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Article : Une guerre entre l’Angleterre et l’Amérique?

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PETROLE et USA (reportage)

andrew MCKILLOP

  15/04/2006

LA FIN D’UN PETROIMPERIUM – LA FIN DU MYTHE AMERICAIN
Andrew McKillop
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San Diego, Cal, juillet 2005
Le mythe qui nous concerne est celui de l’abondance de toutes choses matérielles grâce à l’énergie à bon marché, employée comme si demain, littéralement, n’existait pas. Un Americain type peut répondre ” Edison, Hoover Dam, Tennesee Valley Authority, l’atome ” ou d’autres slogans type de l’Américus énergicus (un membre des sauriens, trouvé à Jurassic Park et dans l’imagination collective américaine). Dans le monde réel et à eux seuls les Etats-Unis consomment 26% environ de la production pétrolière mondiale (chiffres 2004). Au rythme de la consommation moyenne par tête des E-U un monde ‘développé et prospère’ à l’Américaine consommerait quelques 445 millions de barils par jour (Mio de b/j), si sa population restait à l’actuelle de 6,45 milliards environ.

Selon des proches de G W Bush, les ‘faucons néo conservateurs’, les Etats-Unis en ce moment seraient au pic absolu de leur pouvoir, un vrai impérium comme Cecil B. de Mille les présentait. Toutefois tout impérium marche sur quelquechose – par exemple le sel, le blé et l’orge (pour ses chevaux, ses mules et ses ânes) dans le cas de l’Empire romain. Le pétroimpérium rêvé des stratèges américains ensconcés dans leur Think Tank de Washington ne marche que sur le gaz et surtout le pétrole, à raison de 25 barils par tête américaine et par an (chiffres 2004). En l’occurrence, cette consommation est le double de la consommation moyenne en Europe ; elle est aussi 10 fois celle de la Chine et 15 fois celle de l’Inde – bientôt les premières puissances industrielles de la planète.

Jamais le monde réel de cette planète ne produira 445 Mio de b/j. Si par sombre miracle il arrivait à le faire, la production des gaz à effet de serre dégagée par cette surconsommation serait tout simplement fantastique. Au-delà des 84 – 85 Mio de b/j actuels de la production mondiale réelle il est très peu sûr (quoi qu’en dise l’AIE et le respecté ‘Oil & Gas Journal’[§]) que la production mondiale puisse être portée à plus de 87 – 90 Mio de b/j, toutes sources de pétrole confondues. Le pic absolu est très proche, le marché mondial du brut va rester très fébrile et généralement haussier, le baril à 90 dollars pourra venir à tout moment. Lorsqu’il vient, la panique sera grande…..surtout dans le Pétroimpérium !

Le bilan est simple : le ‘modèle américain’ de consommation d’énergie est caduc et inapplicable pour le reste du monde et le reste du temps. Il est peu sûr que Steven Spielberg et Michael Moore en conviennent, ce dernier roulant en 4x4 et bouffant des hamburger dont le coût énergétique est en proportion inverse de sa qualité gastronomique.

Du côte de la ‘prospérité et bonheur’ qui sont censés couler du baril-corne d’abondance, et qui sont élevés en droits civiques américains (selon Hollywood et la Maison Blanche), est-ce que les Etats-Unis d’aujourd’hui rayonnent de ceux-là, ou plutôt de la marginalité et de l’ingouvernabilité croissantes ?

Tant au plan domestique qu’au plan géopolitique les Etats-Unis sont ‘dysfonctionnels’ et commencent très rapidement à ne plus compter. Leur guerre pétrolière en Irak est une catastrophe…pour la production pétrolière de l’Irak « après changement de propriétaire »  Cette guerre pétrolière termine très loin du bonheur hollywoodien, elle se solde par le pétrole plus cher et les chiffres en sont formels : l’Irak produit encore moins de pétrole qu’avant la guerre. N’importe quelle guerre pétrolière cherche à augmenter la fourniture de l’or noir. Mais Bush est un peu bête, tout le monde le sait.

Un Etats-Unisien moyen paie Euro 60 cents par litre environ à la pompe, et fait déjà de la gueule aux station service, surtout avec un 4x4 du type ‘Hummer’ à bichonner et à promener (35 litres par 100 de kilomètres, consommation moyenne pour les version ‘viriles’). Des villes ‘miraculeuses’ du lointain désert – comme Las Vegas et de dizaines d’autres telle Phoenix, Calexico et Mexicali – dépendent d’un noria de convois de camions et de trains dont la longueur des rames peuvent dépasser les 6 kilomètres. Même l’eau est transportée 1000 ou 1200 kms, parfois 1500 kms au-delà des cordillères et des montagnes de 3000 mètres d’altitude. Dans les ‘banlieues’ du désert (des ‘banlieues’ sans ville à moins de 100 kms) les nouvelles villas en placoplâtre abondent à 0,5 Mio d’Euro la résidence, sans gazon à cause de la note d’eau, qui grimpe avec le pétrole, le gaz et l’électricité. Et la piscine, ciel ma piscine. Elle est depuis longtemps en voie d’extinction, voire introuvable. Par contre, chaque villa possède un énorme climatiseur (de 50 kW ou 75 kW) qui en été et par +45°C tourne jour et nuit, nuit et jour, produisant des notes d’électricité de rêve ! En hiver, par –20°C le jour et –30°C la nuit, c’est la note de gaz pour la chaudière de 75 kW, tournant jour et nuit lui aussi qui crée l’évènement.

L’Américus énergicus a toujours cherché, et recherché des gadget, dits ‘solutions’ à son immense appétit d’hydrocarbures, par exemple la fusion nucléaire dite ‘contôlée’. Curieusement ou non, non seulement de certains Américains mais aussi des Japonais et des Européens croient toujours et/ou officiellement dans le mythe de la fusion nucléaire ‘contrôlée’. Avant le projet ITER, qui va engloutir 10 Mrds d’Euro, la plus grande ‘bouteille magnétique’ de type TOKAMAK sur cette planète était celle de San Diego, plus ou moins abandonnée de nos jours, par manque de financement, et par lassitude. Dans sa longue ‘carrière’ ce Tokamak a pu atteindre l’état ” énergie nulle “, à savoir autant consommée que produite, pendant 3 secondes. En 45 ans.

Il est toutefois bon de rêver d’une électricité ‘si peu chère qu’il ne saurait question de la mètrer’, et surtout si vous habitez une banlieue très loin dans le désert, avec une jolie voiture, ou deux, ou quatre. Pour un consommateur moyen des Etats-Unis l’énergie chère est comme une gousse d’ail pour un Vampire, comme une vérité dans le long et sombre cycle du Kali-Yuga ou comme la modération pour le jeune Apollon orgiaque, avant son séjour chez les Muses.

Outre le déclin inéluctable du ‘rayonnement culturel’ des E-U dans le monde, sa puissance économique est plus que contestée : la Chine devient la première puissance industrielle, est elle consomme 10 fois moins de pétrole par tête que l’Amérique. Qui va gagner ?
Les USA n’ont que le résidu, des miettes de leur ancienne puissance économique. La soi-disant ‘New Economy’, aussi fumeuse que le boum des point-com, est en train d’être balayée de la scène. Bien des analystes à Wall Street, et même à la Réserve fédérale jugent que les chances d’une récession due aux finances publiques américaines en pitoyable état seraient de 4 sur 5 ces 4 prochaines années. Si ce n’est pas « les deficits jumeux » alors ça sera le pétrole cher qui tue le miracle économique américain : on a le choix.

Sur le terrain, la fatigue et l’énervement gagnent sur ce qui serait la nouvelle quête héroïque (selon la Maison Blanche et les néoconservateurs), du light sweet crude en Irak ou Iran, il importe peu. Pour beaucoup de monde, même aux USA, l’Irak n’est rien qu’une ‘guerre pétrolière bis’ ou guerre contre la terreur du baril à 100 dollars ! Toutefois le régime de Bush a promis une longue guerre, et selon les médias de complaisance peut-être 45% des sondés aux E-U répondent toujours qu’ils l’adorent, cette quête héroïque. Le candidat Kerry s’engagea à fournir ” une meilleure guerre ” que celle de Bush, mais cela ne plut pas.

C’est une belle et sainte guerre que celle-ci, pour le pétrole et contre la terreur, et elle est permanente et livrée partout, même la nuit, dans des gares routières des bus long-courrier ‘Greyhound’ à 2000 kilomètres de la frontière la plus proche. Parfois on inspecte vos souliers, parfois on s’en moque. Parfois on fouille les passagers et prend leurs empreintes digitales, mais assez souvent on oublie tout et tout le monde passe sans même ouvrir leurs bagages à main. Mais la meilleure de cette héroïque guerre est sans doute l’action de la PAF ou gardes-frontières du crossing de San Diego (E-U) – Tijuana (Mexique). Par manque de moyens en hommes (qui sont employés ailleurs dans cette croustillante guerre) la PAF photographie bien les 2 plaques des voitures traversant la frontière de nuit mais ne fait pas de contrôle des voitures n’ayant aucune plaque, ni de devant, ni d’arrière. Plutôt bon pour Ali Qaeda et ses 40 Voleurs (de voitures) on est tenté d’ajouter.

Lorsque le baril monte à 90 ou 100 dollars des signes de détresse très évidents vont se manifester aux E-U en premier, et ensuite en Europe, au Japon, en Corée du Sud et chez les autres incoditionnnels de la conso de pétrole. Cela peut prendre 6 mois ou 18 mois, mais guère plus. Le pétroimpérium etats-unisien dans cet avenir proche sera comme une scène de Jurassic Park, vers la fin, avec les dinosaures battant la retraite dans la pagaye (n’oublions pas la musique) – le seul vrai danger étant celui d’être piétiné par un dinosaure en fuite !

[§] Oil & Gas Journal, Tulsa, OK, USA est le journal de référence de l’industrie pétrolière américaine. Son numéro consacré au ” Next Big Thing : Peak Oil ” (Vol 107, N° 15, 2004) présentait mon article traitant du rapport entre le prix et la demande mondiale de pétrole, en vedette.