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Article : Tocqueville et le règne de la quantité littéraire

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Aristo-démocratie

jc

  26/11/2017

Je suis d'accord qu'il faut surveiller très attentivement la "tenue" du langage. PhG cite souvent à ce propos Steiner: "[Maistre] fit valoir la congruence essentielle existant entre l’état du langage, d’un côté, la santé et les fortunes du corps politique de l’autre. En particulier, il découvrit une corrélation exacte entre la décomposition nationale ou individuelle et l’affaiblissement ou l’obscurcissement du langage : “En effet, toute dégradation individuelle ou nationale est sur-le-champ annoncée par une dégradation rigoureusement proportionnelle dans le langage”… ».

Le moderne Louis XI a signé un décret autorisant le nominalisme. Les relativités galiléenne et einsteinienne, l'arbitraire du signe saussurien, ont accentué le mouvement.

Devant le naufrage actuel du langage, le bla-bla-bla incessant, repérer puis répertorier certains mots ayant un sens absolu, semble absolument(!) indispensable dans "notre" tour de Babel globale.

La théorie thomienne des catastrophes est une théorie de l'analogie ("qui porte son ontologie en elle-même" dit Thom): pli ou fold, fronce ou cusp, papillon ou butterfly, sont des signifiants qui renvoient à des signifiés absolus, que je vois comme des "êtres vivants élémentaires" (quoiqu'abstraits!) car ils ne réagissent pas passivement à une sollicitation extérieure comme le font les objets inertes selon le principe newtonien de l'action et de la réaction.

Ces absolus du langage annoncent-ils un retour à une certaine forme d'absolutisme politique?

Il me semble que oui (mais il faut lire Thom pour se faire sa propre opinion): je vois l'espèce humaine comme une évolution des préhominidés qui a reçu un turbo-compresseur*, turbo qui a boosté le transfert du génétique au cérébral et donné un immense coup de fouet à son évolution comparée à l'évolution des autres espèces (Cf. par exemple "Le paradoxe du Sapiens" de JP Baquiast). Il faut qu'enfance et adolescence se passent. L'espèce abeille est bien parvenue, selon moi, à la maturité. Pourquoi pas l'espèce humaine évoluant vers un meilleur des mondes à la Huxley, bâtissant des cathédrales comme les abeilles bâtissent des ruches?

En attendant des jours meilleurs j'aime citer Aristophane:
"La logocratie aristocratique est la démocratie des idées".

Pour moi la signification de cette citation est: il appartient au véritable aristocrate** de convaincre le peuple tout entier, enfants comme adultes, il lui faut être pédagogue et démagogue (au sens étymologique). Convaincre le peuple: il y a un abîme entre la conviction aristocratique et les rhétoriques fumeuses des tribuns qui ont souvent emmené les peuples au désastre. J'ai en vue des gens comme Alexandre Grothendieck, René Thom*** et Philippe Grasset comme aristocrates archétypes.

La citation finale de Mirbeau renvoie au pamphlet de Châtelet: "Vivre et penser comme des porcs" et en particulier à sa conclusion. Dans cette aristo-démocratie, le problème sera de détecter les futurs aristocrates dans le peuple (inutile de dire que le formatage actuel ne remplit pas ce rôle!). La démocratie que Nicolas Bonnal nous dépeint est pour moi du genre de la thermocratie de Châtelet, l'une des pires, le simulacre total, et c'est celle que nous subissons actuellement. Je pense que l'aristocratie ne peut se passer de la démocratie dans le corps social (l'être social serait une terminologie plus juste) comme le germen ne peut se passer du soma dans l'être vivant, l'aristocratique renvoyant à la génétique, le démocratique renvoyant à l'épigénétique: pour moi l'aristo-démocratie est le régime politique de la civilisation à venir.

* Cf. SSM, 2ème ed. p.309.

** De même que l'habit ne fait pas le moine, la particule ne fait pas l'aristocrate.

*** "La crème des hommes", dit Jean Petitot.


 

L'alliance objective

jc

  27/11/2017


Ce qui s'effondre sous nos yeux, c'est le monde bourgeois dont on découvre avec horreur et bonheur que c'est un monde sans honneur ni odeur.

La révolution de 1789 était une révolution bourgeoise et les bourgeois ont volé au peuple "sa" révolution. La révolution permanente de la croissance et du progrès permanents était une illusion pour mougeons (croisement du mouton et du pigeon) qui dissimulait la véritable vérité: une mise en coupe réglée par le Système bourgeois, un vol permanent.

Ce monde là s'étale et se vautre dans son dégueulis.

Que reste-t-il debout? Le monde de l'honneur, c'est-à-dire l'aristocratie et le monde de l'odeur, c'est-à-dire la prolocrassie.

L'alliance objective de l'aristo qui méprise le bourge, et du prolo qui, lui, le hait?