Démonstration de puissance à Haïti

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Démonstration de puissance à Haïti

Avec la catastrophe de Haïti, les américains ont clairement vu l'occasion de monter une formidable opération de communication. La machine à storytelling a enfin quelque chose à se mettre sous la dent : une mise en scène où l'on va assister au retour de la formidable Amérique bienveillante, dont la puissance exceptionnelle est la seule qui puisse assurer la protection et le bonheur de l'univers, capacité qui montre bien à quel point cette puissance est justifiée et nécessaire, quoi qu'en disent les jaloux et les mauvais esprits (suivez mon regard !).

Seulement, il va falloir bien calibrer le timing et le déroulement de l'intervention, car pour réussir le show, le choix d'un bon scénario est impératif. Les moyens démesurés affichés et l'ampleur de la démonstration, transformant la nature et l'enjeu de l'opération.

Scénario 1 : Une opération de courte durée, dimensionnée juste ce qu'il faut pour être en phase avec la durée de l'émotion planétaire (deux ou trois semaines). Elle se conclue par l'arrivée d'Obama en bras de chemise qui vient prendre un bain de foule et serrer les mains d'une population éperdue de reconnaissance. En arrière plan, on voit Brad Pitt et Angelina Jolie distribuer des biscuits et Madonna serrer des enfants contre son cœur avant d'en adopter deux ou trois. Le tout sous le regard, certes rude mais bon enfant, des GI's. Puis on assiste au décollage d'Air force One dans le soleil couchant et pour finir, fondu enchaîné sur une scène où l'on voit un petit Haïtien assis dans l'avion entre Obama et Angelina, qui, elle, en a adopté quatre, pour faire mieux que Madonna. Sur place on laissera deux détachements de soldats pour sécuriser l'aéroport, c'est à dire limiter l'accès aux chaines de TV de ROW qui pourraient avoir l'idée saugrenue de raconter une autre histoire.

Scénario 2 : Dans une sorte d'inconscience sur leurs capacités, ou de lourdeurs et de loupés dans la logistique, les américains ne savent pas s'arrêter et se replier à temps. Leur intervention s'éternise. Dés lors, ils vont devoir faire face au chaos qui envahit le pays. Il va alors falloir commencer à mettre en place des structures sur le long terme, seules à même de véritablement aider ces gens, organiser, prévoir, bref restaurer un Etat (quelle horreur !). C'est à dire précisément ce qu'ils ne veulent pas (ne savent plus ?) faire. Le résultat, après des débuts semblant prometteurs, finit par tourner rapidement au cauchemar, les scènes de pillage se succèdent, avec des accrochages entre la population et les soldats US qui perdent leur sang froid. On en vient à faire intervenir les forces aériennes, “obligées” de procéder à des frappes chirurgicales de grandes ampleurs sur les pillards (à moins qu'il ne s'agisse de mariages et de fêtes villageoises, car voyez vous, à cette altitude on ne distingue pas très bien ….).

Bon, laissons là le mauvais esprit ! Malgré l'opportunité que semble vouloir saisir l'administration américaine, faire l'étalage de sa puissance bienveillante, afin de restaurer le mythe que tous les orphelins du rêve américain attendent, le risque d'arriver au résultat exactement opposé est bien réel, précisément en raison de l'ambition disproportionnée affichée. On assisterait alors une fois de plus, après l'Irak et l'Afghanistan, au spectacle de l'impuissance américaine, voire occidentale, et de son incapacité à assurer le moindre rôle constructif, même animée par les meilleures intentions. Il ne restera plus alors qu'à espérer que les journalistes et les chaines de TV soient passés à autre chose à ce moment là, ou arriver à faire passer l'idée que finalement, les Haïtiens ne méritent pas tout ce qu'on a fait pour eux...

Coli