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Article : Les écrivains et la fin de la nation comme programmation

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Non, là ce n'est pas possible....

Patrice

  12/11/2016

Tout d'abord le grand couplet sur l'Histoire "le produit le plus dangereux que la chimie de l’intellect ait élaboré", au motif que l'on peut lui faire dire tout et son contraire, que son enseignement a été perverti pour créer les fameux romans nationaux, et que "il est de notoriété publique que les tyrans et les envahisseurs sont des amateurs d’histoire"...  

Fermez le ban, fin de l'Histoire, cette chose inutile et néfaste à enseigner comme à apprendre. On rêve??? 

Pour balayer cette pseudo-argumentation, il suffit de regarder la page d'accueil du site dedefensa : un encart y fait la promotion de "La Grâce de l’Histoire (Tome II)", essai métahistorique…

On arrive au coeur du sujet: "L’Europe de Byron, Beethoven ou bien Pouchkine c’était tout de même autre chose. [...] Depuis, plus rien ou pas grand-chose." il est facile, comme l’avait compris Pierre le Grand, [...] de programmer ou de reprogrammer à volonté l’être humain ou les sociétés". 
En effet "au XIXème siècle on a ainsi appris au paysan l’histoire de « son pays » (alors qu’il n’était jamais sorti de son village et ne savait que son patois)"

C'est quoi ça??  Surtout ne rien enseigner au paysan patoisant et analphabète, car dans la série "c'était bien mieux avant" il faut en revenir à l'Europe des Princes, celle de Metternicht et du Congrès de Vienne, le bon temps où les sociétés furent de nouveau - heureusement? - régies par la seule tradition, par l'obéissance obligée (sous peine de bastonnade, voire de cachot ou gibet?) à une caste féodale, régnant par droit de naissance et droit divin, seule habilitée à réfléchir (parfois) pour diriger - pour son bien, nécessairement - le peuple…

On ne croit pas réver, on hallucine.

Passons charitablement sur "plus rien depuis Byron Beethoven Pouchkine" - ou plutot ne passons pas: le romantisme est quand même enfant des Lumières, un enfant rebelle célébrant le culte du sentiment, de l'individualisme et de l'émotion. 
Foin de la raison la boucle est bouclée. 

Donc retour à l'individualisme, au "sentiment", à l'émotion pure, mais critiquons quand même les modernes  post-modernes et tutti quanti, car l'être humain est désormais "spirituellement inanimé".

En effet Chostakovitch ou Gershwin, Sartre ou Camus ou Nietzsche, Mahler ou Berg, Thomas Mann ou Gabriel Garcia Marquez…. et tous les autres (Einstein?) sont définis comme un "pas grand chose" depuis l'époque bénie de Pierre le Grand.. (Céline et Nietzsche sont pourtant cités comme quoi la cohérence n'est pas l'essentiel).

Ah oui, la science "pas très ambitieuse". Celle qui cherche à comprendre l'univers, et le temps, dans ses briques quantiques de base comme dans le mouvement des galaxies et envoie des engins atterir sur des comètes? Celle qui, via l'intelligence artificielle des machines, commence à approcher de ce qui ressemble à la compréhension d'une forme de "libre arbitre" pour peut-être envisager bientôt la "conscience"? 

Car s'il est "facile de programmer ou de reprogrammer à volonté l’être humain ou les sociétés", n'est-il pas surtout devenu nécessaire pour "certains" de s'y essayer? Précisément parce que l'être humain, ayant appris et appris l'autonomie, est désormais susceptible de réléchir au lieu d'obéir,  et cela grâce malgré et à cause - entre autres - des profs d'histoire. 

Le lecteur attentif relira ce passage trop oublié ou trop ignoré d'un autre "programmeur déprogrammeur" de cerveaux, Renan dans "Qu'est-ce qu'une nation?"

"Les nations ne sont pas quelque chose d'éternel. Elles ont commencé, elles finiront. La confédération européenne, probablement, les remplacera. Mais telle n'est pas la loi du siècle où nous vivons. À l'heure présente, l'existence des nations est bonne, nécessaire même. Leur existence est la garantie de la liberté, qui serait perdue si le monde n'avait qu'une loi et qu'un maître."