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4171Quand la bio-métamorphose du genre humain nous est présentée comme un phénomène inéluctable - 5epartie de la série sur les Utopies
Le créateur de bandes dessinées Enki Bilal était de passage à Montréal, du 21 au 23 novembre, dans le cadre d’un Salon du livrequi table de plus en plus sur les effets de mode pour appâter de nouvelles clientèles. Invité d’honneur de l’évènement, Bilal est venu présenter les deux premiers tomes de sa série intitulée BUG, sorte de saga qui tourne autour d’une crise informatique qui ferait en sorte de priver l’humanité entière de sa mémoire numérique. Ça tombe bien puisque Montréal se targue, depuis le « bogue de l’an 2000 », d’être une des capitales des industries numériques et un haut-lieu des arts technologiques.
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Tiens, qu’en est-il de ce fameux BOGUE de l’an 2000 ? Un feu d’artifice qui nous a donné bien du fil [wired] à retordre et qui aura forcé les entreprises de par le monde à investir des centaines de milliards de dollars afin que leurs systèmes informatiques puissent opérer le passage du XXe siècle vers le XXIe siècle dans un contexte où les ordinateurs n’avaient pas été programmés pour effectuer ce saut quantique. Des problèmes de conception et de programmation étant en jeu, il fallait trouver des solutions en « dehors des clous », penser hors de la « boîte » pour résoudre un problème en apparence simpliste.
De la problématique technique a surgi un délire millénariste axé sur la question d’un changement de paradigme universel : seule porte de sortie possible pour le salut de l’humanité et de la planète Terre.
Le concepteur de bandes dessinées Enki Bilal reprend cette notion de BOGUE INFORMATIQUE sur un mode apocalyptique et met en scène une dystopie qui finit par agir comme un déclencheur de changements, sorte de métamorphose planétaire qui force les bipèdes intelligents à se passer de leurs anciens smartphones pour se commander une pizza.
De passage au Salon du Livre de Montréal Enki Bilal est venu nous gratifier de ses habituelles formules magiques : comparant sa table à dessin à un « bordel organisé », l’auteur met en scène des situations chaotiques dans chacune de ses bédés. Il s’agit, effectivement, de « foutre le bordel » afin de réveiller une humanité endormie sous le poids de ses habitudes ancestrales et … patriarcales. Parce que Bilal a une grosse dent contre le patriarcat qui serait, d’après lui, la cause de cette aliénation qui nous empêche d’évoluer, de nous métamorphoser.
Manifestement gnostique, cet apologète du globalisme fait invariablement intervenir des dieux extraterrestres dans ses histoires. Mi-hommes, mi-bêtes, ces créatures atemporelles arborent une morphologie s’apparentant à celle des déités peuplant le panthéon égyptien.
Ainsi, le dieu-soleil Horus, à tête de faucon, représente un des personnages phares de sa célèbre trilogie comptant « La Foire aux immortels », « La Femme Piège » et « Froid Équateur ». Horus, selon les canons de la gnose égyptienne, serait le dieu de l’azur, représentant les espaces célestes. C’est, sans doute, ce qui explique la fascination de Bilal pour la couleur bleue, un élément de la magie opératoire [dite chaotique] qui correspond aux pouvoirs de guérison. Voilà pourquoi dans la « Femme Piège », Jill Bioskop a une chevelure, une pilosité et des muqueuses bleues. Le sobriquet « Bioskop » renvoyant à des capacités de voyance qui permettent de percer les secrets du monde vivant. Jill Bioskop est une journaliste qui couvre les actualités au cœur des anciennes capitales d’une Europe effondrée, défoncée sous les coups de boutoir d’une décadence qui a littéralement « liquéfié » la cité telle que nous la connaissions. Cette protagoniste utilise un « script-walker », sorte d’appareil qui permet d’anticiper le futur.
Dès le second volet de cette trilogie, publié en 1986, Bilal brosse une vision dystopique des villes de Londres et de Berlin qui ont été mises à mal par une sorte de guerre civile généralisée mettant en scène des cohortes de migrants, d’agents secrets et autres personnages troubles qui ne semblent pas comprendre ce qu’ils font dans ce décor d’apocalypse urbaine. La journaliste Bioscop, qui a perdu jusqu’à toutes notions de temps et d’espace, y fait la rencontre d’Alcide Nikopol, héros de cette trilogie qui est littéralement « hanté » par la figure emblématique du dieu Horus. Chemin faisant, une sorte de « ménage à trois » se met en place : la « femme piège » qui représente le pouvoir de [l’auto] guérison, Alcide Nikopol qui est un personnage provenant du passé et le dieu Horus qui a fui les autres dieux afin de venir s’acoquiner avec une humanité en cours d’hybridation.
L’auteur Stéphane François, dans un micro-essai publié sur le site La Spirale.Org, met le doigt sur cette fascination pour l’occulte et le néopaganisme qui aurait littéralement « contaminé » les milieux de la contre-culture et, in extenso, les nouveaux médias de la culture numérique. Il en profite pour citer l’anthropologue Claude Lévi-Strauss pour qui « l’identité se réduit moins à la postuler ou à l’affirmer, qu’à la refaire, la reconstruire ». Toujours selon Lévi-Strauss, l’identité ne serait qu’une « sorte de foyer virtuel » et Stéphane François de préciser que ce « foyer virtuel » – ou identité trouble – pourrait générer des métamorphoses suscitées par le désir de fuir l’hubris de nos sociétés dévoyées par un trop-plein de technicisme et de rationalité.
En d’autres termes, dans le sillage de la contre-culture soixante-huitarde, toute une constellation de créateurs s’est mise à puiser à pleines mains dans les résidus des grandes traditions initiatiques immémoriales, sans se soucier de l’impact causé par ce passage en coup de vent de l’ésotérique vers l’exotérique. Enki Bilal nous apparaît, bel et bien, dans l’épicentre de cette nébuleuse issue d’un mariage conjoncturel entre la contre-culture et le monde de l’« occultisme ». L’intégralité de ses scénarios tablent sur un modus operandi mettant en scène des situations chaotiques – guerres civiles, catastrophes environnementales, bug informatique universel, etc. – afin de susciter l’arrivée sur terre de demi-dieux ou de démiurges hybridessusceptibles de rétablir un « nouvel ordre » qui correspond à un passage obligé vers une sorte d’état pré-adamique.
Résolument féministe, prônant en demi-teinte les bienfaits d’un transhumanisme qui ferait de nous des « demi-dieux », dénonçant les nouvelles religions du livre et le patriarcat délétère qui se serait mis en place dans leur sillage, Enki Bilal remet au goût du jour les anciennes obsessions gnostiques concernant le choc des cultures entre la création contrefaite et … la Jérusalem mystique réunissant les surgeons d’une humanité enfin réconciliée à travers une hybridation définitive.
Il s’agit, pour faire court, de profiter du DÉLITEMENT des codes et des habitudes culturels, mis en place par les épigones d’un patriarcat monothéiste, afin que l’humanité puisse renouer avec la déesse-mère et une cosmogonie héritée des anciens cultes mésopotamiens ou égyptiens. Voire sumériens, puisqu’il faut bien comprendre que le prénom Enki, de l’artiste Bilal, est une signature qui fait implicitement référence à ce dieu des eaux fraîches et courantes. Le dieu Enkiétant, toujours selon la cosmogonie sumérienne, responsable de la fertilité et de la connaissance.
Voilà pourquoi Enki Bilal [Enes Bilanovic de son vrai nom] utilise la couleur bleue à travers toutes ses aventures, sur des tons de blancs, de noirs et de gris ponctués de couleurs vives destinées à souligner des atmosphères tendues ou dramatiques. En outre, Bilal travaille sur les catégories alchimiques des éléments primordiaux pour mettre en place les moments de transformation de ses récits : les dieux égyptiens et autres chimères hybrides provenant des airs, les personnages féminins, comme Jill qui utilise un bain pour faire disparaître ses amants, correspondent à l’eau et la terre c’est le réceptacle pour toutes les permutations alchimiques susceptibles de paver la voie à une nouvelle humanité refaçonnée.
On retrouve, ici, la notion de Qliphoth, chère à la kabbale, qui pointe du doigt en direction de notre « enveloppe terrestre », cette « écorce primordiale » qui enveloppe les aspects réellement sacrés de la création. Ainsi donc, le règne du patriarcat matérialiste et cartésien, si l’on se fie à la vision de Bilal, correspondrait à une sorte d’immense qliphothqu’il conviendrait de faire éclater afin que puisse émerger l’être pré-adamique réconciliant les principes mâles et femelles. Et, c’est ce qui explique le rôle des personnages féminins, teintés de bleu, qui sont des agents de transformation contribuant à faire éclater les limites visibles et invisibles de cette société patriarcale qu’il convient d’éradiquer. Une fois pour toutes.
Ce « retour aux sources primordiales », provoqué par les cataclysmes en cours – effondrement de la structure sociale, éclatement des conventions familiales, délitement des mémoires et des us et coutumes, décadence, chute des cours à la bourse et bogue d’un nouveau millénaire prophétique – est, donc, comparable à une forme de RESET, d’un degré zéro de l’humanité. Et, pour Enki Bilal, « la femme est [indubitablement] l’avenir de l’homme ». Il n’a de cesse de le répéter en boucle dans toutes ses entrevues avec la presse aux ordres. Tout cela nous rappelle un certain « socialisme » de l’ère Thatcher … d’ailleurs, Bilal n’a-t-il pas déjà affirmé en entrevue qu’il souhaitait renouveler la vision marxiste à travers ses sagas dessinées ?
Stéphane François, dans son extraordinaire article publié en 2010, fait la lumière sur le modus operandi des occultistes en citant Jacques Maître qui définit l’ésotérisme comme « un mode d’existence souterrain de visions du monde qui se veulent alternatives aux savoirs « officiels ». » Et, manifestement, le positionnement de Bilal nous fait penser à celui de tous les Jacques Attali de ce monde : champions de la prophétie autoréalisatrice, puisqu’ils répètent à satiété n’être que les spectateurs attentifs des dérives qui menacent notre société techniciste malade. Remettant cent fois son œuvre sur le métier, le démiurge Enki a déjà annoncé la catastrophe du 11 septembre, un peu comme ce fameux jeu de cartes américain qui dépeignait dans le détail toute la supercherie entourant plusieurs attentats qui ont marqué les dernières décennies. Quoi de plus naturel que de nous annoncer un mégabogue pour 2041-42, dans un futur proche par où plusieurs crises monétaires seront passées et dans un contexte où les sociétés occidentales ne ressembleront plus qu’à des ersatz civilisationnels.
Revenons à BUG, objet de convoitise des critiques d’art affamés au moment de terminer notre papelard. Le BOGUE, tant attendu par nos apprentis sorciers aux manettes, finit donc par se produire et l’humanité est privée de toutes formes de mémoire numérique. Au même moment où des cohortes d’adolescents se suicident à cause de la perte de leurs médias sociaux, un détachement expéditionnaire en poste sur la planète Mars a à son bord un [sur] homme détenteur de tout ce « savoir » numérique momentanément perdu. En fait, l’homme a été « pucé » [d’où le jeu de mot avec BUG] et cet implant fait en sorte qu’il se retrouve à véhiculer l’ensemble des données perdues à l’intérieur de sa petite caboche. Une véritable chasse à l’homme se mettra en branle dès son arrivée sur Terre puisque plusieurs organisations ambitionnent de mettre la main au collet de Kameron Obb, cet homme bionique qui jouit d’une « intelligence artificielle » qui fait de lui un véritable demi-dieu.
Imperceptiblement, Bilal « plante » les mots d’ordre de notre bonne vieille oligarchie en montrant du doigt l’incapacité qu’éprouvent les nations à dialoguer puisqu’elles sont en compétition les unes avec les autres. Kameron Obb, l’homme bionique à l’« intelligence numérique » surdimensionnée est un nouveau messie, porteur de la lumière d’une intelligence artificielle qui pourrait tous nous sauver. À condition de confier nos destinées à ce fameux gouvernement mondial qu’appellent de leurs vœux Jacques Attali et Enki Bilal.
Et, dans un contexte où la mémoire humaine est défaillante – ce que fait semblant de dénoncer Bilal dans ses tournées de promotion – quoi de mieux que des implants afin de suppléer à d’éventuelles pénuries de data numérique. L’homme à puce gagnant une autonomie démultipliée en ayant accès en « temps réel » à toutes ses données personnelles et … à celles de son entourage.
La mémoire et la représentation du réel constituent ce beau sujet sur lequel, à l’instar des fées du berceau, se penche notre alchimiste du 9eart. C’est ici que l’on retrouve bien des poncifs qui avaient été sublimés par l’opus Blade Runner à la même époque où Bilal se préparait à entreprendre sa fameuse trilogie.
Enki Bilal, hormis le fait qu’il possède un coup de crayon d’enfer [c’est le cas de le dire …], n’a rien inventé en définitive. Depuis trois décennies, il ne fait que remettre le fil dans le chat de l’aiguille du GRAND RÉCIT GNOSTIQUE que l’on nous sert à longueur de journée. Stéphane François l’a bien compris à travers son analyse, en précisant que « parallèlement au désintérêt pour le christianisme et à la décomposition, à cette époque [au tournant des années 1990], des formes classiques du religieux, la civilisation occidentale a connu, par un mouvement de balancier, un phénomène de recomposition du religieux, notamment à travers l’apparition d’une nébuleuse spiritualiste foisonnante, elle-même issue des contre-cultures post Mai 68 ».
Tous les mages des 7eet 9e arts se sont donc donné rendez-vous sur la proue de notre épave civilisationnelle afin d’exercer un art de la voyance qui est tissé de prophéties autoréalisatrices. Un autre observateur lucide, le sociologue Lucien Cerise, spécialiste du neuro-piratage, précise le tir : « dans la culture populaire, le terme de « transhumanisme » est associé à des images de science-fiction comme le clonage, le mutant génétique, le cyborg, mi-homme/mi-robot, et toutes sortes d’utopies futuristes. Or, il semble bien que la réalité soit en train de dépasser la fiction ».
Enki Bilal, même s’il se défend bien d’être un prophète, ne faisait qu’enfoncer des portes ouvertes lorsqu’il affirmait, tout dernièrement au quotidien montréalais Le Devoir, qu’ « en ce moment, on subit les contrecoups d’une sorte de dépendance au numérique, un univers qu’on embrasse sans mesure et sans contrôle. On finira bien par trouver un équilibre ».
Cet équilibre, il est déjà trouvé d’après un Lucien Cerise qui surenchérit : « l’une des constantes de l’ingénierie sociale, dont le transhumanisme est un volet, est de considérer l’existence entière comme une construction. Tout ce qui est donné, tout ce qui est naturel, peut être déconstruit et reconstruit selon un nouveau plan. Pour le transhumanisme, tout peut donc être transformé et artificialisé sans dommages fondamentaux, bien au contraire, car cela doit permettre de se « libérer » d’une nature humaine jugée encombrante ou trop limitée ».
Voici ce qui illustre à merveille l’approche gnostique et magique de l’imaginaire d’un Enki Bilal pressé d’en finir avec les fondamentaux d’une civilisation occidentale qu’il déteste pour tout dire. L’approche postmoderne de la Kabbale consistant à entrevoir le vocabulaire et la communication sémantique comme autant de clefs opératoires destinées à modifier un « réel » transformable à volonté.
C’est ce qui poussait le dessinateur-magicien Alan Moore à confier sur Youtube : « considérant que l’art et la magie sont des pratiques interchangeables, il semble naturel que la pratique artistique représente un vecteur à travers lequel je suis en mesure d’exprimer des idées magiques ». Ainsi, à force répéter en boucle des prophéties autoréalisatrices – comme le fait si bien l’autre magicien Jacques Attali – le démiurge parvient à prendre le contrôle de l’âme de son public afin d’y insuffler les éléments du rituel convenu. Comme nous l’avions déjà mentionné dans un article précédent, l’acte magique permet d’agir sur les affects des voyeurs et, in extenso, de modifier leur conscience. Tout cela afin de provoquer des changements de comportement qui seraient susceptibles d’aider nos contemporains à atteindre d’autres dimensions en devenant eux-mêmes les acteurs d’une sorte de révolution psychédélique destinée à décomposer « l’ordre du monde ».
La bande dessinée, telle que pratiquée par le magicien Enki, est un puissant filtre qui permet de capter l’œil au moyen de sa graphie imagée et de séduire l’intellect par le détour de scénarios qui tablent sur une modification des affects pour finir par altérer la conscience. C’est ainsi que procèdent les agenturs d’une contre-culture destinée à préparer la voie initiatique des foules : embarquer dans la transe collective d’un Nouvel Âge conçu comme un gigantesque RESET de la mémoire humaine. C’est cela le BOGUE DE L’AN 2000, une panne des affects, le temps que l’esprit de la matière s’infiltre par tous les pores d’une conscience collective dévitalisée parce que dévoyée.
Les critiques auront beau répéter que « sans intelligences artificielles, le matériel médical est défectueux, les transports sont à l’arrêt, les systèmes de surveillance ne fonctionnent plus, et même la mémoire humaine défaille, elle qui s’appuyait en permanence sur un stockage informatique », en saluant la vision « prophétique » d’Enki Bilal, un doute subsiste. Pourquoi l’auteur s’appuie-t-il sur un personnage infesté par une puce numérique au lieu de mettre en scène des résistants qui tableraient sur l’usage de leur propre mémoire afin de réorganiser ce monde en perdition ?
Malgré ses mises en garde concernant nos dépendances aux technologies numériques et aux avatars de la société techniciste, Bilal finit par concéder une victoire en demi-teinte aux dieux du progrès. Ainsi, toujours dans le même entretien accordé au Devoir, il précise qu’on l’associe « beaucoup à la science-fiction, mais dans un monde tel que le nôtre, la science-fiction n’existe plus. Tout ce que j’ai fait, toute ma carrière, c’est représenter la marche du monde avec un léger pas d’avance. Aujourd’hui, la robotique est une réalité et l’utopie transhumaniste gagne du terrain. La science-fiction s’est déplacée dans le réel. Je n’ai pas le choix d’écrire là-dessus ». Toujours ce fameux « coup d’avance » …
Critiquant la technosphère qui a pris en otage notre mémoire, Bilal tente, néanmoins de ne pas brûler tous les ponts avec les sorciers de la Silicon Valley. Ainsi un des personnages du tome 2 de BUG questionne ses vis-à-vis dans une discussion de salon : « Ray Kurzweil est toujours en vie ? » Une des protagonistes qui a l’air d’être passablement jeune nous apprend qu’elle dépend d’un programme de traitements régénérateurs mis au point par ce fameux Ray Kurzweil que le magazine Forbes a déjà comparé à une « machine cérébrale ultime ».
Ailleurs, un conférencier, s’adressant à des victimes d’expérimentations eugénistes, tente de réconforter son auditoire au moyen des perspectives positives du retour de l’homme porteur de ce fameux BUG mnémonique : « Oui, nos chairs sont marquées, nos corps dévastés … cobayes ou aventuriers du transhumanisme, nous payons le prix fort d’une décennie d’expérimentations hasardeuses qu’on nous a, dans la majorité des cas, imposées ! Mais sachez que nous sommes ici pour vous aider à ne pas sombrer, et vous permettre d’attendre, le cœur rempli d’espérance, que le meilleur du monde [allusion au Meilleur des mondes] qui nous a façonnés revienne ! Des médecins, des nanotechnologistes, des eugénistes agréés viendront régulièrement répondre à vos questions, et des traitements de substitution seront proposés … »
« Foutaises ! » hurle un des membres de l’auditoire … et nous serions, pour notre part, tentés de répondre la même chose face à ce scénario bilalien qui nous laisse hésitants et sceptiques en fin de compte.
Nous avons rencontré Enki Bilal à la fin d’une allocution prononcée dans le cadre du dernier Salon du livre de Montréal pour lui poser une toute petite question : « pourquoi cette utilisation récurrente du chaos dans pratiquement tous vos scénarios ? S’agit-il d’un modus operandi de type « Ordo ab Chaos » ? » Manifestement interloqué, il a éludé notre question en se contentant d’ajouter que c’est un joli mot d’ailleurs … les sociétés humaines, depuis qu’elles existent, on réalise que le chaos fait partie du processus de parcours [évolutif des dites sociétés] … ».
C’est bien cette vision de la tabula rasa que nous contestons puisqu’elle correspond à la philosophie illuministe qui est à la base du matérialisme délétère qui sévit au moment de conclure notre récit.
BUG chez Casterman : https://www.casterman.com/Bande-dessinee/Catalogue/albums-bug/bug-2