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• Perte de la signification et effondrement de l’Occident: une lecture civilisatrice. • Par Peiman Salehi, analyste et théoricien en relations internationales et en philosophie politique
• Peiman Salehi : « Je suis un analyste politique et écrivain iranien, travaillant à l'intersection de la philosophie politique et des affaires internationales. Je m'intéresse à la résistance civilisationnelle, à la multipolarité et aux approches critiques du libéralisme et des récits occidentalo-centrés... »
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L’Occident semble encore dominer, mais il ne sait plus pourquoi il agit. Il est en train de perdre le sens.
À première vue, l'ordre occidental conserve son pouvoir militaire, médiatique et économique. Mais sous cette façade, une crise profonde de sens, de légitimité et d'horizon philosophique est à l'œuvre. Nous ne sommes pas simplement dans un monde post-américain, mais dans une époque post-signification.
Le projet du libéralisme occidental, autrefois porteur de promesses universelles — liberté, droits humains, rationalité — se révèle désormais dans toute son ambivalence : violence, hypocrisie et contradictions internes. Cette analyse propose une lecture civilisatrice et métapolitique de cette crise.
Le libéralisme, tel que formulé par John Locke, a défendu trois droits fondamentaux : la vie, la liberté, et la propriété. Mais aujourd’hui, ces idéaux sont devenus les instruments d’une domination impériale. Les États-Unis, qui se présentent comme défenseurs de la liberté, agissent en réalité dans un esprit profondément antilibéral — rappelant le patriarcat autoritaire que Locke lui-même rejetait face à Robert Filmer.
Le discours libéral contemporain est vidé de son contenu normatif. La liberté n’est plus un droit partagé, mais un privilège conditionné à l’adhésion au modèle occidental. Cette transformation révèle une dégénérescence métaphysique du projet libéral lui-même.
Dans cette crise de sens, les voix émergentes du Sud Global jouent un rôle fondamental. L’Iran, la Palestine, la Bolivie ou encore les traditions africaines et asiatiques proposent une vision alternative du politique : centrée sur la justice, la souveraineté réelle, et la primauté de la vie sur l’économie.
Ces résistances ne sont pas uniquement géopolitiques ; elles sont épistémologiques. Elles posent une question fondamentale : qui a le droit de définir le monde ? Le refus de l’unipolarité n’est pas seulement stratégique, il est civilisateur. Il défend la pluralité des visions du monde, des conceptions du bien, et des voies vers l’émancipation.
La vitesse des événements et la surpuissance du système de communication moderne ont donné à la politique une dimension métapolitique. Nous ne sommes plus simplement dans la stratégie, mais dans la bataille pour le sens.
L'avenir ne se joue pas seulement dans les urnes ou les champs de bataille, mais dans les espaces symboliques, culturels, et philosophiques. Dans ce contexte, le Sud Global n’est pas un simple acteur périphérique, mais un porteur de sens renouvelé.
Le monde qui vient nécessitera une réhabilitation de la pensée, une redéfinition du politique, et un courage intellectuel que seul un retour aux sources métaphysiques des civilisations vivantes peut offrir.
Ce texte est une invitation à repenser l’histoire présente comme un moment de basculement. L’Occident n’a pas seulement perdu sa suprématie ; il est en train de perdre sa capacité à justifier son action. Face à cette vacance du sens, la réponse ne viendra pas du cœur de l’empire, mais des marges — des peuples, des traditions, et des philosophies longtemps exclues du récit dominant.
C’est dans cette pluralité renaissante que réside la promesse d’un nouvel ordre mondial réellement post-impérial.