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Amis de 50 ans


19 décembre 2002 — Les Sud-Coréens votent aujourd'hui pour un nouveau président. En même temps, l'actuelle poussée d'antiaméricanisme en Corée du Sud a atteint une intensité jamais observée. Plus que l'élection, dont on sait l'orientation systématique à cause de la nature des liens entre USA et Corée du Sud, c'est le deuxième événement qui importe. La cause initiale, ou disons, conjoncturelle, de cette poussée antiaméricaine est la mort de deux jeunes adolescentes de 14 ans, le 13 juin dernier, au cours de manoeuvres de blindés américains.

Deux soldats de l'U.S. Army furent inculpés par la justice militaire américaine, tandis que l'inculpation par la justice sud-coréenne était rejetée à la fin du mois d'août. Le verdict a été prononcé le 20 novembre : acquittement. L'effet en Corée du Sud a été celui d'une bombe. Le 27 novembre, le Los Angeles Times>D> écrivait :


« The acquittals of two GIs in the death of a pair of schoolgirls have sparked protests. U.S. ambassador apologizes on Bush's behalf.

» The deaths of the two schoolgirls were particularly gruesome. While walking along a narrow rural road to a friend's birthday party, they were crushed by a 50-ton mine-clearing vehicle that was moving during a U.S. Army training exercise.

» Last week, two GIs accused of negligent homicide in connection with the fatal accident were acquitted in U.S. courts-martial. Ever since, one of the most intense waves of anti-Americanism in recent years has swept through South Korea.

» Unlike demonstrations against President Bush's visit to South Korea in February, which were staged almost entirely by left-wing students, the case of the crushed schoolgirls has drawn in a wide swath of South Korean society.

Since the verdicts, there have been dozens of mostly small protests daily in Seoul, Pusan, Kwangju and other South Korean cities. Students have broken into a U.S. Army base, and at least one restaurant has barred entry to Americans.

Even members of the conservative Grand National Party, which is considered resolutely pro-American, have called for a public apology from Bush for the accident and the revision of the treaty governing U.S. forces in South Korea, one of the United States' most important allies. »


Le refus de l'armée américaine de laisser la justice sud-coréenne agir selon la légalité même, suivi de l'acquittement des deux militaires américains représentent la démarche habituelle des bureaucraties militaires américaines de refuser, par défense aveugle de leurs intérêts particuliers, de prendre en compte les circonstances, les intérêts, les sentiments des pays étrangers où se déroulent des faits impliquant les intérêts américains en général. La démarche est évidemment déloyale et stupide, le résultat est évidemment catastrophique ; et l'absence totale du pouvoir politique US dans cette affaire, pour tenter d'orienter la démarche de la bureaucratie militaire US dans un sens politiquement plus habile, mesure la situation du pouvoir en général aux USA (faiblesse chronique et proche de l'impuissance du pouvoir politique, déploiement et défense sans aucune restriction des intérêts particuliers).

En quelques jours, après la décision de la cour martiale US, le climat entre les USA et la Corée du Sud s'est détérioré à un point jamais vu auparavant. Pour ajouter à la tension et à la maladresse, la Corée du Sud était en pleine campagne électorale et le climat de la phase terminale de l'élection présidentielle a conduit tous les partis à durcir leurs positions. Des observations faites le 18 décembre par le Washington Times, pourtant largement favorable à la politique dure traditionnelle de Washington, permettent de mesurer le climat de la Corée du Sud aujourd'hui. Cet article est intéressant dans la mesure où sa ligne directrice est d'affirmer que, malgré l'élan formidable de l'antiaméricanisme, ou à cause de lui justement, des voix s'élèvent en Corée du Sud contre la critique systématique des USA (« South Korea's anti-anti-Americans are starting to find their voice »).

On constate de cette façon, par les voies détournées d'une appréciation tendant à minimiser cette énorme vague d'antiaméricanisme, que la question a dépassé le seul cadre de la protestation populaire, de ce sentiment antiaméricain épidermique si fortement dénoncé par le journal dans cet article, à partir de cas concrets. Elle a touché les candidats à l'élection présidentielle et les a engagés dans des voies qui devraient amener des conséquences politiques après l'élection, quel que soit l'élu. En quelque sorte, elle les a placés dans une position assez proche de celle de Schröder pendant la campagne électorale de l'été dernier.


« A strain of anti-American feeling is not new to South Korea, which relies on 37,000 U.S. troops here to help fend off the North but has balked at its image as junior partner in the alliance. But there is little question that recent anti-American rallies have been different from past, often violent protests led almost exclusively by radical leftist student groups.

» The hundreds of thousands of South Koreans who have turned out in the recent rallies inspired by the case of the two schoolgirls have included housewives, prominent artists and religious leaders, and labor groups. The protests have been largely peaceful, but a U.S. military officer was assaulted by knife-wielding Korean youths Sunday evening. He said later that his attackers cursed the United States and demanded that American forces leave the peninsula.

(...)

» Mr. Lee [ conservative Grand National Party (GNP) candidate Lee Hoi-chang] has appealed to conservative traditional voters who prize the long-standing relationship with the United States. But even he has joined his main rivals in the campaign in saying he would seek revisions to the 1966 accord governing the U.S. military presence in South Korea if elected.

» Democratic Labor Party (DLP) candidate Kwon Young-ghil, a leftist former labor leader and a potential wild card in tomorrow's vote, has taken the strongest anti-U.S. line among the three major candidates. His platform calls for a peace treaty with North Korea and the start of negotiations for the “earliest possible withdrawal of U.S. troops from South Korea.”

» Yoon Youngmo, international-relations adviser for the DLP, said in an interview yesterday that “opposing American policies on the ground here is not the same thing as anti-Americanism.” Despite the new voices urging a more moderate tone, Mr. Yoon said he believes that whoever wins tomorrow will have to strike a tougher line with Washington. “If the new president tries to patch things up and pretend all is well, he will have trouble, for he will be going back on the words he said during the campaign,” Mr. Yoon said. »


La situation sud-coréenne est une démonstration de plus de l'aveuglement général du système de l'américanisme pour tout ce qui ne le concerne pas directement (c'est-à-dire ses intérêts, ses positions internes, son évolution interne, etc). On reste confondu devant la chronologie, ou, plutôt, l'absence de chronologie du verdict de la court martiale, dans le sens de l'acquittement, rendu dans la phase terminale de la campagne électorale. Rien d'autre n'est imaginable, qui puisse détériorer plus les relations entre la Corée du Sud et les USA et susciter l'antiaméricanisme.

Cette stupidité profonde est aujourd'hui la marque du système, et l'impuissance des forces autour, et notamment des forces qui devraient le contrôler, à y interférer en est le corollaire inévitable. Toute l'activité américaine aujourd'hui est à mesure de ce constat. Les relations USA-Corée du Sud vont continuer à se détériorer, peut-être de plus en plus rapidement puisque c'est la bureaucratie US qui contrôle de facto ces rapportsUSA-Corée du Sud, par le biais de la position des militaires US en Corée du Sud. A notre sens, cette détérioration ne sera pas évitée par l'éventuelle élection du candidat conservateur (Lee), pro-US ; au contraire, une telle élection accélérerait le processus en mettant en danger le régime, par la rupture avec les réactions populaires.