Après tout, sont-ils si mauvais ces talibans ?

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Après tout, sont-ils si mauvais ces talibans ?


15 juin 2003 — La “guerre contre la terreur” est littéralement épuisante, particulièrement pour les professeurs de morale vertueuse en Occident. C’est-à-dire qu’il faut suivre et adapter la morale aux circonstances, en évitant l’écueil du ridicule (mortel dans les salons).

Une chose, au moins, restait sûre dans notre vision sentimentale du monde : la justesse morale de l’attaque américaine contre l’Afghanistan et, à l’inverse, la noirceur morale et indélébile des talibans. Cela fut une grande cause d’une saison germanopratine au moins, notamment une grande cause féministe, avec ces pauvres afghanes lourdement emprisonnées dans leur carcan de tissu. L’un des premiers shows de la libération de l’Afghanistan (et l’un des seuls) fut celui du dévoilement des femmes afghanes.

Aujourd’hui, il semble qu’il faille déchanter, dans tous les cas du point de vue de notre vertu occidentale. Des indications sérieuses, venues de l’excellent site atimes.com (très bon sur ces questions liées à l’Afghanistan), nous annoncent que des contacts ont été pris entre Américains et talibans, sous les auspices des Pakistanais (autres “mauvais” de la pièce, qui apparaissent pourtant toujours en selle). Du côté US, c’est le FBI qui serait impliqué, et l’ISI (renseignement) du côté pakistanais. Une rencontre aurait eu lieu récemment sur la base pakistanaise de Samungli, près de Quetta. Les Américains sont demandeurs et ils posent la question : les talibans sont-ils prêts à participer au pouvoir en Afghanistan ? En jeu, la situation en Afghanistan, qui ne cesse de se détériorer.

Les Américains posent quatre conditions, les talibans en refusent une et sont souples sur les autres. On s’est vu une fois, on se reverra sans doute. Extraits :


« The source told Asia Times Online that four conditions were put to the Taliban before any form of reconciliation can take place that could potentially lead to them having a role in the Kabul government, whose present authority is in essence limited to the capital:

» * Mullah Omar must be removed as supreme leader of the Taliban.

» * All Pakistani, Arab and other foreign fighters currently engaged in operations against international troops in Afghanistan must be thrown out of the country.

» * Any US or allied soldiers held captive must be released.

» * Afghans currently living abroad, notably in the United States and England, must be given a part in the government — through being allowed to contest elections — even though many do not even speak their mother tongue, such as Dari or Pashtu.

» Apparently, the Taliban refused the first condition point blank, but showed some flexibility on the other terms. As such, this first preliminary contact made little headway. It is not known whether there will be further meetings, but given the fact that the reason for staging the talks in the first place remains unchanged, more contact can be expected. »


Il est difficile de faire un commentaire sur la question elle-même du retour éventuel des talibans. On doit se montrer plus général, pour observer combien la “guerre contre la terreur” est désormais entrée dans le domaine de ses contradictions internes les plus radicales et, par conséquent, les plus mortelles dans une époque médiatique et virtualiste qui ne survit que par l’affirmation martelée d’une morale d’apparence. L’essentiel est de défendre l’apparence de cette morale. C’est cela qui est ici mis en cause.

Avec l’après-guerre irakien qui montre les plus grandes difficultés et des contradictions également déstabilisatrices pour la cause occidentale (développement de l’islamisme, absence de WMD irakiennes, etc), ce développement afghan ajoute à la confusion. Il mesure l’essoufflement du grand projet de l’administration GW et des extrémistes américanistes. Il devrait contribuer à accentuer la grande crise du modernisme occidental, qui ne cesse elle-même de se trouver confrontée à ses contradictions.