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5682L’avocat qui tient site ouvert sous le nom de VuduDroit.com, Régis de Castelnau, qu’on a déjà cité sur ce site, prend la plume pour rappeler à nos mémoires la stature de son arrière-grand’père que tout désignait pour être parmi les “grands maréchaux” de la Grande Guerre, et qui ne le fut pas à cause de sa foi. Régis de Castelnau fait, à cette occasion, le procès du président Macron en même temps que celui du maréchal Pétain, auquel il oppose son aïeul, surtout dans son parcours d’après la Grande Guerre.
(La polémique est rude et, surtout, couvre un vaste territoire parcouru par le plus complet désordre où l'on rencontre tous les sujets... Il est vrai que Régis de Castelnau n’a sans aucun doute pas tort, dans son texte, de juger “sidérant” le propos de Macron plaidant pour une armée européenne à cause de la présence de la Russie “sur nos frontières”. Il aurait pu ajouter pour en rajouter dans la sidération que c’est aussi pour nous “protéger” de quelque chose de menaçant, – outre de la Chine également citée, – venue des USA...« Very insulting », a tweeté The-Donald au début de son escapade parisienne : mais il semble qu’il parlait plus gros-sous que trahison, impliquant qu’il est “insultant” de vouloir faire une armée européenne quand on participe si peu aux frais de fonctionnement de la superbe OTAN. D'ailleurs, deux ou trois heures plus tard, ou un peu plus qui sait, il serrait Macron dans ses bras et l'instituait “grand ami à la vision très proche” de la sienne.)
Quelques-uns des actes de commandement du général de Castelnau pendant la Grande Guerre sont rappelées par son arrière-petit-fils, mais pas celui qu’il a posé à Verdun, dans une séquence où le Premier ministre Briand s’opposa à Joffre qui se désintéressait de l’attaque allemande contre Verdun. Dans cette occurrence, Castelnau fut le “complice” de Briand et joua le rôle central dans l’organisation des premiers jours cruciaux à Verdun, avant de laisser à Pétain, nommé pour cette tâche par Joffre, le commandement de la bataille.
Dans Les Âmes de Verdun, PhG rappelle cet épisode essentiel où la décision fut prise et appliquée de “tenir” à Verdun, face aux Allemands dont l’effort initial semblait devoir tout emporter. Avant la citation du passage sur la séquence, nous rappelons cette appréciation du professeur Cochet, au Colloque de Verdun du 90èmeanniversaire de la bataille, en février 2006, pour préciser que c’est d’abord le soldat français qui décida de “tenir” et que Briand-Castelnau comprirent qu’il y avait là une volonté collective qu’il était vital et sacré de prendre en compte :
« Force est de constater que l’organisation française est loin d’être prise à contre-pied mais que, si le discernement de Castelnau n’y est pas étranger, le premier rempart de Verdun est bien le courage des hommes qui s’y battent… »
Extrait des Âmes...
« Les Français, eux, reviennent de loin. S’ils ont pris des précautions, ils n’ont rien préparé qui montrerait qu’ils prévoient un affrontement majeur. Les renseignements sur les concentrations des six corps d’armée de la VèmeArmée du Kronprinz ne les ont alertés que modérément. Joffre ne croit pas à une attaque ou bien il ne s’y intéresse pas parce qu’il pense selon une stratégie générale qui privilégie les armées en campagne et qui ramène l’attention vers le centre de gravité de la guerre ; dans cette affaire de Verdun à laquelle il doit s’intéresser pour obéir aux événements, il aura son attitude habituelle de passivité avant d’épouser le parti qui s’impose. Lorsque l’offensive allemande, essentiellement conçue autour de l’usage massif de l’artillerie, s’abat sur les lignes françaises, certains décomptent (les chiffres varient mais le rapport est bon) que l’artillerie française est à un contre dix et l’approvisionnement en obus à un contre cent (6 400 obus contre 600 000). La situation est très grave. La bureaucratie militaire professe qu’“il ne faut pas avoir la superstition du terrain”, c’est-à-dire qu’on peut retraiter. Cette attitude se heurte à une vigoureuse et solennelle réaction du Premier ministre, Aristide Briand, venu secouer Joffre à son Grand Quartier Général de Chantilly, si loin de Verdun, et proclamant : “Toute perte du territoire national est insoutenable !”. Les rapports sont tendus dans la haute direction française. Joffre a des relations exécrables avec son ministre de la Guerre, le général Gallieni, dont on débat déjà pour savoir s’il n’est pas le véritable vainqueur de la Marne, plutôt que Joffre lui-même. Les étiquettes politiques valsent dans la confusion. Le radical-socialiste et franc-maçon Briand a imposé au ‘général républicain’, Joffre, de prendre comme adjoint le général de Castelnau, qui aime à ricaner en répétant le surnom de ‘capucin botté’ dont Clemenceau l’a affublé comme d’une dénonciation également sarcastique de sa foi de catholique fervent.
» Castelnau déboule à Verdun le 25 février, sur le front qui craque de partout ; il désavoue Langle de Cary qui avait ordonné d’évacuer la rive droite de Verdun, d’ailleurs selon une analyse tactique parfaitement acceptable ; il conserve Herr en attendant mieux, c’est-à-dire en se substituant à lui pendant les deux jours où il se trouve à Verdun ; il répète partout l’ordre qui tient en une phrase courte, abrupte, sans réplique : il faut tenir. Castelnau a parfaitement accepté la dimension politique, voire étrangement mystique de la décision de Briand et de la direction politique française, ainsi résumée et transcrite en langage militaire par cette remarque du général Bernède [lors du séminaire de Verdun du 2006] : “Ainsi, le terrain étant d’emblée sacralisé, le commandement ne dispose plus d’aucune possibilité de manœuvre et tenir sera son unique mot d’ordre !” Le sens de l’État de Castelnau, c’est-à-dire le respect de la consigne de Briand, mais aussi ses convictions profondes donnent à ses ordres le poids d’une mission sacrée. Pendant deux jours, il court partout pour redresser les énergies défaillantes par quatre jours d’une bataille terrible, depuis le 21 février à sept heures du matin, et il écrit en lettres de feu la philosophie de la bataille. Joffre a nommé Pétain et sa IIèmeArmée pour remplacer Herr et prendre en main la bataille. Pétain sera sur place le 25 au soir, traînant une double pneumonie, et il y trouve déjà tracée la voie simple qu’il va parcourir avec une extrême alacrité pendant le temps de son commandement. Pendant deux jours cruciaux, Castelnau sera Pétain avant Pétain, avant de regagner le GQG et la compagnie d’un Joffre boudeur. »
Ci-dessous le texte de Régis de Castelnau, du 9 novembre, qui se place évidemment directement dans la ligne de la polémique soulevée par Macron parlant ou ne parlant pas c’est selon, du maréchal Pétain ou de Philippe Pétain c’est selon. On peut ainsi constater que le “devoir de mémoire” se trouve aujourd’hui automatiquement transmuté en “devoir de polémique” et “polémique mémorielle” d’une grande violence, laquelle violence exprime aux côtés et avec les courants sociétaux l’extrême instabilité de l’ensemble du Système. La médiocre psychologie des dirigeants et leur vaste inculture accompagnent avec zèle l’effondrement du Système qui prend ainsi la voie originale des matières sociétales et culturelles (comme le notait précisément Orlov). Les querelles françaises sur la Grande Guerre et autour de Pétain renvoient, dans la forme de la polémique, aux divers avatars sur la Deuxième Guerre mondiale et le rôle de la Russie, ou bien aux vagues d’attaques contre les monuments historiques aux USA au nom d’un révisionnisme radical, et ainsi de suite.
Cette “voie originale” de l’effondrement n’est d’ailleurs pas que dérisoire, si elle est très souvent et avec empressement traitée d’une façon dérisoire par des esprits qui sont une bonne mesure de la dérision de cette époque de la tragédie-bouffe. La crise de l’effondrement se réalise mieux, ici et maintenant, dans la dévastation et la déstructuration de la culture et des mœurs que dans l’économie, la géostratégie ou la ferraille technologique. Quant à la politique, c’est le nom que l’on donne à ce qui importe pour le destin d’une civilisation, – ici et maintenant, il s'agit du culturel et du sociétal.
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« Parlons de moi, il n’y a que ça qui m’intéresse » disait Pierre Desproges. Cette citation me revient à l’esprit à ce moment où s’achève la commémoration du centenaire de la Très Grande Guerre. Je mesure dans l’agitation qui accompagne cette marche vers le 11 novembre à quel point ce que nous vivons depuis maintenant un peu plus de quatre ans, me touche bien au-delà de ce que j’aurais imaginé. Cela entre en résonance de façon parfois douloureuse, toujours émouvante avec ce qui relève de l’intime, de l’enfance, de l’éducation et du rapport à la France.
Je m’en suis expliqué et l’on trouvera ci-dessous les liens qui renvoient aux articles où je l’ai fait. Et à l’approche de ce 11 novembre 2018 qui allait clôturer ces quatre années de commémoration, je n’éprouvais pas l’envie ni le besoin d’intervenir à nouveau. Considérant que la façon dont ces commémorations étaient conduites était peut-être discutable -comment pouvait-elle ne pas l’être- mais que cela ne justifiait pas de participer à des débats ou des polémiques aussi justifiées soient-elles pour certaines. Pour ma part la conviction de l’importance de la place de la tragédie dans la mémoire de notre peuple, me rassure sur les ressources de celui-ci. Et c’est là l’essentiel.
Mais il se trouve que l’actualité immédiate produit divers télescopages par lesquels la dimension et le vécu familial reviennent au premier plan. Emmanuel Macron, avec cette capacité presque grandiose à être systématiquement à côté de la plaque, a déclenché une réaction contre lui en forme de tsunami et transformé son itinérance mémorielle en chemin de croix. Faisant référence au “grand soldat” il a rendu au militaire Philippe Pétain un hommage du type de ceux de ses prédécesseurs. Il a ramassé la foudre, et pour plusieurs raisons. Tout d’abord sa parole de chef de l’État est complètement disqualifiée, et sa faiblesse politique et son narcissisme l’empêchent de sortir de la nasse. Il pourrait dire : “Il fait jour à midi” que ce serait aussitôt une tempête qui lui répondrait : “non il fait nuit, à cause des heures sombres”. Ensuite, le problème Pétain est insoluble, car le séparer en deux parties comme l’avait fait Charles De Gaulle, est aujourd’hui impossible. Sa place dans la mémoire collective est désormais d’abord et avant tout celle de ce qu’il est, un traître antisémite.
Pour ma part Philippe Pétain est « la triste enveloppe d’une gloire passée portée sur le pavois de la défaite pour endosser la capitulation et tromper le peuple stupéfait » (Charles De Gaulle, 18 juin 1941). Il est ensuite et aussi le traître qui fera délibérément le choix de l’ennemi y compris dans ses aspects les plus ignobles. Il n’y a qu’un tarif pour cette trahison, un poteau dans les fossés de Vincennes et 12 balles, fussent-elles symboliques comme ce sera le cas pour lui. Mais la question de ses mérites militaires dans la première guerre mondiale relève aujourd’hui du débat et de la recherche historique. Emmanuel Macron aurait dû, éviter de se prendre pour de Gaulle et ne pas s’en mêler, mais nous savons maintenant d’expérience qu’il ne comprend pas grand-chose.
Lorsque je parle du retour de la dimension familiale, je pense au surgissement dans l’opinion publique à ce moment de la figure de mon arrière-grand-père, Édouard de Castelnau qui méritait plus que tout autre d’être élevé à la dignité de maréchal de France. Et ce surgissement se fait comme le symbole contraire de celui de Pétain. Claude Askolovitch(!!) le résume très bien dans un tweet en forme de commentaire sur la polémique Pétain :« Pensée au général de Castelnau, qui sauva en 14 l’armée de Lorraine, qui perdit trois fils dans la Grande guerre, dont la République ne fît pas un maréchal car il était trop catholique, et qui condamna Pétain en 1940 et encouragea la Résistance. A propos de “grands soldats”…».
Et l’aspect étonnant de cette forme d’intronisation comme contre modèle de celui qu’il avait nommé à Verdun le 23 février 1916, c’est qu’elle est absolument justifiée. Les historiens s’accordent à considérer à la fois sa stature, l’importance de son rôle, l’ampleur de ses sacrifices, et le caractère injuste de la mesquinerie politicienne dont il eut à souffrir. Mais il y a plus. On sait peu aujourd’hui, compte tenu de l’importance de cette fin des hostilités sonnée sur la terre de France en cette 11e heure du 11e jour du 11emois de cette année 1918, que le 13 novembre la IIe armée française commandée par Édouard de Castelnau devait lancer en Lorraine l’offensive pour permettre de rentrer sur la terre de l’ennemi. Et le mettre complètement à genoux. Je suis de ceux qui pensent que l’armistice du 11 novembre était inévitable pour mettre fin au cauchemar et qu’il est difficile d’en faire le reproche à ceux qui l’ont voulu. Mais l’Histoire a montré ensuite, comme l’avait analysé Castelnau dès ce moment-là que c’était une erreur stratégique majeure. Son territoire inviolé, son armée rentrant à peu près en bon ordre, la légende du coup de poignard dans le dos pouvait naître en Allemagne et amener aux conséquences funestes que l’on sait. 20 ans plus tard cette erreur allait coûter les 60 millions de morts et les horreurs de la deuxième guerre mondiale. Entre les deux guerres, chaque fois qu’il appelait à la méfiance et à la vigilance vis-à-vis de l’Allemagne on le traita de Cassandre et de belliciste. Un parlementaire lui lancera même à la face : « Trois fils, mon général ce n’est pas assez ? ».
Lorsque surviendra l’effondrement de 40, âgé de 90 ans, il désavouera l’armistice et l’instauration de l’État français, auquel il refusera son soutien. Deux de ses petits-fils et deux de ses petits-neveux en âge de porter les armes rejoindront, avec son approbation les armées de la France combattante et participeront aux combats pour la Libération. Noël de Mauroy sera tué dans les Vosges en décembre 1944, Jean de Castelnau dans son char, Le 23 novembre en rentrant dans Strasbourg, Urbain de La Croix le petit-fils orphelin qu’Édouard avait élevé sera tué le 9 avril 1945 au passage du Rhin. Gérald de Castelnau, mon père, le dernier des quatre sera grièvement blessé. Eh oui, il faut croire que le destin avait décidé que pour le service de ce pays, trois fils ce n’était pas assez. Pendant ce temps, Philippe Pétain poursuivait jusqu’au bout, jusque tout en bas, le chemin de ses trahisons.
Alors, Édouard de Castelnau, l’anti-Pétain, le contre-exemple ? C’est l’évidence, et Claude Askolovitch l’a bien senti. Voyez-vous, Monsieur le président de la république, une fois de plus vous avez voulu faire le malin, en étalant maladroitement votre absence de sens politique et votre ignorance historique. Mais la référence à ce « grand soldat » là, dont vous n’aviez probablement pas la moindre connaissance, n’apparaît pas seulement à cause de vos errances mémorielles, mais aussi à cause de ce que vous voulez faire à la France. Ce rappel intervient alors même que vous annoncez votre projet d’armée européenne avec l’Allemagne avec cette justification sidérante« pour faire face à la Russie qui est à nos frontières » . Pardon ? On rappellera pour mesurer l’inanité de cette formule que Paris et Moscou sont séparés par 2800 km et pas moins de quatre grands pays. Et pendant que vous vous moquez ainsi du monde, on apprend l’existence de discussions pour une mise en commun de la dissuasion nucléaire française et du partage du siège de la France au conseil de sécurité de l’ONU. Êtes-vous inconscient au point de faire ainsi de la France une cible privilégiée de la Russie, qui n’a rien demandé et qui ne nous menace en rien ? Pour faire plaisir à l’Allemagne avec laquelle nous avons des intérêts à ce point divergents. Vous entendez donc pousser encore un peu plus loin la soumission à l’Union Européenne sous direction allemande ? Mettre en cause dans ces proportions l’indépendance de la France ? Philippe Pétain trahissait sa patrie en promulguant ses ordonnances antijuives avant même que les Allemands l’aient demandé. Et il faisait tout pour mettre les ressources de son pays au service de l’Allemagne nazie dans la guerre immonde qu’elle menait. Mais il ne faut pas l’oublier, il avait un projet politique, celui d’une France abaissée dans une Europe dominée par l’Allemagne. Ce projet là, serait-ce donc aussi le vôtre ?
Mais ce sera non, Monsieur Macron ! Comment voulez-vous que nous l’acceptions ? Nous le refuserons d’abord parce que c’est l’intérêt de notre pays alors que vous même, êtes en train de l’abîmer et de lui faire prendre des risques inconsidérés. Mais nous le refuserons aussi parce que nous avons de la mémoire et en particulier celle des sacrifices de ceux de 14/18 et de 39/45, et de la raison de ceux-ci.
Et que cette mémoire aussi, nous oblige.