Confusion et JSF dans les tulipes

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Les formidables débats qui se sont tenus au Parlement hollandais mercredi et jeudi (jeudi, après 19H00 et des heures de débat depuis mercredi, 144 parlementaires sur 150 étaient encore présents) se sont terminés sur un accord général complexe, obscur, ambigu, incertain, qui ne règle rien, etc. Tout cela appartient au monde surréaliste du JSF, puisque c’est du JSF qu’il s’agissait. Il n’est pas sûr que les parlementaires de l’opposition, qui s’opposaient évidemment à l’accord gouvernemental, aient tort lorsqu’ils qualifient cet accord de “risible”, ou que le chef des libéraux du VVD Mark Rutte se soit trompé de mot lorsqu’il le salue de cette exclamation : «Un monstre!». Madame Hamer, qui dirige le PvdA au Parlement et qui est donc partie prenante à l’accord, estime au contraire que cet accord va donner du temps aux parlementaires pour mieux peser leur attitude finale vis-à-vis du programme; pour Hamer, il s’agit d’“une nouvelle étape dans le voyage JSF, pas d’une décision finale”…

Les comptes-rendus divers de l’accord réalisé, alors que l’un des partis de la coalition (le PvDA travailliste) s’était prononcé contre l’achat des deux prototypes du JSF que propose Lockheed Martin, expriment bien l’ambiguïté de la chose. En voici une version, du 24 avril 2009, qui semble nous dire, en français (vraiment, nous n’engageons en rien notre responsabilité dans cette interprétation), avant la version originale…

• que la décision d’achat du JSF (pardon, du successeur du F-16, quel qu’il soit, avec cette question qui nous vient à l’esprit: y aura-t-il un nouveau processus de sélection comme il y en a eu déjà un et demi ou deux, on ne sait plus très bien?), – que cette décision d’achat est repoussée à 2012, ce qui laisse cette décision à un gouvernement différent puisqu’il y a des élections générales en Hollande en 2011;

• que le nombre de “prototype” à €113 millions l’unité commandé passe de deux à un, mais que la décision définitive avec le règlement du coût ne sera prise qu’en 2010; cela signifie que la décision pourra également être négative (“finalement, non, nous n’achetons pas l’avion prototype”) et il faudra alors payer un dédit de €20 millions à Lockheed Martin, – qui serait en fait un dépôt d’ores et déjà réalisé cette année, dans les mois qui viennent, sous le couvert de ce qu’on pourrait désigner comme un “contrat provisoire d’achat”, ou une “option d’achat”.

«The Dutch Parliament on Thursday adopted a motion delaying a final decision on the possible purchase of 85 F-35 Joint Strike Fighter aircraft until the year 2012, a year after the 2011 general elections. It also decided not to buy two (as planned) but one JSF operational test aircraft, and delayed a final decision on whether or not to buy that single aircraft until next year.

»The motion adopted by parliament leaves open the option that the first test plane will be returned to the United States producer, Lockheed Martin, albeit at a price: 20 million euros. The total cost of a single test plane is 110 million euros. The deal means that, until the final decision is taken, the Netherlands will remain a full partner in the JSF development programme.»

Il semblerait donc que l’on soit dans une situation où l’accord a cherché un moyen pour que la Hollande reste dans le programme, tout en marquant une profonde méfiance à l'encontre du développement de l’avion (paiement complet ou restitution de l’avion prototype en 2010) et une méfiance encore plus grande à l'encontre du succès dans des normes acceptables du programme en général (décision en 2012 pour l’achat des successeurs du F-16, donc des JSF opérationnels, – toujours avec cette question: avec ou sans processus de sélection? Et cette autre question: quelle sera l'attitude du nouveau gouvernement en général vis-à-vis du JSF?).

Il nous paraît inapproprié de tenter de porter un jugement sur cet imbroglio très parlementaire et extrêmement démocratique. Là n’est pas l’essentiel, mais plutôt dans la situation que décrit cet incident qui clôt (ou ne clôt pas, justement) près d’un an d'un débat intermittent sur l’engagement dans le programme JSF, qui semblait pourtant avoir été décidé en 2002, qui ressembla à diverses reprises à une remise en cause. Nous avons souvent dit que toute la logique et la “philosophie” du programme JSF reposaient sur des décisions d'engagement et d'achat rapides, incontestables, à la mesure de ce que prétend être ce programme qui se présente comme universel, sans le moindre concurrent possible et si exceptionnel qu’on doit se bousculer pour y participer et en acheter des exemplaires. On jugera de la façon dont la fiesta hollandaise correspond à cette vision... On comparera d’ailleurs, pour mesurer la différence de climat dans le sens de la détérioration, à l’absence complet de bruit et de polémique que fit la décision, il y a près de deux ans, de l’Italie de ne pas acheter de “prototypes”, et le tintamarre qui entoure cette question du côté hollandais aujourd’hui. Tout cela mesure la dégradation du programme et la difficulté grandissante de faire participer ceux qui y ont été conviés il y a maintenant 7 ans. Quelle que soit l’extraordinaire complication de l’“accord” hollandais, la poursuite assurée de la dégradation du programme JSF va largement nourrir la polémique, les réticences, la contestation, etc., en Hollande d’ici 2010, lorsqu’il faudra prendre la décision définitive concernant l’achat ou pas du “prototype”. (Sans parler du débat pour la commande de 2012.) Entre les deux formules à propos de l'accord d'hier: un “accord” monstrueux pour “noyer le poisson” ou un “accord” monstrueux qui nous fait reculer pour mieux sauter dans la bagarre anti-JSF, nous choisissons la deuxième formule. Disons que l’“accord” a surtout servi à sauver le gouvernement hollandais, bien plus que le JSF.

La dégradation du programme JSF est en effet, à notre sens, un fait assuré, sinon garanti. Le programme est en train de devenir la “tête de turc” de tous les contestataires de la situation de crise du Pentagone, du mouvement de réforme entamé par Gates et ainsi de suite. Ainsi, lorsque le très fameux critique du Pentagone et aujourd’hui l’une des vedettes “réformistes” à Washington, Winslow Wheeler, est confronté à une question en forme d’enquête que lui pose The Ripon Forum pour son édition du printemps 2009 (“quels sont les cinq programmes du Pentagone que vous supprimeriez?”), il répond “Seulement cinq?”, renonce à les comptabiliser, n’en cite finalement, comme exemple, que deux, qui sont le F-22 et le F-35/JSF, – ce qui revient à choisir le JSF puisque le F-22 est pour l’instant abandonné… (Article de Wheeler également mis en ligne le 21 avril 2009 sur le site du Center of Defense Information.)

«When The Ripon Forum contacted me to write an essay that identified five Defense Department programs to eliminate, I suppressed my immediate reaction:

»Only five??

»Sadly, America’s defenses are festooned with programs that should be eliminated; however, killing them all off – many more than just five – will do very little to solve our problems. To fix the problem, we must first understand its basic nature:

»The U.S. today spends more in inflation adjusted dollars than it has since the end of World War II. For all this money, we get the smallest combat forces we have had at any time since 1946. The Army has fewer combat formations than at any time in this period. The Navy has fewer combatants, and the Air Force has a smaller number of fighter and attack aircraft. Our major weapons are – on average – older than at any time since 1946, and we routinely send units into combat with less training than we have in the past.

»With all this considered, it is not enough to simply unload a few ultra high cost, underperforming mountains of unreliable complexity that the Pentagon, Congress, and defense manufacturers today palm off as weapon programs. To end the widespread decay within the Defense Department, what must first be eliminated are not bad programs, but bad habits. In keeping with the original editorial request, here are:

»1. Underperforming, “white tower” weapons at unaffordable cost. The “next generation” combat aircraft, the F-22 and the F-35, are classic examples. In terms of aerodynamic performance, both are huge disappointments, and in some respects even a step backwards.

»For their reputation as “wonder weapons,” they rely on a hypothetical construct of air-to-air warfare (“beyond visual range” engagement with radar directed missiles) that has failed time and time again in real war. Even the so-called “affordable” F-35 is, in truth, completely unaffordable. Now at $121 million per copy, it is only beginning its flight testing – the stage where cost growth really starts to show up…»


Mis en ligne le 24 avril 2009 à 14H46