En commentaire d’une correspondance avec Rice

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En commentaire d’une correspondance avec Rice


14 juin 2003 — Nous avons publié le 12 juin une correspondance du député démocrate US Waxman avec Condoleeza Rice. Nous revenons sur ce texte pour un commentaire rapide, destiné à éclairer un prolongement de la situation politique aux États-Unis.

Cette lettre porte sur un sujet politique d’une très grande importance : les fraudes concernant les motifs de l’attaque contre l’Irak, utilisées par le président des États-Unis. Cette phrase, que nous avons mise en évidence, nous paraît significative par son aspect évidemment explosif : « Why did President Bush cite forged evidence about Iraq's nuclear capabilities in his State of the Union address? »

Le sérieux de ce courrier rend la remarque principale qu’on veut faire d’autant plus significative. L’argument du député Waxman est exclusivement basé sur des articles de journaux (New York Times, Newsweek) et des émissions de télévision (This Week, Meet the Press). Il s’agit, dans une intervention aussi officielle, d’un phénomène très significatif : les sources citées ne sont plus tant des sources officielles, qui sont censées être le principal pourvoyeur d’informations dans le débat constant entre les pouvoirs législatif et exécutif.

On y ajoutera cette nouvelle d’hier, avec un article de Nicholas D. Kristof, chroniqueur du New York Times, et l’une des sources citées dans le courrier du député Waxman. Kristof, sous un titre assez ironique («  Let me give the White House a hand ») reprend certaines réactions officielles suivant certaines publications d’articles ou d’émissions de TV (tout cela, retrouvé dans le courrier de Waxman), pour poursuivre la polémique. Il se met lui-même en avant, toujours avec la même ironie, en même temps qu’il confirme et renforce ses informations et ses accusations contre l’administration :


« Condoleezza Rice was asked on “Meet the Press” on Sunday about a column of mine from May 6 regarding President Bush’s reliance on forged documents to claim that Iraq had sought uranium in Africa. That was not just a case of hyping intelligence, but of asserting something that had already been flatly discredited by an envoy investigating at the behest of the office of Vice President Dick Cheney.

» Ms. Rice acknowledged that the president’s information turned out to be “not credible,” but insisted that the White House hadn’t realized this until after Mr. Bush had cited it in his State of the Union address.

» An administration official tells The Washington Post that Mr. Cheney’s office first learned of its role in the episode by reading that column of mine. Hmm. I have an offer for Mr. Cheney: I’ll tell you everything I know about your activities, if you’ll tell me all you know. »


Ces divers éléments mettent en évidence un fait nouveau à Washington, — un fait nouveau de ces dernières semaines où il est apparu de plus en plus évident qu’il était bien difficile de trouver des WMD en Irak. C’est le recours grandissant dans le débat public, aux informations non officielles, publications dans la presse écrite ou déclarations à la télévision. Même les dirigeants de l’administration, qui ignoraient jusqu’alors superbement les médias, sinon pour leur donner des consignes, ont cette même attitude. Parallèlement, bien sûr, il y a la perception grandissante que les informations officielles ne peuvent plus être considérées comme des références acceptables. Cette nouvelle situation est la conséquence de deux faits, eux-mêmes provoqués par l’après-guerre en Irak et les diverses difficultés qu’on connaît (polémique des WMD en tête).

• D’une part, l’information officielle est complètement discréditée par les récents développements, notamment la question des WMD. Le plus important, c’est la perception que les sources officielles apparaissent comme concurrentes, politisées, orientant leurs informations selon leurs intérêts. Il s’agit de la perte du crédit de sources “publiques” (travaillant pour le bien public), un processus équivalent à leur “privatisation” si l’on veut. Cela correspond par ailleurs fort bien aux orientations de cette administration et à l’organisation du pouvoir aujourd’hui à Washington.

• D’autre part, — ceci expliqué en bonne partie par cela, — la presse commence à retrouver une certaine indépendance. Elle perçoit les difficultés de l’administration, sans doute les plus graves depuis septembre 2001, et le vacillement de son autorité qui en résulte. Elle tend à rechercher une position perdue depuis septembre 2001 et se pose clairement comme alternative aux informations officielles.

La conséquence générale, c’est un affaiblissement du pouvoir fédéral à Washington. Ce pouvoir est déjà divisé en une concurrence de groupes de pression. Le personnage central (le président) est extrêmement faible, malgré l’apparence à laquelle tout le monde sacrifie. Si la situation actuelle s’aggrave, cette faiblesse va apparaître en pleine lumière et alimenter un désordre politique grandissant à Washington.