Eloge de Rohrabacher ?

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Eloge de Rohrabacher ?

Nous avons déjà parlé de Dana Rohrabacher pour le poste de secrétaire d’État de l’administration Trump mais, même si nous le faisions avec une certaine faveur il a certainement été très peu mentionné chez les nombreux experts et connaisseurs de Washington D.C. qui prennent bien l’attention à se recopier les uns les autres comme se reproduisent les lapins... Ainsi, Romney et Petraeus, qui sont des gens sérieux dans le circuit de la presse-Système et des connaisseurs qui vont avec, étaient bien nommés cent fois dans une multitude d’articles alors que Rohrabacher l’était à peine une fois. Il faut dire qu’il s’agit d’un original, assez suspect puisqu’ami des Russes, et l’un des extrêmement rares parlementaires du Congrès à avoir soutenu le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Mais voilà que Rohrabacher réapparaît parmi les possibles secrétaires d’État, et cette fois en tête de liste semble-t-il. Le site Breitbart.News ne manque pas une occasion de publier sur lui, ce qui est une indication sérieuse dans la mesure où le directeur du site, Steve Bannon, est passé à la tête de la campagne Trump puis au poste très influent de conseiller stratégique du président-élu ; les liens restant évidemment constant, il est certain que l’intérêt très particulier de Breitbart.News pour Rohrabacher rencontre l’opinion de Bannon, ce qui constitue un puissant appui pour le parlementaire de la Californie (depuis 1988 à la Chambre). Il y a également, d’une façon extrêmement révélatrice,  ce texte du 6 décembre de Justin Raimondo que nous reproduisons ci-dessous ; Raimondo, chroniqueur principal de Antiwar.com, consacre sa tribune bihebdomadaire à ce seul sujet de Rohrabacher, renvoyant notamment à une nouvelle du Washington Examiner du 3 décembre à ce sujet. Le Washington Examiner est en général bien informé, il annonce effectivement, comme “nouvelle fraîche” (et d’ailleurs jamais évoquée auparavant quant à son contenu), que Rohrabacher est désormais une sorte de “favori”, et cela consolidant le reste.

On ajoutera enfin une appréciation qui va dans le même sens, qui ressort d’une interview de l’ancien diplomate US Jim Jatras, donnée à RT hier ; estimant que la situation syrienne arrive à un tournant avec la conquête d’Alep eh train de s’achever, Jatras observe qu’il faut maintenant une vigoureuse coopération entre les USA, la Russie, Assad, etc. Selon lui, et cela dit en se référant à la bureaucratie du département d’État qu’il juge absolument dévorante si une “personnalité prestigieuse“ (establishment) courante est choisie, seule une personnalité comme Rohrabacher, placé sur la short list des candidats au poste, est capable de se placer dans cette dynamique en raison de ses excellentes relations avec les Russes autant que l'absence de liens avec la bureaucratie du ministère et tous ses divers satellites extérieurs (think tanks, experts, etc). Jatras juge Rohrabacher assez indépendant, avec une opinion qui lui est suffisamment propre, pour avoir le caractère et l’énergie de contrôler et de prendre en main la politique extérieure US, notamment dans l’imbroglio syrien, pour le mener à bon port selon les vœux du président, qui veut absolument « liquider le problème syrien sur la base d’une entente avec les Russes ».

(On émettra tout de même un bémol sur la nouvelle de la position de favori de Rohrabacher, qui tient de la situation souvent très originale que crée la façon dont fonctionne la communication où n’existe plus aucune situation objective mais une bataille de narrative conduisant le commentateur à une constante bataille pour déterminer des vérité-de-situation. La nouvelle référencée annonce bien la position de Rohrabacher mais précise que ce qui semble une alternative est considérée : Rohrabacher avec John Bolton comme n°2 au département d’État, ou bien même Bolton comme secrétaire d’État [avec Rohrabacher comme n°2 ?] : « The Trump cabinet executive committee is also eyeing long-time Republican diplomat John Bolton as deputy secretary of State, though there are some who prefer him in the top job. » Ces vaticinations qui remettraient Bolton en piste, plus au moins en équipe avec Rohrabacher, relèvent effectivement d’une sorte de surréalisme pur si l’on considère la chose en tant que telle, – ou alors il s’agirait d’une construction extrêmement originale jusqu’à l’aventurismen de la part de The-Donald ou de l'imagination de tel ou tel journaliste, tant on peut difficilement imaginer d’orientations plus différentes que celles de ces deux personnages sur le point essentiel des relations avec la Russie. On en restera là pour cet aparté, qui se réfère à trop de variables mais permet bien d’apprécier combien la communication autour de l’équipe Trump est l’objet d’incertitudes et d’interférences remarquables, – tout en rappelant néanmoins qu’un Bolton-secrétaire d’État reste une option très aventureuse du fait de l’opposition affirmée du sénateur Rand Paul à sa nomination.)

Quels sont les traits de caractère principaux de Rohrabacher ? Il est indiscutablement un original, une personnalité qui détonne parmi le format-standard des politiciens et diplomates-Système, et cela constitue un aspect important. (Raimondo donne un rapide aperçu de sa carrière autant que de ses activités avant d’aller au Congrès qui permettent effectivement de faire de lui un “original”.) De ce point de vue du caractère, il se rapproche indiscutablement d’un Trump et entre dans une galerie de personnages originaux ou atypiques qui va bien avec l’image qu’on a de Trump. D’un autre point de vue, celui de ses options politiques, il en est également assez proche, et l’on rencontre chez lui les mêmes tendances à la fois “libératrices“, à la fois “obsessionnelles“ qu’on trouve chez Trump : sa politique extrêmement pro-russe et son obsession antichinoise et anti-iranienne. Rohrabacher est notamment, et très originalement, partisan d’une “alliancd” entre l’Inde, le Japon, la Russie et les USA, face à la Chine et pour contenir la Chine. La démarche ne manque ni du piquant ni d’originalité, dans les circonstances générales qu’on connaît. Également, il y a son hostilité à l’Iran, qui semble un tic obsessionnel courant chez les “trumpistes”, même chez ceux qui ont la meilleure politique étrangère possible dans d’autres domaines... On verra ce qu’il restera de cette obsession lorsqu’on entrera dans le vif du sujet de la politique étrangère libérée des actuels freins de l’imbroglio intérieur. D'une façon plus générale Rohrabacher est opposé à la politique de regime change, ce qui rencontre deux nouvelles réaffirmations publiques récente de Trump dans ce sens, le 2 décembre et le 7 décembre (à Fayetville), lors de sa “tournée de remerciements” au travers des USA.

Quoi qu’il en soit de toutes ces observations de politique, et dans la mesure où cette réflexion jusqu’ici peut s’avérer instantanément sans réelle raison d’être si tout à l’heure dans cette journée du 8 décembre, un autre que Rohrabacher était désigné, il reste un enseignement général qui n’est pas sans importance. S’il est désigné à ce poste d’un prestige si grand, sans nul doute le premier poste de prestige d’une administration (d’où son titre : secrétariat d’État et non secrétariat des affaires étrangères ou des relations extérieures), Rohrabacher sera, de loin, par son passé, par ses prises de position, par son image très particulière, par son isolement à la Chambre en raison de ses votes si inhabituels, de sa personnalité si en-dehors des normes washingtoniennes, un symbole très puissant d’une administration qui veut sembler rompre les ponts avec l’establishment. En la matière, c’est-à-dire en termes de communication et de symbolisme il constituera une rupture complète avec la pseudo-“tradition”de l’establishment.

En effet, aucun secrétaire d’État ne sortirait aussi complètement des sentiers battus des universités habituelles, des associations qui vont bien (en général globalistes) des fonctions d’expert, de diplomate officieux proches des directions-Système, des grands cercles d’affaire ou des banquiers de Wall Street, qui ont constitué jusqu’ici le troupeau inévitable du recrutement des secrétaire d’État. (D’ailleurs, avec d’excellents jusqu’à d’exécrables, les Marshall, Acheson, Dulles, Rusk, Rogers, Kissinger, Vance, Schultz, Baker, Albright, Powell, Rice, Clinton, Kerry...) Rien que pour cette raison, The-Donald devrait y penser, nous l’y engageons fermement (et, selon nos vœux secrets, il devrait lui adjoindre au poste n°2, notre favorite Gabbard). S’il fait cela, il sera beaucoup pardonné à Trump par ailleurs... S’il le fait...

Bref, tout cela ne garantirait en rien de ce que qu’accomplirait Rohrabacher s’il était nommé, mais sa nomination elle-même serait certtanement un acte politique intéressant, qui aurait une réelle résonnance. Ci-dessous, voici donc le texte de Justin Raimondo du 6 décembre, sur antiwar.com.

dedefensa.org

(Mis en ligne le 8 décembre 2016 à 11H58)

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Dana Rohrabacher for Secretary of State?

President-elect Donald Trump’s cabinet picks continue to be the focus of those looking for portents of what is to come, and the main source of speculation is over the position of Secretary of State. After giving Trump supporters quite a scare with indications that he just might pick none other than Mitt Romney, it looks like the subsequent outcry – including from campaign manager Kellyanne Conway, who went public with her opposition – deterred Trump, and it’s rumored that Rep. Dana Rohrabacher is now favored to win the prize. (Although don’t bet the farm on it.)

Rumor also has it that Rohrabacher was offered the deputy Secretary of State position, with the odious John Bolton in the top position, but that Dana refused on the grounds that Bolton’s foreign policy views are in many ways the exact opposite of Trump’s (and his own).

Rohrabacher’s political career is really quite a story. Here is someone who went from being a follower of Bob LeFevre, a pacifist libertarian, to a militant Reaganite who championed the cause of the Afghan mujahideen during the 1980s. As a young libertarian, he was a kind of troubadour, who took his guitar and his ultra-sectarian brand of libertarianism all across California, carrying the LeFevrian message of “autarchy” (i.e. market anarchism mixed with intransigent pacifism) to all who would listen. (Another disciple of LeFevre around this time was Charles Koch.)

A founder of one of the earliest libertarian organizations that fueled the growth of the libertarian movement in the 1960s, the California Libertarian Alliance, Rohrabacher was a veteran of the internecine wars on the right that sundered Young Americans for Freedom (YAF), the conservative youth group, into libertarian and Buckleyite factions. Rohrabacher was a leading light of YAF’s Libertarian Caucus, along with his good friend, Don Ernsberger. Ernsberger, who was for years a member of the Libertarian Party National Committee, went on to become Rohrabacher’s deputy chief of staff in Congress. But before making it to Washington as a legislator, Rohrabaher worked in the media relations office of Reagan’s 1976 campaign, and then in the press office of the Reagan White House, where he became a speechwriter for the President. The speech in which Reagan announced his “Reagan Doctrine” is attributed to him.

After two failed attempts to get elected to Congress, he finally made it in 1988. and he has represented California’s 48th district (Orange County) ever since. He serves on the Foreign Affairs and the Space and Technology Committees, and his notable positions have been his advocacy of US withdrawal from Afghanistan, a vote against the 2012 Defense Authorization Act on the grounds that it gave the government the power to detain Americans as well as non-citizens indefinitely, and a vote for the Iraq war which he later came to regret as a “mistake.”

Eccentric, eclectic, and high energy, Rohrabacher, who supported Ted Cruz in the GOP primaries, has a Trumpian air about him: this is someone who personally traveled to Afghanistan during the 1980s to stand with the Afghan rebels, and his “regular guy” persona limns Trump’s to a great degree. Their foreign policy views are certainly simpatico: like Trump, Rohrabacher wonders aloud why the media and the political class have gone on an anti-Russian jihad. For this he has been excoriated by Politico, and the usual neocon warmongers. He supports the right of the Crimean people to determine their own fate – a position that puts him at odds with the vocal Ukrainian lobby – and he has correctly said that the Russo-Georgian war was started by Georgian strongman Mikhail Saakashvili. “The cold war is over,” he has said. “Putin is not Satan.”

If he is nominated, Rohrabacher will run into the Senate’s vocal Russophobes, which now includes all the Democrats as well as a small but intense group of Republicans like John McCain and Lindsey Graham – not coincidentally, two of the loudest NeverTrumpers in Washington.

Rohrabacher’s foreign policy views have changed since the heyday of Reaganism, when he was a vocal advocate of US intervention in the name of exporting “freedom.” Today he is, roughly, a hard-headed “realist,” in the sense that foreign policy maven John Mearsheimer is: the US faces no real threats from either Russia or the Middle East and should downsize its activities in Europe and the Mediterranean and forge an alliance with Russia, India, and Japan to maintain the peace.

From a noninterventionist perspective, Rohrabacher is the best choice of those reportedly in the running, with this caveat: “realism” is not the same as non-interventionism. It depends on the context. In the present context – escalating tensions with Russia, deepening US involvement in Iraq and Syria, and the hegemonic pretensions of our political class – they are our allies. However, they are what I would call “Asialationists,” i.e. they, like Mearsheimer, see China as a rising threat, and their proposed “pivot” to Asia – which was announced but never really implemented by the Obama administration – spells possible trouble ahead.

Which just goes to show that our job, as opponents of empire, is never really done. Antiwar.com is more necessary than ever. Don’t be lulled by Donald Trump’s promises to stop engaging in what he calls “unnecessary wars” – because eventually we’re bound to confront a situation where war in some foreign hellhole is supposedly “necessary.” Just the other day, Trump made a speech in Ohio, where he said:

“We will pursue a new foreign policy that finally learns from the mistakes of the past. We will stop looking to topple regimes and overthrow governments. Our goal is stability not chaos. In our dealings with other countries we will seek shared interests wherever possible and pursue a new era of peace, understanding, and good will.”

Sounds good, but as another US President whose election augured a new era put it: Trust, but verify.

Justin Raimondo