“Déclarer la guerre” à Silicon Valley

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“Déclarer la guerre” à Silicon Valley 

Hier, dans l’après-midi, on pouvait lire sur la page d’accueil de ZeroHedge.comces deux titres successifs (ensuite, l’ordre a été chamboulé depuis, le site ayant l’habitude d’ajuster le classement de ses nouvelles “du-jour” par ordre d’importance selon son jugement, à mesure qu’elles arrivent) : 

• « Trump Declares War On Silicon Valley : DoJ Launches Google Anti-Monopoly Probe. »

• « Trump Declares Trade War On India, Imposes New Tariffs »

Inutile de traduire, n’est-ce pas, l’essentiel étant bien entendu cette idée que Trump est cet homme qui ne cesse de “déclarer la guerre”, dans tous les domaines possibles, – en général, sauf le militaire, ce qui implique que sa folie s’appuie sur un reste de bon sens du jugement… 

(Ainsi, il y a trois jours, le 30 mai, Trump avait-il “déclaré la guerre” au Mexique en imposant les marchandises importées de 10% à 25% de droits de douane durant les mois qui viennent jusqu’à octobre, si le gouvernement mexicain ne stoppe pas l’immigration illégale de Mexicains vers les USA, à lui de se déborouiller sur les moyens. A partir du 1eroctobre, selon cette annonce, les 25% de droits de douane en plus resteront appliqués en permanence si rien ne change dans l’immigration illégale : où l’on voit que le président-businessman ne pense pas du tout à utiliser les forces armées US déjà rassemblées, par exemple pour une incursion au Mexique comme firent certains de ses prédécesseurs, sans l’ombre d’une hésitation : sa guerre est faites au moyen d’armes économiques et financières, et aussi juridiques, selon son réflexe naturel, mais dans un domaine si large et de façons si diverses pour des manœuvres offensives, sinon de conquête, que l’on parle de “weaponisation, – intraduisible d’une manière satisfaisante, à partir du mot “weapon” pour armements, – de tous les moyens actifs d’agression et de conquête, économiques, financiers, juridiques, communication bien entendu, etc., – sauf le militaire, comme noté, dont il se sert essentiellement comme moyen de communication…)

Voilà pour la méthode… Maintenant pour le sens : il n’est nullement dit que cette méthodologie vaille seulement pour la conquête du monde (!), comme nous nous en plaignons souvent. Comme on a vu plus haut, cela vaut également pour l’intérieur, et, pour ce cas, d’une façon extrêmement intéressante, qui doit satisfaire l’antiSystème qui passe par l’opposition frontale au système de l’américanisme. Nous voulons parler ici de l’attaque antitrust lancé contre les majors de l’industrie de l’électronique numérique de communication, le bastion d’hyperpuissance baptisé Silicon Valley. L’attaque lancée vendredi est particulièrement importante car elle s’appuie sur un des plus grands, – non, sur le plus grand sujet de discorde (il y en a si peu, profitons-en) entre le pouvoir politique et le Corporate Power aux USA : la bataille contre le monopole, entamée dans les années 1870, sous la présidence Grant, avec les premières loi antitrusts. C’est vendredi peu avant minuit (hier matin pour nous) qu’a été officiellement déclenchée la bataille, – « Trump Declares War On Silicon Valley : DoJ Launches Google Anti-Monopoly Probe. » Voyons ce qu’il nous en est dit, avec deux extraits du texte de ZeroHedge.com, dont une reprise d’un extrait du Wall Street Journal, qui a lancé la bombe de l’annonce de l’offensive du DoJ.

« Autrefois protégés par la logique de l'implacable vague d'innovation de la “Silicon Valley”, – qui édictait qu'aucun empire technologique régnant ne pourrait régner longtemps s’il ne suivait la voie de Yahoo et AOL, – des géants technologiques comme Facebook, Amazon et Google ont été soumis depuis quelques temps à des pressions antitrust de plus en plus fortes , – le panneau de campagne (présidentielles USA-2020) d’Elizabeth Warren “Break up Big Tech” (“Brisons les géants technologiques”) en est le dernier exemple. En effet, la mise en cause de la confiance de l’industrie de la très haute technologie de communication est devenue l’un des très, très rares consensus à Washington, où un accord bipartisan existe à cet égard.
» Depuis que l'administration Trump a pris le pouvoir il y a deux ans malgré l'opposition à peine voilée de “Silicon Valley”, – comme il a été révélé plus tard, “Silicon Valley” a effectivement conspiré avec la campagne Clinton contre Trump, – le tambour de de la puissante menace antitrust n’a cessé de gronder, facilité par les propres soupçons exprimés publiquement par le président.
» Vendredi, la digue a finalement cédé.
» Vendredi, juste avant minuit, à la fin d'un mois mouvementé pour les marchés, le Wall Street Journal a lancé une bombe : WSJ rapporte que le DoJ [ministère de la Justice]a ouvert une enquête antitrust sur Alphabet Inc. qui pourrait “présenter une obligation d’un examen antitrust réglementaire pour le géant de la recherche, selon des gens familiers de la question”. Le rapport s'adressait à des “personnes au courant de la question” de la démarche”, mais il a été rapidement corroboré par le New York Times, Bloomberg et d'autres.
[…]
» Notre meilleur modèle en matière de régulation antitrust du domaine, c’est 'antitrust technologique c’est la stratégie anti-regroupement du ministère de la Justice contre Microsoft dans les années 1990, qui soutenait que Microsoft utilisait son contrôle sur le marché des PC pour forcer les systèmes d'exploitation et les navigateurs concurrents à suivre sa ligne. Si l’on veut un équivalent contemporain, Google fait l’affaire. Dans ses bons jours, Google (ou Alphabet, si vous préférez) est l'entreprise la plus précieuse au monde en termes de capitalisation boursière, avec des dizaines de produits différents soutenus par un réseau publicitaire complet. Google a également des ennemis clairs et engagés, avec Microsoft, Oracle, Yelp, et même la Motion Picture Association of America qui réclame des restrictions sur le pouvoir de l'entreprise.
» Selon Matthew Stoller d'Open Markets, le meilleur remède à long terme pour entraver la domination de Google est davantage lié aux acquisitions de Google. “Si vous êtes à la recherche d'une solution miracle, la meilleure chose à faire serait probablement d'empêcher Google de pouvoir acheter n'importe quelle entreprise”, explique M. Stoller. “C’est le cas où une entreprise trouve soudain en position de concurrence avec Google, et alors de cette façon Google ne peux pas racheter cettte entreprise.”
» Cela peut sembler banal comparé aux amendes en $milliards infligées en Europe mais cela va droit au cœur de l'organisation de Google. Depuis sa création, la société a acquis plus de 200 sociétés type-startups, dont des produits centraux tels que YouTube, Android et DoubleClick. La structure modulaire de l'entreprise est sans doute le résultat direct de cette frénésie d'achats, et il est difficile d'imaginer à quoi ressemblerait Google sans elle. Des achats plus récents comme Nest ont été regroupées vers Alphabet, mais la stratégie de base n'a pas changé. Google serait-il toujours un géant de l'IA s'il n'avait pas acheté DeepMind ? Peut-être mais tout le monde aurait dû travailler comme des fous.
»Mieux encore, les militants antimonopole auraient un tas de moyens différents de bloquer ces acquisitions. La division antitrust du ministère de la Justice n'a pas contesté les acquisitions de Google jusqu'à présent, mais elle pourrait tchanger son approche. La proposition la plus radicale vient du Congrès, où la sénatrice Amy Klobuchar (D-MN) a présenté un projet de loi qui interdirait carrément les acquisitions par toute société dont la capitalisation boursière est supérieure à 100 milliards de dollars. (Vendredi, Google était cotée à $840 milliards.) »

Il est évident que ce chapitre, s’il se confirme, est d’une singulière importance : la bataille anti-monopolistique a toujours été, aux USA, féroce et nullement feinte. Nous parlions plus haut du “plus grand sujet de discorde entre le pouvoir politique et le Corporate Power”, mais ce n’est pas tout à fait juste. Si les géants de Silicon Valley représentent évidemment ce “pouvoir des entreprises”, les sociétés qu’ils dévorent grâce à leur puissance, comme le fait Google, sont également partie prenante de ce pouvoir, et elles doivent être défendues contre les monstres qui les attaquent à coup de dizaines de $milliards.

Pour cette raison, la bataille antitrust, si elle a une importance considérable pour les antiSystème dans la mesure où elle met en cause le pouvoir des géants du numérique, a également une importance considérable pour la cohérence interne du Système, surtout dans la période de crise qu’est l’actuelle, lorsque Système se contredit lui-même d’une manière foudroyante, à cause de sa propre puissance, – lorsqu’il s’autodétruit en dévorant ses propres créatures en devenir de puissance (les “géants de demain”), du fait de l’appétit féroce, de la surpuissance de ses géants d’aujourd’hui.

Bien entendu, dans cette bataille-là, s’il la déclenche effectivement, Trump pose à nouveau une autre contradiction politique qui fait partie du désordre qu’il alimente, en se retrouvant au côté d’une Elizabeth Warren, sénatrice démocrate prétendant à la nomination USA-2020, et qui s’affiche volontiers, outre sa goutte de sang cheyenne (1/96èmeparaît-il) pour bien figurer dans la diversité, comme étant de cette tendance “socialisante” (infamie de communication, dénoncerait fort justement WSWS.org, mais ce qui nous importe est ce côte-à-côté Trump-Warren) que Trump hait avec une constance remarquable. Cette contradiction politique, et le désordre avec, se poursuivent avec la position des géants de Silicon Valley qui ont été les meilleurs alliés des démocrates lors de la campagne USA-2016, qui s’affichent tous progressistes-sociétaux, donc complètement de la tendance Système qui ravit les salons parisiens : ce sont donc eux qu’attaquent la démocrate-socialiste Warren, et sans doute les jeunes femmes gauchisantes de la nouvelle gauche démocrate, telles AOC Ert Ilhan Omar, eux qui n’ont cessé de les soutenir au nom de leur commun combat gauchisant/LGTBQ/etc. ?

Mais qu’importe, tout cela, au président Donald Trump ? Ce qui lui importe, c’est de “déclarer la guerre”, de “partir en guerre”, à la façon d’un vrai capitaliste,c’est-à-dire en ennemi de la paix et en amoureux des conquêtes, de toutes les conquêtes, armé de dollars, de pressions économiques, de roueries juridiques, de moyens de corruption et de coercitions, de l’emploi cynique de l’illégalité, de la croyance complètement magique et religieuse dans la Force, c’est-à-dire le règne de la quantité et le dollar. C’est-à-dire que chaque mois, chaque semaine, chaque jour qui passent nous confirment que Trump est bien un “tourbillon crisique” comme nous le disions dès le 24 janvier 2017, trois jours après qu’il se soit installé à la Maison-Blanche

« Car Trump n’est rien d’autre qu’un “tourbillon crisique”, un de ces monstres sortis des ors et des paillettes de la postmodernité pour mieux étaler, par la représentation qu’il en fait à la manière d’un saltimbanque de génie, toutes les contradictions, apories, dissonances, antilogies, antinomies, paradoxes, absurdités, non-sens, contrepieds et j’en passe autant qu’il vous plaira, que le Système a installés comme autant de crises tourbillonnant vers un trou noir dans l’univers soumis à ses lois, par simple besoin de satisfaire à sa seule logique qui est celle de l’enchaînement déstructuration-dissolution-entropisation. Il devrait y avoir certes nombre de ces “monstres” en attente, mais lui seul, avec son génie-saltimbanque, il a réussi à occuper le devant de la scène pour énoncer ses propres exigences et leurs nécessités sans souci de la moindre cohérence, ni de la dévastation qui s’ensuit pour la logique régnante qui est celle du Système. Il nous place tous, – y compris lui-même mais si peu lui importe, – devant nos propres inconséquences et irresponsabilités. »

 

Mis en ligne le 2 juin 2019 à 12H41