La question nippone de William Pfaff

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L’élection législative au Japon, qui a balayé le parti qui constitue la structure même de la vie politique japonaise depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, va-il modifier radicalement les relations entre ce pays et les USA? Voilà la question posée par William Pfaff, le 1er septembre 2009, sur Truthdig.com. Il faut convenir que cette question est évidemment fondamentale, pour le Japon et, d’une certaine façon, pour les USA, et qu’elle se pose dans une situation internationale bouleversée par la crise du 15 septembre 2008 et ses conséquences. Pfaff la pose du point de vue qui importe, qui est celui d’une puissance (le Japon) qui assume une relation marquée par la soumission, et, de ce point de vue, par un caractère humiliant constant. Ainsi évoque-t-il notamment le facteur psychologique, “et même [le facteur] spirituel”, au travers de deux aspects de ces relations.

«The negatives for Japan in this institutionalized subordination to the United States have become heavy to bear, not only politically but in certain ways psychologically, and even spiritually. Japan, after all, from its brilliant successes early in the Meiji era, in its 1904-1905 war with Russia, to its defeat by American nuclear bombs in 1945, was probably the most dynamic, ambitious and nationalistic country on Earth.

»The leader of the victorious Democratic Party of Japan, Yukio Hatoyama, has written about two aspects of the American relationship to Japan today. The first is economic. In an essay published prior to the election, first in Japan and then syndicated around the world, he criticized American-led “unrestrained market fundamentalism and financial capitalism,” in which “people are treated not as an end but as a means [and] human dignity is lost.”

»He wrote of respect for the “local economic practices that have been fostered through our traditions.” This is a sympathetic position, but it is not clear what he means in practice, even though he suggests that America’s world economic domination is waning.»

Pfaff parle de deux aspects. Le second est celui des relations stratégique, de sécurité nationale, impliquant divers facteurs fondmentaux (la souveraineté nationale, l’identité, etc.):

«The most important political question faced by a Japan led by the Democratic Party concerns the Japanese-American security relationship. Mr. Hatoyama is deliberately vague on the question, and a Democratic Party colleague says “it’s complete nonsense” to think that the election of the Democrats will hurt U.S.-Japan relations. But he then adds that “there are many things left unchanged from the last 50 years that need to be re-examined.”

»Other Japanese observe that at a time when China is developing its military power and enlarging its global reliance on raw materials, the U.S. military presence in North Asia and the Japanese-American security alliance are sources of stability…»

Malgré l’extrême prudence avec laquelle les dirigeants japonais vont avoir à aborder ces problèmes, Pfaff observe que deux facteurs vont peser, par leur caractère concret, sur le nouveau gouvernement pour qu’il les aborde. L’un des deux (que Pfaff aborde en second) est le fardeau économique et social inégal, pour les Japonais, que la présence de 50.000 soldats US et de leurs bases font peser. Le second, le plus important sans doute, est celui de l’opinion publique, qui est la raison même du renversement politique qui a eu lieu au Japon: «One is public opinion. The subordinate place Japan occupies in the relationship is humiliating: as an advanced base for American military operations in Asia that have nothing to do with Japan’s security, and on which Japan has no voice (the case during the Vietnam war decade, and now with the war in Afghanistan).»

Il apparaît évident qu’il existe des disparités fondamentales dans ces relations de vassalité du Japon avec les USA. Elles existent essentiellement parce que la structure politique qui a dominé le Japon jusqu’à l’élection fait complètement partie d’un système général dont le centre et l’inspirateur est l’américanisme. L’originalité de l’approche de William Pfaff est notamment qu’il fait un parallèle qui peut apparaître très révélateur s’il est poussé à son terme, entre l’élection japonaise et celle de Barack Obama. Comme l’élection japonaise, l’élection d’Obama a marqué un désir profond de changement de la part de l’opinion publique US, qu’on peut placer selon la même approche que celle que Pfaff adopte pour apprécier la situation japonaise. Selon notre interprétation, il s’agit du désir, qui n’est pas nécessairement exprimé d’une façon intelligible, de sortir de la tyrannie dominatrice d’un système – dans ce cas, le désir des Américains par rapport au système tyrannique de l’américanisme – mais le même système qui contraint le Japon depuis plus d’un demi-siècle. Le précédent d’Obama, de ce point de vue, mesure la difficulté de la tâche qui attend les nouveaux dirigeants japonais…

«The landslide election of Japan’s Democratic Party in last weekend’s parliamentary vote parallels the election of Barack Obama to the American presidency last November. In both cases opposition parties long out of power (in the Japanese case, all but totally excluded from national power during the six decades of the postwar Japanese government’s existence) have been elected at a time of crisis to change the nation’s Policy.

»Such changes are easier to talk about than think about, or worse, actually to accomplish, as Barack Obama has already found out….»

De ce point de vue (suite), la situation japonaise ne peut certes être considérée en elle-même seulement, réduite à ses seuls facteurs. Elle fait partie d’un ensemble beaucoup plus général, dont on perçoit des signes puissants en ce moment. Un autre de ces facteurs est la situation nouvelle de l’Amérique du Sud, telle que nous la percevons ces derniers jours notamment (voir le 31 août 2009 et le 1er septembre 2009).


Mis en ligne le 2 septembre 2009 à 06H06