La chasse-au-Sanders est ouverte, chaos compris

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La chasse-au-Sanders est ouverte, chaos compris

USA-2020 est décidément passionnant, avec ces allers-retours qui décrivent un parti démocrate extraordinairement en guerre, outre de l’être contre les républicains et surtout le président (haine antiTrump), cette fois en guerre ouverte contre lui-même... D’autre part, dirait un observateur scrupuleux et de libre esprit, il s’agit après tout d’un remake, en un peu plus grandiose certes, de USA-2016...

(“Plus grandiose” observons-nous parce que plus disputé, et désormais nous-même habitués à la corruption absolue et extraordinairement visible de ce parti, sans la moindre tentative de dissimulation, et donc nous-mêmes prompts à en repérer les signes, quitte même à les solliciter dans le genre Si non e vero...)

Une fois de plus, comme en  2016 mais cette fois à l’aide d’une alternative absolument gâteuse et stupéfiante de bêtise, – Hillary-2016 apparaît comme un génie politique et une grande dame à côté de Biden-2020, –le parti est sur le sentier de la guerre, à la chasse-au-Sanders. Hier, pour le Super-Tuesday, il (le parti, le DeepState, le Système) s’est  montré efficace et à largement renversé la tendance qui donnait à Sanders une avenue imprenable d’ici à la convention démocrate. Selon les premiers décomptes, Biden emportait huit des quatorze États en jeu, deux restant encore indécis dans le décompte en cours.

(Bloomberg, présent dans la course hier, est pour l’instant absolument anecdotique. On se demande quelle balade Mini-Mike, comme l’appelle chaleureusement Trump, s’imagine-t-il lui-même en train de faire.)

Ci-dessous, un texte de WSWS.org paru le  3 mars 2020 (version anglaise), et le  4 mars 2020 en traduction française, détaille parfaitement les diverses et évidemment sordides manœuvres lancées contre Sanders, notamment l’abandon de plusieurs candidats qui grapillaient des voix “centristes”-démocrates, qui se reportent par conséquent pour la plus grande partie sur Biden. On ne parle évidemment pas, c’est-à-dire pas encore, dans ce texte, des fraudes ou des interventions frauduleuses du parti dans les opérations de dépouillement de ce Super-Tuesday ; celles-ci, ces fraudes, sont bien réelles et il ne tiendrait qu’à Sanders, qui dispose de moyens pour cela, de les dénoncer. La question, – toujours la même lorsqu’il s’agit de Sanders, – est de savoir s’il aurait le cran de réagir de la sorte, ou si, comme d’habitude (comme en 2016), il avalerait goulûment et le cheveu en bataille cette couleuvre comme il l’a déjà fait avec d’autres animaux du genre.

... Il n’en est pas question, semble-t-il, selon le ton employé par Sanders pour saluer ces résultats, – rageur, furieux et plein de défiance vis-à-vis de son parti, et mobilisateur pour ces partisans : « Ce soir, je peux vous dire avec une confiance absolue que nous allons gagner à la convention démocrate.»  Finalement, le communiqué publié par la campagne Trump fait une assez bonne analyse de la situation, en plus de sa prédiction évidemment inévitable de la victoire de Trump :

« Les résultats ne font qu’augmenter la probabilité qu’aucun candidat[démocrate] n’aura assez de délégués pour remporter un premier tour de scrutin à sa convention, avec pour résultat de ne faire qu’accroître le chaos ! Les médias font une promotion hystérique de Joe Biden, mais tout le monde devrait se rappeler qu’il est un candidat tout aussi catastrophique aujourd’hui, après ses victoires, qu’il ne l’était il y a quelques jours.
» Même si Bernie n'est pas présent pour le scrutin de novembre, ses grandes idées socialistes de gouvernement le seront parce qu’elles sont devenues courantes dans le parti démocrate actuel. Le président Trump s’essuiera les pieds sur le démocrate qui aura eu la malchance d'être le candidat. »

Là où le communiqué dit juste, c’est concernant le chaos dans le parti démocrate puisque les résultats au stade actuel nous disent sa complète fracture en deux d’une part, puisqu’effectivement les idées dites-“socialistes” ont très largement pénétré le parti d’autre part, et que le candidat démocrate, quel qu’il soit, aura bien du mal à ne pas être obligé d’en faire la promotion. Bien entendu, Trump y veillera, ne cessant d’attaquer sur ce point, ce qui conduit à la remarque qu’un Sanders serait meilleur candidat qu’un Biden, outre le degré de stupidité de Biden, parce qu’il n’aurait aucun mal à faire de cette rhétorique un argument puissant auprès de l’électorat.

Il nous semble surtout que la principale question qui se pose, l’inconnue la plus probable, est de savoir ce que ferait Sanders s’il n’était pas désigné candidat démocrate, dans l’hypothèse absolument assurée, – le parti démocrate est trop corrompu pour ne pas agir ainsi, – où sa défaite aurait été en partie plus ou moins importante due aux manigances et aux fraudes internes de la direction démocrate. En d’autres mots, car cela deviendrait l’issue principale : si l’enthousiasme qui soutient Sanders se doublait de la colère contre la direction démocrate, cette pression déciderait-elle Sanders à lancer une candidature indépendante. (Après tout, sa position originelle est effectivement d’être un indépendant, et son affiliation au parti démocrate n’est que formelle, pour pouvoir concourir dans les primaires.)

Si Sanders en arrivait à une telle décision au cas où la direction démocrate/Le Système l’éliminerait, aurait-il le cran de se lancer dans une telle aventure ? Dans tous les cas, la tournure que prennent les événements est grosse de chaos supplémentaires, l’analyse de la campagne Trump est juste à cet égard, – sauf, bien entendu, qu’elle n’attribue pas au président-candidat la place qui lui revient dans toute extension du domaine du chaos à la direction du système de l’américanisme depuis 2015-2016. Une victoire très nette et irrésistible de Sanders à la convention démocrate, comme on l’envisageait avant le Super Tuesday, impliquerait une campagne où l’élément le plus agitateur du parti (la base révolutionnaire ou pseudo-révolutionnaire de Sanders) qui serait également l’élément-moteur de la campagne, serait contraint à un peu de retenue pour ne pas gâcher toutes les chances de Sanders de l’emporter en effrayant inutilement le public. Par contre, une élimination de Sanders posera à un moment ou l’autre la question de sa candidature indépendante, qui serait évidemment dénoncée comme une division au profit de Trump du parti démocrate (argument contestable car nous contestons que les électeurs acquis à Sanders soutiendraient Biden, – il préféreraient s’abstenir, – en cas de désignation du nullissime) ; mais l’intérêt se trouve dans les conséquences, avec peut-être une marche vers une division du parti démocrate en deux partis, comme le croit  le colonel Lang ?

On voit par conséquent que, loin de régler le problème démocrate, le retour de Biden soutenu par tout l’appareil du parti, par le DeepState, par le Complexe Militaro-Industriel, bref l’américanisme avec toutes ses guirlandes, le complique encore un peu plus. De ce point de vue, le texte de WSWS.orgque nous présentons ci-dessous a son intérêt, même s’il précède le Super Tuesday. Il nous décrit bien le déploiement de toutes les mesures prises contre Sanders, en même temps qu’il nous donne une vision critique de Sanders et de sa faiblesse vis-à-vis du parti, du Système, – même s’il gagnait à la convention, et surtout s’il gagnait... (Le site trotskiste WSWS.org déteste Sanders, qu’il considère comme une sorte particulièrement venimeuse de “social-traître” dont le rôle, conscient ou pas, est de siphonner la colère populaire pour la conduire à ne pas mettre le Système en danger. Cette vision simpliste n’est pas la nôtre certes, même si elle trouve certains éléments pour la justifier [en partie seulement, selon nous], mais elle a l’avantage de nous avertir des faiblesses de Sanders, qui sont à notre sens bien plus psychologiques que politiciennes.) 

dde.org

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En guerre contre Sanders !

L’establishment du Parti démocrate est engagé dans un effort ultime pour relancer la campagne difficile de l’ancien vice-président Joe Biden et bloquer la nomination du sénateur Bernie Sanders. Il craint que dans les primaires du 3 mars dans 14 États, Sanders puisse marquer une avance insurmontable en termes de nombre de délégués à la convention d’investiture du Parti démocrate.

Suite à la victoire de Biden lors des primaires de Caroline du Sud samedi, la direction du parti a écarté de la course deux des candidats de droite à l’investiture présidentielle. Il s’agit de la sénatrice Amy Klobuchar et l’ancien maire de South Bend, Pete Buttigieg, de l’Indiana. Tous deux se sont rendus à Dallas, au Texas, lundi, pour soutenir Biden. Buttigieg s’est présenté avec l’ancien vice-président dans un restaurant local, et Klobuchar s’est adressée à un rassemblement de campagne dans la soirée.

L’ancien président Barack Obama aurait pris l’initiative de faire pression sur Buttigieg. Lors d’un appel téléphonique de l’ancien commandant en chef à l’ancien officier de renseignement de la marine, lui disant que c’était son «levier maximum» pour une future influence au sein du parti démocrate. On ignore qui a parlé à Klobuchar, mais elle a pris la parole à un rassemblement de campagne à Salt Lake City, dans l’Utah, lundi matin, en tant que candidate. Seulement 90 minutes plus tard, elle a annoncé qu’elle mettait fin à sa campagne et soutenait Biden.

Un autre candidat à la présidence qui a échoué, l’ancien représentant du Texas Beto O’Rourke, a également annoncé son soutien à Biden lundi. Tout comme une série d’autres démocrates de premier plan qui ont annoncé leur soutien: l’ancien chef de la majorité au Sénat, Harry Reid; la députée Debbie Wasserman Schultz, ancienne présidente du Comité national démocrate; l’ancienne conseillère à la sécurité nationale de Barack Obama Susan Rice; le sénateur Tim Kaine, le colistier d’Hillary Clinton pour la vice-présidence en 2016; et bien d’autres encore.

L’alignement réuni lundi derrière Biden personnifie les forces sociales réactionnaires qui dominent le Parti démocrate. Biden lui-même est le plus à droite de tous les principaux candidats à l’investiture démocrate pour la présidence. Il est imprégné des crimes de l’impérialisme américain pendant les huit années de l’Administration Obama-Biden. Avant, il s’y préparait pendant ses 36 ans de carrière au Sénat américain. Il se vante d’entretenir des relations étroites avec des réactionnaires comme Strom Thurmond et James Eastland [deux partisans de la ségrégation], et plus récemment, Mitch McConnell [qui s'est fait une réputation d'obstruction systématique contre Obama].

Sa «coalition» se compose de factions de la classe moyenne supérieure fondées sur une politique identitaire de race et de genre. Cela s’est caractérisé par le représentant James Clyburn, dont le soutien s’est avéré crucial en Caroline du Sud, et le sénateur Klobuchar; l’appareil militaire et de renseignement est présent dans cette campagne directement avec Buttigieg; et de l’aristocratie financière, dont le soutien est toujours partagé entre Biden et le milliardaire Michael Bloomberg.

Sanders est inacceptable pour l'establishment du parti car il n'a aucune intention de soulever la question d'une réforme sociale significative lors des élections de 2020. Ils veulent mener une campagne de droite, largement fondée sur l'attaque de Trump en tant qu'agent russe, une répétition de la campagne d'Hillary Clinton de 2016, cherchant à obtenir le soutien de Wall Street et de la CIA pour l'éviction de Trump.

Si Elizabeth Warren n’a pas encore rejoint Buttigieg et Klobuchar pour se retirer de la course, cela a moins à voir avec ses calculs personnels qu’avec les besoins du Parti démocrate. Ce dernier considère sa candidature comme un moyen de retirer des voix à Sanders.

La formation de cette cabale «stop Sanders» réfute le principe même de la campagne de Sanders, à savoir que le Parti démocrate peut être «capturé» et transformé en un véhicule de progrès social. Ce que Biden et les autres dénoncent comme étant du «socialisme», c'est le plaidoyer de Sanders en faveur de politiques légèrement réformistes. Elles n’impliquent que des taxes légèrement plus élevées sur l’accumulation gigantesque de richesses par les super-riches. Les fonds que cela mettrait à disposition ne pourraient que ralentir légèrement le tempo des attaques sur les programmes sociaux comme la santé, l’éducation et la garde d’enfants qui sont déjà loin derrière ceux de nombreux autres pays industrialisés.

Pendant que Biden recevait des appuis, la campagne de Sanders a organisé une série de rassemblements de masse auxquels le candidat s’est adressé lors de son voyage d’un océan à l’autre au cours du week-end: 6500 personnes à Springfield, Massachusetts; 10.000 sur Boston Common; 10.000 dans une arène sportive à Springfield, en Virginie, dans la banlieue de Washington DC; 13.000 à l’université Virginia Wesleyan à Virginia Beach; 10.000 dans le centre-ville de San Jose, Californie; et enfin, dimanche soir, près de 25.000 au centre de convention de Los Angeles.

La campagne de Sanders a également annoncé dimanche que 2,2 millions de personnes avaient donné de l’argent en février, pour un total de 46,5 millions de dollars, soit le montant le plus élevé pour un seul mois.

Compte tenu de ce soutien populaire croissant, il est possible que la campagne anti-Sanders n’atteigne pas son objectif et ne puisse pas bloquer sa nomination. Dans ce cas, cependant, comme prix pour ne pas saboter sa campagne, l’establishment du parti exigerait des concessions si importantes sur le programme, le personnel et la politique qu’une Administration Sanders signifierait une feuille de vigne Sanders pour masquer la poursuite de la domination de Wall Street et de l’appareil militaro-intelligent.

Et de larges pans de l’establishment démocrate rechigneraient à un tel arrangement. Ils craignent que la nomination d’un candidat qui se dit «démocrate socialiste» n’encourage l’entrée dans la vie politique américaine de larges couches de travailleurs et de jeunes. Ces derniers ont été exclus par le système bipartite contrôlé par l’élite dirigeante. S’ils ont le choix entre la phraséologie de gauche de Sanders et Trump, la plupart des dirigeants démocrates choisiront Trump.

Sanders le comprend très bien, mais il se présente néanmoins comme le plus loyal des démocrates. Alors que l’establishment démocrate complote sa chute, il s’engage à mobiliser ses partisans derrière celui qui sera choisi par la convention démocrate à Milwaukee, même le milliardaire Bloomberg, comme il l’a fait en 2016 avec Hillary Clinton.

La réponse de Sanders à l’hostilité ouverte et sans retenue du Parti démocrate à son égard met à nu la profondeur de sa propre démagogie politique. Elle démontre une fois de plus que des efforts tels que les siens, qui sont orientés vers le Parti démocrate, signifient la mort de tout mouvement social progressiste.

Le Parti de l’égalité socialiste insiste une fois de plus sur la nécessité de développer un mouvement indépendant de la classe ouvrière pour faire progresser l’opposition populaire largement ressentie aux partis Démocrate et Républicain.

Patrick Martin (WSWS.org)

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