La diplomatie-Prozak

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La diplomatie-Prozak


16 mars 2003 — Alors, ce n’est pas encore la guerre ? Aux Açores se réunissait cette improbable alliance, — l’Américain et l’Anglais, on comprend encore, mais l’Espagnol, et là-dessus le Premier ministre portugais pour l’accueil et quelques commentaires ?! Cette étonnante rencontre était comiquement présentée par nombre de présentateurs des “journaux télévisés” comme le “dernier espoir pour la paix” alors que les trois hommes cherchent fiévreusement un moyen de faire la guerre aux moindres frais diplomatiques. Une autre appréciation, également d’une ironie involontaire est cette explication donnée par des officiels US pour le sommet (selon une analyse de AP)  : « The summit also had a more symbolic purpose: to show the three leaders — particularly Blair and Aznar, who need political cover at home for their much-criticized alliance with Bush — as willing to make perhaps a final diplomatic push to win international backing for war. » On s’interroge par conséquent sur la valeur de cette «  political cover » pour les handicapés Aznar et Blair, qui les représente avec GW Bush alors que le principal reproche que leur fait l’opinion publique est leur connivence avec GW.

Ce qui doit nous surprendre aujourd’hui, bien plus que la “marche inéluctable vers la guerre”, autre cliché classique, c’est exactement le contraire : l’extraordinaire difficulté, pas loin de l’impuissance, des États-Unis à faire la guerre qu’il leur importe absolument de faire. Il y a quelque chose de la sénilité aujourd’hui dans la soi-disant politique de force des États-Unis. Le résultat est qu’ils feront cette guerre dans les pires conditions politiques et diplomatiques, même le New York Times (NYT) l’écrit, — ce qui, compte tenu de la prudence extrême du “journal de référence” new-yorkais dans son engagement contre la guerre, a une signification évidente.

(On notera tout de même, dans l’éditorial du NYT, dont nous proposons un extrait ci-dessous, l’entêtement stupéfiant des commentateurs américains, y compris les “commentateurs de référence”, dans l’acceptation aveugle de la fable d’une résolution 1441 comme victoire complète des Américains au Conseil de Sécurité. C’est exactement le contraire, et à l’unanimité.

• On peut consulter un de nos F&C de l’époque. Mais il suffit, mieux encore, de répercuter ici, avant de céder la plume au NYT, ce qu’écrit un avisé lecteur du Guardian il y a deux jours : « Last October, Washington originally put forward a resolution specifying that failure by Saddam Hussein to fulfil UN demands for his disarmament should be dealt with “by all possible means” — code for automatic use of armed force. This was totally rejected by France, Russia and China. In November, after six weeks of haggling, the present resolution 1441 was passed, stating that a material breach by Iraq would entail “serious consequences” — not code for automatic war. Moreover, France, Russia and China, in accepting resolution 1441, formally stated that they did so only on the clear understanding that it did not carry with it any automatic recourse to war without a further security council decision. »

• Ce rappel des conditions du vote de la 1441, à l’unanimité du Conseil de Sécurité effectivement, après que la France ait fait reculer les États-Unis, nous permet de comprendre que la débâcle américaine vient de plus loin que ne l’écrit le NYT. Le rappel du rôle de Bagdad et de Paris entre le vote de la 1441 et aujourd’hui, que fait dans les extraits présentés ci-dessous le même “journal de référence”, ressort de la même interprétation diffamatoire et couarde de l’histoire récente. Le NYT a raison dans son jugement d’aujourd’hui, mais simplement parce qu’il est assez confortable, aujourd’hui, de tirer sur un lampiste de la médiocrité de l’administration GW. Pour le reste, l’analyse rétrospective du NYT, si elle reflète la démarche des commentateurs US soi-disant critiques de l’administration, explique par conséquent encore mieux, par l’aveuglement qu’elle manifeste, le désastre américain du temps historique présent.)


« Three men meeting on an Atlantic island seems an apt symbol for the failure of the Bush administration to draw the world around its Iraq policy. That's not the intended message of President Bush's meeting today in the Azores with Prime Ministers Tony Blair of Britain and José María Aznar of Spain, but it's hard to avoid that impression. In what appears to be the final days before an American invasion of Iraq, Mr. Bush is taking time to consult with two loyal allies and, ostensibly, to decide if any realistic chance remains for a new United Nations Security Council resolution on Iraq. But the underlying diplomatic reality is bleak. Only a little more than four months since a unanimous Security Council backed American demands for disarming Saddam Hussein, Washington's only sure council supporters are Britain, Spain and Bulgaria.

» President Bush was dealt a bad hand by others. Baghdad refused to provide the active cooperation that alone could have brought inspections to a swift and successful conclusion. France has created enormous problems through its unwillingness to back up inspections with tight deadlines and a credible threat of force.

» But the Bush administration's erratic and often inept diplomacy has made matters immeasurably worse. By repeatedly switching its goals from disarmament to regime change to broadly transforming the Middle East, and its arguments from weapons to Al Qaeda to human rights, the White House made many countries more worried about America's motives than Iraq's weapons. Public arm-twisting of allies like Turkey and Mexico backfired, as did repeated sniping at Hans Blix, one of the U.N.'s two chief arms inspectors. »


Ce qu’il reste de diplomatie à l’Amérique ne cesse d’accumuler les désastres. Le plus notable d’entre eux, à part le principal qui est l’échec de l’ONU, déjà passé en revue par le NYT, est de parvenir, à chaque “initiative” que prend cette diplomatie, à resserrer l’improbable axe Paris-Berlin-Moscou. Cet axe finira bien par exister comme force géopolitique réelle dans l’échiquier mondial, entraînant de facto une Europe soudain renforcée dans une politique anti-américaine. (Avec la question annexe : que vont faire les pays de la “nouvelle Europe”, les nouveaux alliés du Pentagone de Donald Rumsfeld, de Prague à Vilnius, qui se trouvent exactement à l’intérieur de cet axe Paris-Berlin-Moscou ?)

A côté de cela, on relève la poursuite confirmative d’autres défaites américaines, qu’on aurait jugées impensables il y a six mois :

• La résistance des pays soi-disant “non-décidés” du Conseil de Sécurité, qui, en fait, refusent le diktat US malgré leurs intérêts et les pressions qu’ils ont subies, représente un événement diplomatique également peu ordinaire (cela serait le cas même si, demain, on arrivait encore à leur arracher un vote). Penser que le Mexique ou le Chili sont aujourd’hui dans la position où ils sont, manifestant un refus d’une exigence US de cette force, fait mesurer le chemin parcouru dans la dégradation des positions américaines, dans le recul de l’influence américaine.

• Les manoeuvres dilatoires du pouvoir turc qui se poursuivent et donnent du temps au temps anti-américain, tout cela, en plus, de façon on ne peut plus démocratique. Les Américains auraient bien fait de noter, dès le premier jour de cet aspect de la crise, que le pouvoir turc manoeuvre plus contre les USA que contre son opinion publique, qu’il se sert de son opinion publique pour manoeuvrer contre les USA, et non pas le contraire (ménager son opinion publique pour finir par rencontrer les exigences US).

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