Des Habsbourg aux Windsor

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Des Habsbourg aux Windsor

Martin Sieff, grand journaliste aux USA (agence UPI) avant de “passer à la dissidence”, trace un parallèle saisissant entre deux grandes familles royales et impériales, leurs deux empires et leurs sorts fatals : les Habsbourg d’Autriche-Hongrie et les Windsor du Royaume-Uni. En effet, il ne fait aucun doute pour Sieff que le “coup d’État” de “BoJo”-Boris Johnson (suspension du Parlement jusqu’au 16 octobre) est la décision spectaculaire qui scelle le sort tragique de l’effondrement britannique en cours depuis le vote du Brexit et ce qui a suivi. L’appréciation de Sieff n’est pas tant d’être “pro” ou “anti” Brexit, mais d’apprécier combien cet événement jusqu’au coup d’éclat de “BoJo” a été le choc qui a précipité la  chute de cette « élégante vieille maison gothique charpentée de bois précieux qui a été minée par des termites pendant des générations » sans que nul ne s’en avise.

Il s’agit moins d’un jugement politique, ou même d’une prévision métapolitique, que d’une vision analogique rapprochant ces deux destins tragiques au travers d’une succession de coups du sort et de la pression d’un destin fatal. Il est vrai que Sieff sait trouver les événements qui justifient cette analogie, jusqu’à cette étonnant coïncidence du règne de François-Joseph jusqu’à la chute de l’Empire, durant 68 ans, ce qui est le plus long règne de notre histoire commune, en passe d’être rejoint par Elizabeth II dont le règne entre dans sa 68èmeannée.

Ce travail d’historien prophétique, se nourrissant de perceptions et d’intuitions rencontre cette espèce de sensation que nombre d’entre nous ressentons, de l’épuisement vital du Royaume-Unis, un peu à l’image de cette Reine à la fois magnifique et surannée, dont on découvre qu’elle est nonagénaire et qu’elle vit une longue décadence depuis cette année 1992 qu’elle qualifia d’Annus horribilis dans son discours du 24 novembre 1992.

Le texte de Martin Sieff a été publié sur le site Strategic-Culture.orgle 30 août 2019.

dde.org

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Les Windsor et le sort des Habsbourg

Une fière dynastie impériale a dominé un continent entier pendant un demi-siècle. Même lorsqu’elle a été contrainte d’abandonner son rôle mondial, elle demeura l’esprit et l’âme d’un immense empire central en Europe. Sa capitale est devenue un mythe avec sa culture irradiante, son théâtre sans égal, sa musique extraordinaire qui a envoûté le monde entier. En complet contraste avec son passé impérial, elle se glorifiait d'être devenue un exemple de tolérance et de diversité pour le monde entier.

Et puis, soudainement, sans signe prémonitoire, tout a mal tourné. Le grand empire s'est effondré, ne laissant qu'un petit lambeau de territoire isolé, dominé par une immense et si fière ville impériale qui ne pouvait même plus se nourrir, et encore moins assurer sa subsistance économique. La famille impériale fière et digne de l'empire avait été impliquée dans une suite de scandales sordides, bizarres et finalement tragiques.

S'agit-il de l'histoire du légendaire Empire des Habsbourg d'Autriche-Hongrie au cours du demi-siècle jusqu’à sa dissolution à l’issue de la Première Guerre mondiale ? Bien sûr. Et c’est exactement le même sort terrible qui s’abat aujourd'hui sur le Royaume-Uni.

Le Royaume-Uni n'a jamais été conquis et occupé par aucune puissance étrangère depuis 950 ans, soit depuis 1066. Elle n'a subi aucune révolution ni guerre civile depuis les années 1640, il y a plus d'un tiers de millénaire.

Pourtant, soudainement, à la suite de sa décision tout juste majoritaire en 2016 (52 pour cent contre 48 pour cent) de quitter l'Union européenne, le Royaume-Uni s'effondre de toutes parts. On dirait que s’écroule brusquement une élégante vieille maison gothique charpentée de bois précieux qui a été minée par des termites pendant des générations, – mais personne ne s'en était aperçu.

En même temps, la famille royale britannique, depuis des centaines d'années l'incarnation de la dignité publique, du décorum et du bon sens discret (du moins apparaissaient-ils ainsi) est devenue la proie de l’avidité des tabloïds à scandale. Chaque faux pas, chaque embarras et chaque scandale est instantanément présenté avec fracas à une audience mondiale de milliards de personnes avides de sensations morbides.

La fière dynastie britannique des Windsor est-elle sur le point de suivre la voie des Habsbourg d'Autriche ? C’est exactement le cas. A cause de l’échec que marque la crise du Brexit, le Royaume-Uni est sur le point de se désintégrer, l'Écosse et l'Irlande du Nord empruntant des chemins différents et laissant la Petite Angleterre isolée, confuse et en crise économique, tout comme l'Autriche dans les années 1920.

Les parallèles entre les Royalsbritanniques et leurs malheureux prédécesseurs Habsbourg sont troublants. Le désordre qui s’étend est encore présidé par une souveraine incroyablement âgée, élevée dans un monde oublié et disparu depuis longtemps, universellement respectée pour sa probité et sa dignité mais qui ne semble généralement pas avoir la moindre idée de ce qui se passe autour d’elle.

Pour les Habsbourg, c'était l'empereur François-Joseph, – toujours vénéré à Vienne aujourd'hui. Il régna pendant 68 ans, ce qui demeure le plus long règne de l'histoire de tous les monarques depuis Pépi II de la sixième dynastie de l'Égypte ancienne.

Et aujourd'hui, la reine Elizabeth II en est aussi à sa 68e année de règne et elle demeure presque universellement vénérée.

Comme François-Joseph, la Reine n’est pas épargnée par les déchirements, les humiliations personnelles et les scandales. Sa belle-fille, la princesse Diana, est devenue une icône charismatique et romantique qui a envoûté le monde entier comme personne ne l’avait fait depuis Marilyn Monroe, et elle a divorcé de son mari héritier sans doute privé du trône, le prince Charles. Puis elle est morte tragiquement dans un accident de voiture dans un tunnel parisien. Les rumeurs de conspiration et d'assassinat secret bourdonnent toujours autour de cette mort.

Le prince héritier Rudolph, le fils unique de François-Joseph, libéral, réformateur et très aimé du peuple, mourut aussi violemment, apparemment par suicide à 30 ans avec sa maîtresse encore adolescente, la baronne Mary Vatsera, dans le pavillon de chasse de Meyerling en 1889. Ce n’était un secret pour personne que François-Joseph et Rudolph se détestaient et que la mort du jeune couple a été l’objet du soupçon de meurtre parce que le fils était déterminé à accorder la pleine indépendance à la Hongrie dès son accession au trône.

La mère de Rudolph, l'impératrice Élisabeth (“Sisi”), extraordinairement belle et accomplie mais également instable, connut également une fin violente. Elle fut poignardée à mort par un anarchiste sur le bord du lac à Genève, en Suisse, en 1898.

Le sombre destin des Habsbourg ne relâcha point son emprise. Plus tard héritier du trône, l'archiduc François-Ferdinand et son épouse bien-aimée Sophie furent abattus par un terroriste serbe dans la ville de Sarajevo, en juin 1914. Les derniers mots de l'archiduc furent « Sophie ! Sophie ! Ne mourrez pas ! Vivez pour nos enfants ! » C'est cet attentat qui a amené l’ancien empire à enclencher le mécanisme vers la Première Guerre mondiale, au cours de laquelle il fut complètement détruit.

Sombre ironie, François-Ferdinand avait prévu la guerre et son issue. Depuis 1912, il s'était battu pour empêcher le chef d'état-major de l'armée impériale, le maréchal Franz Conrad von Hotzendorf, amoureux de la guerre et criminellement incompétent, de la susciter et de la provoquer.

S'il y a un Conrad von Hotzendorf qui hante aujourd’hui les couloirs du Palais de Buckingham, la résidence principale de la dynastie des Windsor, c'est le nouveau Premier ministre Boris “BoJo” Johnson, un autre bouffon incompétent et avide de pouvoir qui rêve de devenir le second Oliver Cromwell d'Angleterre (un seul, c’était déjà trop).

Le mercredi 28 août, en suspendant le Parlement Johnson a prévalu sur tout ce que représente la vieille reine Elizabeth. Il a liquidé près de 360 ans de règne constitutionnel en Angleterre depuis la restauration de la monarchie en 1660 après la mort de Cromwell et il a fait de la reine la complice de son forfait.

La fin de la monarchie et l'effondrement final du Royaume-Uni sont maintenant certains. Cela viendra vite.

Martin Sieff

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