Et volent les bulletins de vote...

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Et volent les bulletins de vote...

• Juste en passant et pour faire le point sur l’enfer de mielleuse et satanique médiocrité dans lequel nous vivons. • Ils nomment cela “démocratie” et il semble bien que Constantin von Hoffmeister ne soit pas vraiment d’accord. • Qui s’en étonnera ?

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On admettra qu’aujourd’hui la critique de la démocratie est une tâche littéraire et polémiste bien plus entraînante et joyeuse que la pesante marche des godillots ferrés, protecteurs ahuris et démocratiques d’un système usé jusqu’à la corde, proférant des slogans sans fin parce qu’enfermés dans une prison répétitive qui ne porte plus aucune attention à la réalité ni à la vérité. Les scandales se succèdent, les illégalités semblent la norme la plus vertueusement légale du monde, les médiocrités humaines s’amoncellent, les bêtises-dirigeantes succèdent sans espoir aux crétins-présidents, et tout cela nourrissant une critique joyeuse et pleine de verve. La corruption semble comme infinie, portant bien plus sur la psychologie et la faiblesse du langage que sur les biens matériels qui n’ont même plus les qualités d’antan. C’est un sport sans fin, sauf que la fin de la démocratie sifflera la fin de la partie.

L’étrangeté du cas est l’insistance que mettent ces extraordinaires automatismes de pensée-réflexe pour louer, avec une lourdeur écrasante, des choses infiniment malheureuses et absolument inexistantes. On ignore ce qu’il sortira de tout cela. Pour survivre en attendant Godot, il vaut mieux faire le pronostic que nous aurons une colossale tragédie-bouffe.

Il vaut mieux s’arrêter d’ailleurs, puisque Constantin von Hoffmeister, que nous retrouvons souvent dans nos colonnes, se charge de la critique à laquelle il oppose une contre-critique. Il est auteur des livres ‘Multipolarity!’ and ‘Esoteric Trumpism’, and éditeur-en-chef de Arktos Publishing.

dde.org

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La « Démocratie’ est le nouveau colonialisme

Les empires n’ont pas changé, ils se sont simplement enveloppés de platitudes telles que « résilience », « visibilité » et « autonomisation »

Un bulletin de vote flotte dans les airs tel un papillon mécanique, délicat dans sa descente, mais une fois qu'il touche le sol, tout se fige. La jungle devient muette. La ville oublie sa langue.

Un rituel commence : un rituel créé non pas dans des chambres d'oracle, mais dans des think tanks climatisés aux portes coulissantes et aux logos d'entreprise. La démocratie arrive comme un évangile, préemballée et approuvée par code-barres, larguée par drone ou livrée par valise diplomatique. Elle conquiert tel un parasite : elle niche dans le cœur, se nourrit de croyances et tue l'hôte sous de fausses promesses. Elle persuade, elle séduit, elle infecte. Des hommes en costume descendent tels des missionnaires, leurs écritures imprimées sur du papier glacé, leurs symboles nettoyés pour l'exportation. Ils apportent des PowerPoints et des modules de formation sur le genre au lieu de mousquets. Ils apportent de bonnes nouvelles : la souveraineté est obsolète, les dieux locaux sont dépassés, et chaque village sera équipé du Wi-Fi et de fresques murales représentant des femmes non voilées levant le poing sous les slogans de l'ONU.

La savane ne tremble plus sous les bottes des tuniques rouges britanniques. Elle tremble sous l'impact des slogans. « Engagement civique » est murmuré comme un sortilège. « Société ouverte » est gravé sur des tableaux noirs où les anciens traçaient autrefois des cosmologies. Le tonnerre de l'artillerie a été remplacé par des discours d'ouverture. Une révolution est répétée avant d'être diffusée. Le nouveau coup d'État arrive en tenue de télévision. Le vieux roi disparaît, remplacé par un candidat consensuel diplômé de Yale et approuvé par l'OTAN. Une constitution est dévoilée comme une voiture de luxe : rutilante, chère, étrangère. Personne ne la lit. Elle les lie. Le peuple applaudit. Ses applaudissements sont programmés.

La tête du tyran est affichée : pixelisée et ruisselante. Des rires s'élèvent. L'encre violette tache la peau comme une marque sacrée, comme si voter pouvait purifier le passé et invoquer le salut. Un document sacré est ouvert, ses pages bourdonnant de sous-clauses et de subversion. Article 1 : Soumission à l'algorithme. Article 2 : Stériliser l'âme du peuple. Article 3 : Criminaliser la mémoire. Les prêtres de la procédure hochent la tête. Ils allument des bougies fabriquées à partir de récits recyclés. Ils scandent des slogans sélectionnés par la Silicon Valley. Le ton des conférences TED devient le nouveau service religieux, béni par les taux de clics. Des mots à la mode sont incantés : « résilience », « visibilité », « autonomisation ». Des mots évidés et usés comme des médailles.

L'empire s'est remodelé. Il est vêtu de lin. Il porte des presse-papiers. Ses armées sont des forces opérationnelles. Ses chars sont désormais des agences étiquetées : USAID, HCR, OSCE. Les sourires remplacent les baïonnettes, et les séminaires remplacent les pelotons d'exécution. La démocratie débarque en jet privé avec un compte Instagram. Ses vice-rois commandent des lattes au lait d'avoine tout en planifiant des transformations culturelles. Une bannière arc-en-ciel flotte sur chaque zone ravagée. Bagdad saigne sous les missiles. Tripoli bourdonne d'ONG étrangères. Kiev accueille des défilés qui se moquent de son sol. Des ruines sacrées sont rebaptisées. Des pierres de temples sont réutilisées pour les cours des ambassades. Les rituels changent. La domination demeure.

Dans un village, une femme chante un air ancestral. Un homme offre une prière dans un dialecte sans Unicode. Une pierre est soulevée pour reconstruire un sanctuaire. De telles choses sont inacceptables. Une enquête est menée. Un briefing est rédigé. Un donateur menace. Le ministre local rectifie le tir. Une élection est organisée. Le résultat est connu. Il l'est toujours. C'est ce qu'ils appellent le consentement. C'est ce qu'ils entendent par liberté.

L'uniformité se présente comme l'universalité. La diversité devient suppression. L'identité est redessinée par des stagiaires étrangers. Le langage devient emoji. Les morts sont archivés. Les musées remplacent les tombes. Les grands-pères sont décrits dans des notes de bas de page écrites par leurs ennemis. Des larmes coulent dans les salles d'exposition où les vestiges de la résistance sont aseptisés. Les conquérants pleurent – toujours en public, toujours avec des caméras. Leur chagrin est un spectacle. Leur miséricorde est une gestion.

Le prédicateur libéral arbore un sourire retouché. Il donne des interviews sur le « traumatisme » et la « tolérance ». Il ne manie jamais l'épée ; Il commande des rapports. Son évangile : une culpabilité sans fin. Son miracle : la régénération du conflit. Ses sacrements sont des embargos et des campagnes médiatiques. Il baptise les enfants dans l’idéologie. Il respire l’encens issu des traités et des sanctions. Il chante un hymne dont les vers parlent de fluidité des genres et de crédits de compensation carbone. Sa voix, fluette et suave, noie des cultures entières dans son sirop.

Pourtant, à travers le monde, la terre se souvient. Les forêts s’expriment avec un bruissement de défi. Les montagnes résonnent de chants improvisés. Le Danube tremble sous les ponts d’acier. La Volga murmure des secrets à la steppe. À travers l’Eurasie, à travers l’Afrique, à travers les zones marquées comme « en développement », quelque chose bouge. Trump ne s’élève pas comme empereur ; il transperce l’écran comme un dysfonctionnement, une interruption dans la diffusion. La Serbie se souvient de ses ruines. L’Iran berce ses martyrs. La Russie montre les dents. La Hongrie érige des murs – non par peur, mais par fidélité à ses propres valeurs.

La multipolarité émerge, non comme un plan, mais comme un rite dont on se souvient. Elle n'attend pas de validation. Elle parle une centaine de dialectes, aucun ne nécessitant de traduction. Elle brandit des torches, pas des lampes de poche. Elle ne trace aucune feuille de route globale. Elle construit des seuils. Elle invoque des dieux enfouis sous des tours de verre. Elle honore des esprits bannis des manuels scolaires. Dans chaque pays, de nouvelles mythologies se forgent sur les ruines du développement. Les urnes sont abandonnées, leur promesse de salut mécanique écartée. À leur place se dresse la pierre de la loi ancestrale, tachée de sacrifices et gravée des codes tacites du sang, de la terre et de la loyauté.

Alors, que les bulletins de vote tombent, que les slogans tourbillonnent comme des cendres au vent, que les consultants continuent d'écrire. Rien de tout cela n'arrête le retour. Le sacré palpite à nouveau dans des veines non cartographiées par les systèmes de mesure occidentaux. La démocratie, autrefois présentée comme une délivrance, se dénude et se révèle : agent d’extraction, théâtre du consentement. La multipolarité ne la conteste pas. Elle la remplace – par la pierre, par la flamme, par le chant. Le monde repart, vers la renaissance du mythe.

Constantin von Hoffmeister