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Article : Notes eschatologiques sur Frankenstorm

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Sur le désir de catastrophe.

GEO

  03/11/2012

En guise de publicité: la fin du livre de cédric Lagandré
“la plaine des asphodèles”, publié par Climats, 2012.

(......)

La catastrophe imminente

  Mais au fond notre enfermement même est de bon
augure : l’humain résiste à sa transformation en chose
muette. Désœuvrée, l’humanité se découvre une tâche
irréductible, que ne commande aucun Dieu, et dont
aucune pratique ne l’acquitte. Un avoir-à-faire alors
qu’il n’y a rien à faire ; un avoir-à-dire alors qu’il n’y a
rien à dire. Ce que l’humanité rencontre, en même
temps que l’impossibilité de restaurer les cultures dis-
parues, c’est l’impossibilité de s’acquitter du langage,
qui se maintient comme maladie, comme ne-pas-
tourner-rond, comme angoisse : l’angoisse vague mais
persistante que laisse à l’esprit l’irrésolu de cette tâche
à laquelle on ne peut répondre, cet avoir-à sans assigna-
tion, cette dette bizarre à l’égard de personne. Un rien,
sans doute, puisque aucun Dieu ne nous y oblige, et
qu’aucun discours ne sait en rendre compte. « Le désir
suffit à faire que la vie n’ait pas de sens à faire de nous
des lâches », disait Lacan. Dieu n’existe pas, et il n’est
pourtant pas permis d’être lâche. Même vide, la mer
reste à boire. L’appel d’être demeure, quoique aucun à-
venir ne se donne à désirer, puisque seule reste au
monde la vaste plaine du réel aplati. Mais il ne
demeure que sous une forme grimaçante, désir rendu
au désastre qu’il est. Pour avoir anéanti les significa-
tions, on n’en a pas pour autant fait taire le signifier,
qui se perpétue comme un rien. Mais un rien qui nous
chiffonne : à défaut de se déplier en pas-encore, c’est-
à-dire en possible subjectif, la négativité du pas-autrement
hante l’esprit comme une sourde angoisse. Le seul après
auquel le sujet, empêché de se faire, est exposé, est celui
de la catastrophe ; le seul horizon pour le moi désolé,
sommé de trouver en lui seul un sens à exister, c’est le
déluge de l’après-moi. Cet « après moi le déluge » qui
constitue la vérité de notre temps n’est pas à prendre
au sens où tel ou tel moi serait égoïste, mais au sens où
le « déluge » est le seul horizon possible pour un moi pris
à la lettre, un moi sans histoire, un moi sans sujet. Notre
lot historique est le sentiment de la catastrophe imminente.
La catastrophe matérielle annoncée par le discours éco-
logique n’est que la projection collective du désastre
individuel, c’est-à-dire de l’aberration anthropologique
où nous sommes, qui fait assumer à l’individu seul et
souverain, sans porte ni fenêtre, son identité au Tout. Le
prochain d’un être sans prochain, c’est le rien, c’est-à-
dire le contraire du Tout. Et comme rien ne freine plus
l’existence humaine, que malgré sa longévité l’homme
moderne a presque déjà fini sa vie sitôt qu’il la com-
mence, car une vie standardisée est par définition sans
devenir ni développement possible - de la même
manière que l’automobiliste empruntant une autoroute
est pour ainsi dire déjà arrivé, ce n’est qu’une question
de temps, juste un morceau de temps sans avenir-, les
vies humaines se trouvent aussitôt écrasées sur le rien
auxquelles elles sont promises. Quant à la catastrophe
naturelle qui s’annonce, elle n’est évidemment pas une
catastrophe du point de vue du réel : le réel est en soi la
catastrophe, rien n’est pour lui catastrophique ; que la
« nature » telle que nous la connaissons subisse bientôt
des modifications radicales,  comme elle en a subi
d’innombrables par le passé, n’est pas un problème pour
la nature, mais un simple bouleversement de ses équi-
libres. Des espèces peuvent disparaître, d’autres apparaî-
tront, et il est parfaitement raisonnable d’imaginer qu’un
jour, de nouvelles espèces de grands prédateurs domi-
neront la planète ; qui s’imagine sérieusement que
l’espèce humaine assistera à la mort du système solaire ?
L’homme ne « détruit » pas la nature : il se contente,
depuis qu’il s’en croit le propriétaire, de la rendre invi-
vable pour lui, et de précipiter la disparition des espèces
qui s’y trouvent, ainsi que la sienne propre. L’annonce
de la catastrophe matérielle n’est en somme que l’expres-
sion, inscrite dans les choses mêmes, de la catastrophe
culturelle,  pour autant que la catastrophe désigne
d’abord, dans le langage tragique, le moment où la fata-
lité se lève, désamorce le sérieux des actions humaines,
c’est-à-dire leur capacité à avoir prise sur les événements,
et précipite tout ce beau monde à l’abîme. Quand il
n’arrive rien, quand les choses sont disposées autour de
l’homme de manière à ce qu’il ne puisse plus rien arriver,
lorsqu’on bâtit un monde plein (aussi bien que plain),
saturé, expurgé de toute virtualité, la seule chose qui
puisse arriver est le rien lui-même. Le pressentiment
moderne de la catastrophe, et, disons-le, le goût pour la
catastrophe, n’est que l’effet d’un désir empêché de dési-
rer. Il faut quelque chose, dit Beckett ; mais la catas-
trophe est le seul nom possible de ce quelque chose qu’il
faut. Aussi est-elle réclamée à grands cris par les âmes des
asphodèles.
Le pressentiment de la catastrophe est l’expression de
la conscience partagée d’avoir franchi un point histo-
rique de non-retour, quoique cette conscience advienne
sous la forme paradoxale d’un revenu-de-tout ; la
conscience partagée, quoique diversement exprimée,
d’un épuisement des possibles ou, pour être exact :
d’une exténuation de la catégorie même du possible.
Sous la profusion sans précédent des discours, la vitesse
foudroyante des notoriétés, nous pressentons que nous
avons détruit les conditions mêmes de la mémorabilité.
Et puisque « le monde » ne vise en vérité que cette
mémorabilité, qui ménage pour les hommes le semblant
d’un tourner-rond, la fin du monde n’est plus à craindre,
nous y sommes déjà. « Sentiment de la préhistoire »,
disait De Chirico il y a déjà un siècle : les pierres s’affran-
chissent des monuments qui les vouaient à la forme et
au sens, la dureté de leur matière se dresse dans sa nudité
impitoyable et atemporelle, son éternel midi, son opa-
cité,  son mutisme,  révélant sous les récits humains
réduits à l’impuissance le monde sous l’homme, sans
l’homme, indifférent à l’homme. Sans le symbole, le réel
est un trou. C’est dans ce trou que l’homme moderne
est précipité ; de ce trou, notre époque est l’apocalypse,
c’est-à-dire la révélation. Apocalypse de l’en-soi rendu à
sa vitesse,  à son néant primitif,  et parvenant à la
conscience sous la forme dramatisée, la seule possible
dans la déchéance des drama, de l’imminence du
désastre. La catastrophe est le récit minimal, celui auquel
est condamné l’homme qui n’a plus rien à se raconter,
le seul horizon, le seul après possible, somme toute dési-
rable, pour qui n’est plus en devenir.
  Ce désastre n’en constitue pas moins une occasion
unique dans l’histoire des hommes. « A partir d’un cer-
tain point, écrit Kafka, il n’y a plus de retour. C’est ce
point qu’il faut atteindre. » Nous y sommes, mais ne
pouvons l’admettre. Les marges bruissent, mais le
centre est pétrifié. Le commun fait défaut, le monde
fait défaut ; nous qui aimerions posséder le monde
sans sortir de chez nous, peut-être finirons-nous,
dans ce désert, et comme l’annonçait encore Kafka, à
contraindre le monde à « se tordre devant soi » - le
monde à toute force voulant exister. Pour cela, il ne
nous manque peut-être que de parvenir à ce que
Beckett appelle la vraie prière : « Oui, on a beau dire,
il est difficile de tout quitter.  Les yeux usés d’offenses
s’attardent vils sur tout ce qu’ils ont longuement prié,
dans la dernière, la vraie prière enfin, celle qui ne sol-
licite rien. Et c’est alors qu’un petit air d’exaucement
ranime les vœux morts et qu’un murmure naît dans
l’univers muet, vous reprochant affectueusement de
vous être désespéré si tard. »

Nous sommes tous concernés

Jean-Paul Baquiast

  03/11/2012

Welcome to the Third World (USA) by John Rubino

Francis Lambert

  04/11/2012

Welcome to the Third World, Part 9: Entrepreneurs Can’t Retire on September 3, 2012
For most small business people, the ideal life goes pretty much like this: a few years of all-consuming obsession to get set up, followed by a few decades of 12-hour days to build a reputation and client base sufficient to make the business valuable. Then sell out for enough to retire comfortably. This is easier [...]

Welcome to the Third World, Part 8: A PhD Is Now a “Path to Poverty”  on August 23, 2012
Newly-minted anthropology PhD Sarah Kendzior has written a chilling piece for Aljazeera on what things are really like in academia these days: The closing of American academia It is 2011 and I’m sitting in the Palais des Congres in Montreal, watching anthropologists talk about structural inequality.  The American Anthropological Association meeting is held annually [...]

Welcome to the Third World, Part 7: Bye Bye, Public Services on August 12, 2012
Meredith Whitney was an obscure Oppenheimer & Co. bank analyst back in 2008 when she broke from the pack and predicted Armageddon. She was right, the pack was wrong, and she parlayed her new-found fame into a research boutique of her own. Last year she went for it again, predicting that the next big crisis [...]

Welcome to the Third World, Part 6: Portraits of a Quiet Depression on August 7, 2012
Last month I took a long, winding West Coast trip, partially for work and partially to see some old friends. It was…shocking. Almost without exception the old friends are having money or career troubles, in some cases catastrophically so. Most, to one degree or another, have lost the lifestyles they once saw as every well-educated [...]

Welcome To The Third World, Part 5: Higher Education Goes Broke on June 22, 2012
Not all that long ago, most college campuses were pleasant but somewhat austere places where kids without much free cash learned from modestly-paid (but dedicated and respected) professors. Then came the credit bubble, which allowed universities to put up modern buildings and hike pay and benefits, all paid for with state aid, student loans (which [...]

Welcome To The Third World, Part 4: Boomers Reap What They’ve Sown on December 19, 2011
It was fun while it lasted. We Baby Boomers got to diss our elders when we were young and borrow without restraint through middle-age. Few generations have traveled such a smooth stretch of financial/psychological highway. But now that we’re…old…the world we created isn’t so congenial. Our savings are inadequate, jobs are scarce, and retirement, as [...]

Welcome to the Third World, Part 3: Disappearing Pensions on November 8, 2011
One of the things that separate the “rich” world from the rest of humanity is the expectation that a lifetime of work is rewarded with a comfortable retirement. Whether through an employer’s pension or 401(K), or government plans like Social Security and Medicare, citizens of the US, Canada, Europe and Japan take it for granted [...]

Welcome To The Third World, Part 2: Real Lives on November 1, 2011
Yesterday’s Wall Street Journal devoted an entire page to the differences between today’s economy and a typical recovery: Slow Recovery Feels Like Recession Americans are two years into a recovery that doesn’t feel much different to many of them from life during the most bruising recession in seven decades. Scenes of the long haul back [...]

Welcome To The Third World. Part 1 on August 22, 2011
One upon a time, the US was a place where police came when you called, a basic safety net caught those who fell on hard times, and a lifetime of work was rewarded with a decent retirement. A First World country, in other words. To be born here was to win life’s lottery. But apparently [...]

le 11 novembre: Commémoration des poilus ou des opérations militaires de l'OTAN?

dominique Muselet

  14/11/2012

Mon amie, Rosa Llorens à qui j’ai offert votre livre “Le’s âmes de Verdun” a écrit cet article en hommage à votre travail qui est paru sur LGS: http://www.legrandsoir.info/le-11-novembre-commemoration-du-sacrifice-des-poilus-ou-des-operations-militaires-de-la-france-et-de-l-otan.html