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Article : La crise Out Of The Matrix

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Hors de la matrice

jc

  18/07/2017

En refusant toute métaphysique, toute référence au sacré, notre contre-civilisation a réussi le tour de force de résoudre le paradoxe de Fermi, c'est-à-dire à se fabriquer elle-même un monde dont elle ne peut sortir. Et si quelque hurluberlu (voire la réalité elle-même) tente quelque objection? Le silence pour toute réponse. [Cf. à ce propos le superbe article du glossaire: "La crise de la raison humaine"]

Pour moi la seule façon de sortir de la matrice c'est de réintroduire la métaphysique, le sacré. [et il n'est pas nécessaire -mais il n'est pas non plus interdit- de se réfugier dans le religieux pour cela (PhG insiste régulièrement sur ce point)]

Thom a écrit deux ouvrage majeurs ("Stabilité Structurelle et Morphogénèse" et "Esquisse d'une Sémiophysique" publiés respectivement en 1972 et 1988) ainsi qu'une kyrielle d'articles philosophiques (certains rassemblés dans "Méthodes Mathématiques de la morphogénèse" et dans "Apologie du Logos".

Dans le dernier paragraphe de la conclusion de ES Thom résume bien, à mon sens, la situation actuelle de notre contre-civilisation:

"La Science moderne a eu tort de renoncer à toute ontologie en ramenant tout critère de vérité au succès pragmatique. Certes, le succès pragmatique est source de prégnance, donc de signification. Mais il s'agit d'un sens immédiat, purement local. Le pragmatisme -en ce sens- n'est que la forme conceptualisée d'un certain retour à l'animalité. Le positivisme a vécu de la peur de l'engagement ontologique."

Pour les élites qui nous imposent cette contre-civilisation il n'y a pas d'alternative à la matrice de l'empirisme, du pragmatisme et du positivisme (le pragmatisme de Trump l'affectif et le positivisme de Macron l'intello?), c'est à dire à la matrice du Système anglo-saxonniste: TINA.


La dernière phrase de cette conclusion de ES est:

"Seule une métaphysique réaliste peut redonner du sens au monde."


 

Hors de la matrice (suite)

jc

  18/07/2017

Dans mon précédent commentaire j'ai développé (très brièvement) l'idée que la sortie de la matrice nécessitait le retour à la métaphysique, au sacré, seule façon (personnellement c'est Thom qui m'en a convaincu, mais il y a très certainement d'autres voies d'accès), de redonner du sens au monde.

Le problème de notre contre-civilisation c'est qu'elle se fout complètement du sens, du "pourquoi", puisqu'elle postule, actuellement quasi-explicitement, que le monde, en particulier le monde vivant (celui qui nous intéresse au premier chef), n'en a pas: "nos" élites nous affirment et nous serinent en effet que nous sommes là par hasard, par le hasard des mutations (et tout contrevenant est immédiatement taxé de créationniste par les chiens de garde du "scientifiquement correct").

On ne peut qu'être pris de vertige quand on voit la dégradation des problématiques qui avaient jadis cours (opposition Platon/Aristote, querelle des universaux, etc.) et qui ont fait place (entre autres) aux "Principes mathématiques de la philosophie naturelle" de Newton ("Hypotheses non fingo"!) et aux "Lois de la pensée" qu'ont prétendu nous imposer Boole et les néo-positivistes.

Mais "notre" contre-civilisation ne s'intéresse pas au "pourquoi", seulement au "comment". Comprendre le monde ne l'intéresse que dans la mesure où sa compréhension lui permet d'augmenter la maîtrise qu'elle a sur lui. Devenir maîtres du monde (et éternellement maîtres du monde tant qu'on y est!)) tel est l'idéal visé par les élites de "notre" contre-civilisation.

Mais la réalisation de cet idéal nécessite sans (aucun?) doute de passer un pacte faustien:

"Finalement, le “pacte faustien” pourrait s’apprécier comme un acte de “servilité volontaire” de la raison, ou “servilité rationnelle”, par rapport à la puissance de la matière déchaînée, dans l’espoir d’ainsi obtenir et maîtriser le moyen de l’affirmation de sa propre puissance par l’intermédiaire de la matière déchaînée." (PhG, "La crise de la raison (humaine)").

[Il est clair que pour moi il y a servilité volontaire des "cerveaux" qui acceptent d'être financés par des hyper-riches pour travailler sur de tels sujets]

Avant de s'occuper du transhumain et du posthumain il est selon moi absolument nécessaire (et plus fructueux pour la civilisation à venir) de tenter au préalable de faire avancer la problématique posée par Socrate: "Connais-toi toi-même" (et de se poser au passage la question de l'existence d'une intelligence et d'une rationalité naturelles).

Selon moi les dogmes de la contre-civilisation actuelle enferment la pensée-Système dans une prison qui interdit pratiquement tout progrès  significatif sur ce sujet.






 

Hors de la matrice (fin)

jc

  19/07/2017

Dans mon précédent commentaire j'ai émis l'idée (bien naturelle!) qu'il serait bon d'approfondir notre connaissance de la matrice avant de tenter d'en sortir: d'abord mieux se connaître soi-même, d'abord se poser la question d'une intelligence et d'une rationalité naturelles, avant de se lancer dans des extrapolations hasardeuses de ce que nous croyons être mais que nous ne sommes peut-être pas, de ce que nous croyons être la nature et qu'elle n'est, elle non plus, peut-être pas.

Dans l'article du jour consacré au même sujet (de la BA à l'IA) PhG cite François Mattéi:

"Le premier niveau, qui a été théorisé par Platon, est celui de la modélisation. Il consiste à construire un modèle théorique à partir d’une idée directrice… [...] Ce modèle est susceptible d’engendrer la réalisation d’un nombre considérable d’œuvres scientifiques, techniques, artistiques et littéraires dont la nature est architectonique puisqu’elles sont construites sur un fondement rationnel, arché."

C'est, à mes yeux, exactement la démarche de René Thom dont le coeur de sa théorie de la morphogénèse* est, selon moi, l'analogie "entre le développement d'un embryon d'une part, et une série de Taylor à coefficients indéterminés d'autre part" (SSM, 2ème ed., p.32).
[En écho à la fin de la citation de F. Mattéi je signale que SSM est sous-titré "Essai d'une théorie générale des modèles]

La physique moderne a fait le choix de la calculabilité et a orienté le développement des mathématiques (mathématique de la maîtrise -Cédric Villani, ardent soutien de Macron…) dans cette direction.
Thom a fait le choix de la stabilité structurelle et des mathématiques qui vont avec (qualifiées par lui de mathématiques de l'intelligibilité) et écrit:
"La Physique [moderne] a sacrifié la stabilité structurelle à la calculabilité**. Je veux croire qu'elle n'aura pas à se repentir de ce choix."

Ce qui précède permettra peut-être d'aider certains à lire autrement que distraitement ce qu'écrit Thom (SSM, 2ème ed. p.320) et d'en tirer profit:

"En permettant la construction de structures mentales qui simulent de plus en plus exactement les structures et les forces du monde extérieur -ainsi que la structure même de l'esprit- l'activité mathématique se place dans le droit fil de l'évolution. C'est le jeu signifiant par excellence, par lequel l'homme se délivre des servitudes biologiques qui pèsent sur son langage et sa pensée et s'assure les meilleures chances de survie pour l'humanité."



* Morphogénèse est pris au sens très général de "processus créateur ou destructeur de formes" (les formes n'étant pas nécessairement biologiques)

** L'arrivée de l'ordinateur a amplifié le mouvement.
 

Continu vs discontinu

jc

  24/07/2017

Je poste ici à cause de l'allusion au paradoxe de Fermi: "Pourquoi n’avons-nous jamais rencontré d’extra-terrestres? Eh bien, parce que nous vivons dans un monde qu’ils ont fabriqué eux-mêmes pour nous y maintenir."

Pour Thom l'opposition discontinu/continu fonde et domine toute la pensée. Pour lui, pour une raison d'intelligibilité, le continu est l'être premier*. Et il suit naturellement que pour lui le "voir" est potentiellement plus riche que le "dire", rejoignant ainsi Confucius(?): "Une image vaut mieux que mille mots". [D'où son programme ("énorme" selon lui) de spatialiser la pensée]

Mais Thom, maintenant décédé, n'était pas un humain moyen: il voyait en quatre dimensions dès l'âge de 10 ou 11 ans (cf. le tout début de http://pedagopsy.eu/entretien_thom.html ). C'était donc une sorte d'extra-terrestre qui voyait les humains moyens comme les humains moyens peuvent imaginer des êtres vivants bi-dimensionnels condamnés à ramper sur la surface du globe sans pouvoir lever les yeux, donc sans horizon. Et son problème a été de convaincre, c'est-à-dire d'exprimer avec des mots sa vision 4D (et plus!) du monde: "Comment comprimer la pâte continue des phénomènes dans le moule discret des actions déjà verbalisées?".
[Problème irritant puisque la nature sait peut-être le résoudre (code génétique)]

Je reprends pour finir un commentaire fait dans "De la BA à l'IA": Le géomètre Thom "voit" le monde (en 4D) et tente de l'exprimer avec des mots. Je suis très loin de son niveau mais il me semble comprendre sa démarche.

Le logocrate(?) Grasset "dit" directement le monde avec des mots, avec parfois l'impression que c'est sous la dictée d'une intuition haute. C'est pour moi un mystère.

Je suis convaincu que RT et PhG ont les mêmes intuitions du monde. Y a-t-il ou non dualité parfaite continu/discontinu?



* Si l'on prend le continu comme être premier alors les paradoxes de Zénon s'évanouissent. Ce n'est pas le cas si on prend le discontinu comme être premier. Le "continu" obtenu par la construction mathématique de la droite réelle en bouchant les trous à partir du discontinu que constitue les nombres entiers n'est qu'un continu fantasmé qui ne permet pas de lever les paradoxes de Zénon.