Brahimi pris sur le vif

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Brahimi pris sur le vif

Le successeur de Kofi Annan comme envoyé spécial de l’ONU dans la crise syrienne, l’Algérien Lakhdar Brahimi, est de plus en plus apprécié comme une personnalité indépendante en même temps que d’une discrétion remarquable. Ses contacts sont multiples et nullement chargés du poids des consignes du bloc BAO, lesquelles continuent à être disséquées et mises en accusation par une campagne virulente de Kofi Annan sur ce que furent les conditions de son propre mandat, comme prédécesseur de Brahimi. (Pour Annan, voir notre texte du 2 octobre 2012 ; voir sur BackChannel.al-monitor.com, ce 19 octobre 2012, concernant une conférence de Annan à la Brookings Institution ; voir sur Antiwar.com, ce 20 octobre 2012, concernant une interview de Annan par CNN.)

On a une bonne idée de la personnalité et du comportement de Brahimi, mais aussi et par antithèse du comportement précisément du Qatar dans les contacts diplomatiques divers, et bien entendu avec Brahimi, à partir de ces indications données par le quotidien libanais de gauche (en langue arabe) As Safir, extrait d’un article de Daoud Rammal du 19 octobre 2012. Cette version détaillée de l’incident entre l’envoyé spécial de l’ONU pour la crise syrienne et le ministre qatari des affaires étrangères, qui vient manifestement de sources proches de la direction de la Ligue Arabe, rencontre des appréciations plus générales des mêmes circonstances, obtenues de source diplomatique européenne.

« …The source further said that “Brahimi left a good impression among those people that he met with in Beirut. Indeed, the man kept away from the exaggerations and the ready-made recipes and acted as a foreign expert…” The source added that the main international guarantee for Brahimi consisted “of the equal support provided to his mission on the part of Russia and the USA. This encouraged him to set off and to look for opportunities for solutions even though he always said that the mission is very hard yet not impossible and that he has no magic prescription.”

» The diplomatic source revealed important pieces of information related to the early stages of Brahimi’s and said: “When Brahimi was first appointed as an international envoy, he paid a visit to Egypt that came concomitantly with the meeting of the Arab foreign ministers. The Arab League’s Secretary General, Nabil al-Arabi, went to see him where he was staying and told him that the Qatari Prime Minister and Foreign Minister, Sheikh Hamad Bin Jassim al-Thani, was expecting him in the hotel where he was staying. Brahimi responded by saying that whoever wants me must come to see me and I am not going anywhere. Nabil al-Arabi told Hamad Bin Jassim about Brahimi’s answer.

» The Qatari official thus went to the wing of the new envoy looking all upset so Brahimi told him: “If you’re coming and you’re upset, then you better not come. I want you to understand a few things:

» “I am not an employee of yours nor anyone else.

» “I don’t take orders from you or from anyone else.

» “I am not one to be given a road map or a pre-planned political plot to abide like the others.

» “The parties concerned with the Syrian crisis are President Bashar al-Assad and his regime on one hand; and the (internal and external) Syrian opposition on the other hand. You are not more concerned than anyone else.

» “If you want to deal with me respectfully in my capacity as the representative of the United Nations and an international and Arab envoy, then you are most welcome. But if you want otherwise, then there is no room for dealing with me outside this framework.”

» The source said that this incident was a lesson for Nabil al-Arabi because he was a witness to it; and a clear message to all the countries, the politics of which led to aborting the solutions and to shoving Syria into additional destruction and bloodshed, mainly Turkey and Saudi Arabia, which had aimed at confiscating Brahimi through the Qatari prime minister even before his Syrian mission started. The source added that “following this incident Brahimi announced that Brahimi will visit Syria and meet with President Al-Assad, whom he called ‘the Syrian president.’ He also said during all his meetings that Al-Assad remains Syria’s president until the settlement is concluded… »

Les détails de cet incident, plus d’autres du comportement de Bahrami, vont contre des appréciations qui avaient été développées lors de sa nomination à la succession de Kofi Annan, qui en faisaient “un homme de Washington” (et, accessoirement, des amis qataris). La même interprétation avait été donnée de Kofi Annan, lui aussi ci-devant “homme de Washington”, lorsque Annan avait été nommé, en février 2012. L’un des arguments était que Kofi Annan avait fait des études dans des grandes universités US et des séjours divers dans des institutions représentatives du Système, ce qui devait en faire un “agent d’influence” de l’américanisme. Il est assez intrigant que cette précision ne pousse pas à envisager l’hypothèse inverse : qu’un ou des séjours dans le système universitaire de l’américanisme et dans des institutions du Système n’aboutissent pas à former des antiaméricanistes qui se révèlent lorsque leur situation et les circonstances le permettent. Dans tous les cas, Annan, depuis son départ et selon son activité de ces derniers temps, a montré qu’il échappait avec agilité et alacrité au stéréotype d’“homme de Washington”. (Au reste, la carrière d’Annan et son comportement au Secrétariat Général de l’ONU auraient dû trancher le cas, selon un jugement informé à ce propos. Mais soit…)

En fait, il devrait apparaître, tout au contraire, remarquable et significatif que les USA n’aient pas, jusqu’ici, réussi à s’assurer d’un envoyé spécial de l'ONU “convenable” à leurs yeux, dans cette affaire syrienne, c’est-à-dire un envoyé qui soit du parti fermement anti-Assad et tout le reste. Cela marque un réel affaiblissement de l’influence des USA, aussi bien qu’une extrême maladresse et qu’un jugement entaché de pesanteurs psychologiques extraordinaires dans le domaine de la capacité de se tromper soi-même, évidemment à son propre avantage et à celui des vertus inaltérables des USA, dans l’évaluation des hommes et des comportements (domaine exploré largement par les caractères psychologiques US de l’inculpabilité et, surtout dans ce cas, de l’indéfectibilité). Il est vrai, notamment, que Kofi Annan avait été propulsé au Secrétariat Général de l’ONU pour contrer la réélection de Boutros Ghali, jugé par les USA comme un ennemi et un “homme des Français” (ceci expliquant-il cela ?) ; à ce moment, il était acquis, et retranscrit partout dans les commentaires-Système et dans la presse-Système, qu’Annan était une “marionnette des USA”… On a vu ce qu’il en fut en vérité, cela pour ceux qui veulent bien voir après avoir regardé.


Mis en ligne le 22 octobre 2012 à 06H31