en grave crise, et cela, particulièrement, affecte Aldridge. Sa dernière intervention sur le programme, affirmant que tout allait bien devant des Britanniques déchaînés et dénonçant un programme complètement bloqué par le DoD au niveau des transferts de technologie et de la répartition du travail, pourrait apparaître rétrospectivement comme le chant du cygne de son soutien au programme.

Les dernières interventions de l’USAF ont achevé de disperser les dernières illusions de Aldridge, s’il en avait encore. Son départ pour la retraite, à deux ans du terme de l’administration, n’a guère de sens : lorsqu’on accepte un poste comme celui de n°3 du Pentagone, ce n’est pas pour le quitter deux ans plus tard, pour aller jouer au golf. La désinvolture de l’explication est, en soi, par la dissimulation grossière qu’elle propose, une indication indirecte de Aldridge : ce qu’il ne peut dire tout haut, il le laisse entendre tout bas.

Aldridge, à cause de son poste vis-à-vis du JSF, était par excellence l’homme des programmes joint, inter-services. Son départ signale un recul décisif de la formule, — une fois de plus, dira-t-on, sans surprise. Désormais, le JSF n’a plus de protecteur, il va être laissé à la voracité des services, avec la succession de Aldridge revenant à un homme qui n’a pas son autorité, et qui est lié par ailleurs à l’USAF par des liens de lobbying. Le JSF est un programme à la dérive, — littéralement à la dérive pour le cas de l’USAF, qui a expliqué qu’ayant profité de nombre de systèmes développés pour le F/A-22, et payés par lui, il était temps que le JSF renvoie l’ascenseur en donnant de l’argent (des parts de son budget) pour aider le F/A-22 à surmonter les problèmes divers de sa fin de développement.