JSF, calvaire britannique

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JSF, calvaire britannique


21 mai 2003 — En sa qualité de président de BAE Systems et de chef du Conseil des Industries de défense, Sir Richard Evans a témoigné la semaine dernière, devant la Commission de la défense des Communes, d’une situation qu’il juge très préoccupante. Sujet central : le JSF, — avec une situation en aggravation constante (« The British government has been issued a stark warning that it faces paying $15 billion for the U.S. F-35 Joint Strike Fighter without guaranteeing its ability to independently support or upgrade the aircraft »).

[Nous extrayons l’essentiel des informations dont nous donnons un commentaire ici, d’un article paru dans le numéro du 19 mai de la revue Defense Week & Space technology.]

• Sir Richard a résumé le problème dans les termes les plus directs et les plus significatifs. Il s’agit d’une question d’“autonomie” (du Royaume-Uni par rapport aux USA). C’est-à-dire, une question de souveraineté. Sir Richard « cautioned: “We have a serious problem on the Joint Strike Fighter in the U.K., and this is not just with industry.” [...] Evans claimed the country was faced with the risk of not being able to fully support its JSF aircraft. He stressed the need to be able to do this, or “you will never have complete autonomy.” »

• Il y a la question fondamentale du transfert de technologies, particulièrement de tous les éléments liés à la technologie furtive (low-observable (LO) technology »). La situation à cet égard s’est encore aggravée ces deux dernières années (« Evans suggested to the committee that U.S. fears regarding “leakage” of classified technology has, if anything, become even more acute since the Sept. 11, 2001, terrorist attacks »).

• Les difficultés sont de tous ordres, estime Sir Richard :


«  If, for instance, the U.K. were able to carry out indigenous updates on the like of the Joint Strike Fighter, it “would take business opportunities away from U.S. companies,” he argued. In the light of this, he claimed, the political “blockages” are supported by elements within the U.S. industrial base.

» With regard to the technology-access changes Evans wants to see implemented with the U.S. in terms of aerospace/defense programs, he acknowledged that “there are big commercial implications to the changes we are seeking.” »


Sir Richard Evans a fait un panorama général de la situation britannique à l’intérieur du programme JSF, qui coûterait potentiellement $15 milliards au Royaume-Uni (R&D, plus commande de 150 avions). Cette situation extrêmement préoccupante, bien entendu confirmée du côté officiel, existe alors que le Royaume-Uni est le seul partenaire dit de “niveau 1” avec les USA (niveau impliquant un quasi-partenariat de coopération). Cette situation implique que les Britanniques n’ont, pour l’instant, aucune maîtrise sur leur partie du programme, aucun accès satisfaisant aux technologies du programme, aucune possibilité sérieuse qu’il puisse y avoir un changement important dans l’avenir prévisible. Le résultat est, pour l’instant, une complète dépendance britannique des Américains, technologique, industrielle et commerciale.

Dans cette perspective, bien entendu, cette dépendance britannique des Américains devrait s’étendre au domaine opérationnel quand on en sera à développer ce domaine. Cette possibilité est d’autant plus forte qu’elle est renforcée par la politique britannique actuelle qui est de “coller” le plus possible, dans ce domaine des opérations militaires, aux Américains. Pourquoi chercher à développer une maîtrise autonome d’un avion appelé à être intégré dans une architecture commune anglo-américaine, — qui sera évidemment sous contrôle américain ?

L’audition de Evans met en évidence les difficultés que présente, pour les Britanniques, le développement du programme JSF. La question posée est celle de la souveraineté, dans son sens le plus large, avec toutes les retombées imaginables dans tous les domaines. Evans témoigne d’un climat exécrable dans le cadre du programme JSF, et du point de vue industriel, de façon plus générale, entre Américains et Britanniques. Un autre exemple est fourni par Rolls-Royce (qui fabrique le moteur de la version ADAC/V du JSF) : selon des sources qui ont des accès directs au motoriste britannique, « les Américains y sont considérés certainement pas comme des partenaires, même pas comme des concurrents, mais littéralement comme des ennemis. Le programme JSF représente un exercice pratique de ce sentiment général. »

La coopération défense entre Britanniques et Américains, particulièrement dans ce programme JSF, est illustratrice de la politique Blair : une “coopération” forcenée entre Britanniques et Américains, totalement forcée par rapport aux inclinaisons des industriels, les attitudes des uns et des autres ne pouvant qu’aggraver ces conditions. Il est effectivement significatif de réaliser que Britanniques et Américains “coopèrent” sur le JSF depuis 5 ans de façon active, avec des détachements britanniques travaillant aux USA ; le résultat est effectivement une aggravation constante du climat. Rien dans les perspectives envisageables ne peut faire penser raisonnablement à une autre voie. Les difficultés propres du programme JSF feront le reste, s’il y a encore à faire.