De l’État-civilisation(nel)

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De l’État-civilisation(nel)

• En même temps que se poursuivent les terribles événements qui secouent notre époque dont on comprend qu’elle est manifestement celle de la Fin des Temps, des conceptions et des concepts apparaissent, comme autant de propositions pour s’insérer dans l’œuvre de reconstruction qui doit suivre l’effondrement total de la modernité. • Voici donc le concept de “l’État-civilisation”, ou “État-civilisationnel” (inutile de s’attarder aux nuances qui les différencient, l’essentiel est l’élan qui les rassemble). • Ukrisis n’est pas totalement inutile.  

Un concept commence à émerger dans la sphère de communication politique et publique : “l’État-civilisation”, ou “État-civilisationnel”. Il est grand temps de s’y intéresser parce qu’il s’agit d’un concept promis à jouer un rôle central dans ce qui est décrit d’une façon un peu trop théorique comme la “multipolarité”. C’est évidemment parce que, à côté de ses missiles et de ses ressources minières, La Russie est manifestement l’un des premiers et l’un des plus purs “État-civilisationnel” que l’elle joue un rôle aussi important dans la crise générale.

D’un autre point de vue, plus métahistorique, nous dirions que ce concept d’“État-civilisationnel” devrait jouer un grand rôle après que nous ayons atteint et dépassé la stade ultime de la GrandeCrise qui n’est rien d’autre que ce que Guénon nous annonce concernant la fin du cycle du ‘Yuga’, dans sa quatrième et ultime phase du ‘Kali Yuga’, et qui est ainsi résumé :

« Ce que nous dit Guénon et ce que nous disent les doctrines métaphysiques de la Tradition, c’est que l’humanité aussi obéit à des cycles [comme ceux que l’on observe dans la mécanique et la cosmologie de l’univers], que la mentalité et la manière d’être des êtres humains obéissent également à ces cycles, et que donc les événements qui se produisent sur terre doivent d’abord être compris comme des indicateurs de notre position dans le cycle, et qu’actuellement nous sommes à la fin d’un cycle... »

Par conséquent, on peut estimer que, si nous revenons à des concepts simplement historiques qui sont le soubassement de la métahistoire et lui sont directement liés actuellement, le concept de l’“État-civilisationnel” est une référence majeure pour caractériser le changement d’époque que nous vivons actuellement, au travers de la guerre en Ukraine et de tous ses effets et conséquences (notamment économiques et politiques) que nous sommes en train de vivre. Il est à noter que Poutine, dans ses récents discours, parle directement d’une civilisation russe, donc employant implicitement mais avec force le concept d’“État-civilisation” ou “État-civilisationnel”.

Dans son éditorial du dernier numéro d’‘éléments’ (septembre  2022), Alain de Benoist développe ce thème. Il donne d’abord une rapide chronologie de la naissance et de l’évolution intellectuelle du concept qui est tout à fait récent puisque né immédiatement après la fin de la Guerre Froide, – et bien qu’il soit d’abord un renouvellement de conceptions anciennes que les événements conduisant à notre GrandeCrise nous invitent à revisiter :

« La notion d’“État-civilisationnel”  (‘civilisation state’)est apparue dans les années 1990. Elle a ensuite fait l’objet de travaux importants, notamment ceux de Martin Jacques, professeur à la London School of Economics and Political Science (‘When Chine Rules the Wolds’, 2000), du Portugais Bruno Barçaes, ancien Secrétaire d’État pour les affaires européennes (‘The Dawn of Eurasia’, 2018), du spécialiste chinois des relations internationales Zhang Weiwei, et surtout de Chistopher Coker, lui aussi professeur à la London School of Economics, auteur de ‘The Rise of the Civilization State’ (2019). »

Il est évident que cette idée de “civilisation” accolé à une nation contient le concept de souveraineté qui est depuis longtemps le cri de ralliement des adversaires du globalisme, car c’est bien également de l’affrontement contre le globalisme et l’hyperlibéralisme dont il est question avec l’ État-civilisationnel. Mais la souveraineté est un concept assez vague dans son extension pour s’appliquer à nombre de matières ; dans certains cas, il peut même se retourner ceux qui envisagent de l’employer contre le globalisme. L’idée de “civilisation” est beaucoup plus strictement définie, structurée, multidimensionnels nécessairement ; elle doit inclure la dimension culturelle, la dimension traditionnelle, la dimension spirituelle, toutes choses qui sont pas ensemble incluses dans le concept de souveraineté, dont on dirait volontiers qu’il est plus un outil alors que la “civilisation“ est une fin en soi, une essence.

Par conséquent, l’idée de “nation civilisationnelle” représente la transcription opérationnelle de tout ce que déteste absolument, de ce que hait pour reprendre le mot de haine qui est son moteur principal, le globalisme, – car le globalisme ne vit que par la haine. Benoist écrit :

« Au départ, c’est surtout la Chine et la Russie qui ont été considérés comme des États civilisationnels, mais cette qualification peut s’appliquer à tant d’autres États capables d’organiser, en s’appuyant sur leur culture et leur histoire de longue durée, une sphère d’influence allant très au-delà de leur territoire national ou de leur groupe ethnolinguistique : l’Inde, la Turquie, l’Iran, pour ne citer qu’eux. L’État n’est pas étranger à la notion d’Empire par opposition à l’État-nation, mais il n’est pas exactement synonyme. Il n’est pas non plus synonyme de civilisation, car les civilisations peuvent compter plusieurs nations en leur sein tandis que les États civilisationnels président seulement aux destinées de l’ensemble de leur sphère civilisationnelle. La montée des États civilisationnels est à mettre en rapport avec un retour de la logique des “grands espaces”.

» Les États civilisationnels ont pu être décrits comme la cauchemar des sociétés libérales... » 

Le caractère principal de l’État civilisationnel, ce qui en ferait l’adversaire irrésistible du globalisme et de l’hyperlibéralisme, c’est au fond l’alliance deux facteurs, l’un à la fois structurel et producteur de politique dans le sens le plus large du mot (la Nation) et l’autre multiforme et imprégné de culture également dans le sens le plus large du mot (la civilisation), les deux étant lié par un liens absolument spirituel. L’idée montre sa supériorité sur celle de la multipolarité qui a évidemment sa vertu propre indiscutable ne serait-ce qu’en étant l’adversaire de l’unipolarité, mais qui, par absence de mots plus précis, risque quasi-invinciblement d’attirer un jour ou l’autre l’attention sur deux facteurs qui sont à la base du caractère déstructurant et maléfique de l’hyperlibéralisme, – économie et puissance.

La principale force de l’“État-civilisationnel”, c’est qu’aucun sujet ne lui est étranger, qu’il peut aborder n’importe quel thème du haut de toute sa cohésion et de sa légitimité, qu’il peut amalgamer plusieurs thèmes différents en les éclairant les uns les autres sans sacrifier irrésistiblement à l’un ou à l’autre. Son but est de dépasser l’opposition entre universalité et pluralité, ce qui tend à dépasser le diktat de la modernité (“pluriversalisme”).

« Les États civilisationnels vont de pair avec la montée du pluriversalisme », écrit Alain de Benoist.

Le caractère absolument opérationnel, offensif quand cela est nécessaire face à l’hyperlibéralisme, efficace et irrésistible, dit en mots simples et percutants, ayant pour lui l’évidence des forces vitales de la vie, tout cela est visible dans cet extrait fameux du discours du 30 novembre 2022 de Poutine à la Douma, concernant l’intégration du Donbass dans la fédération de Russie.

« Répondons à quelques questions très simples pour nous-mêmes. Je voudrais maintenant revenir sur ce que j'ai dit et m'adresser également à tous les citoyens du pays - pas seulement aux collègues qui sont dans la salle - mais à tous les citoyens de Russie : voulons-nous avoir ici, dans notre pays, en Russie, “le parent numéro un, le parent numéro deux et le parent numéro trois” (ils ont complètement perdu la tête !) au lieu de la mère et du père ? Voulons-nous que nos écoles imposent à nos enfants, dès leurs premiers jours d'école, des perversions qui mènent à la dégradation et à l'extinction ? Voulons-nous leur enfoncer dans le crâne l'idée que certains autres genres existent à côté des femmes et des hommes et leur proposer des opérations de réassignation sexuelle ? Est-ce cela que nous voulons pour notre pays et nos enfants ? Tout cela est inacceptable pour nous. Nous avons un autre avenir à nous.

» Permettez-moi de répéter que la dictature des élites occidentales vise toutes les sociétés, y compris les citoyens des pays occidentaux eux-mêmes. C'est un défi pour tous. Ce renoncement complet à ce que signifie être humain, le renversement de la foi et des valeurs traditionnelles, et la suppression de la liberté en viennent à ressembler à une “religion à l'envers”, – du satanisme pur. Exposant les faux messies, Jésus-Christ a dit dans le Sermon sur la Montagne : “C'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez.” Ces fruits empoisonnés sont déjà évidents pour les gens, et pas seulement dans notre pays, mais aussi dans tous les pays, y compris de nombreuses personnes en Occident même. »

Cette formule doit être retenue pour de nombreux cas et usages. Nous pensons notamment qu'elle pourrait être d'une précieuse utilité pour les Etats-Unis; c'est-à-dire pour les Etats de l'Union qui n'auraient plus le désir de vivre sous la loi du fer devenu fou de  l'Union.

 

Mis en ligne le 6 octobre 2022 (16H15)

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