Zbig, il se fait tard...

Brèves de crise

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Zbig, il se fait tard...

L’habitude a été, ces dernières années, de consulter quelques anciens hauts conseillers de sécurité nationale US de l’ère d’avant 9/11 et même d’avant la fin de la Guerre froide, pour y trouver chez eux quelque sagesse. Leurs conduites lorsqu’ils étaient “aux affaires” fut loin d’être irréprochable, mais semble, par rapport au standard actuel, un panthéon de sagesse. Ainsi “les vieilles canailles” apparurent souvent comme des “vieux sages”. Les “vieilles canailles” principales sont Henry Kissinger et Zbigniew (Zbig) Brzezinski ; ces deux dernières années, Kissinger s’est tenu un peu effacé tandis que Brzezinski s’est très largement mis en avant.

Avec l’Ukraine, Brzezinski s’est déchaîné, retrouvant son tempérament polonais bien loin du “vieux sage”. La Russie est (re)devenue l’ennemi n°1 et les conseils de Brzezinski poussaient largement dans le sens de l’affrontement entre les USA et la Russie, dans tous les cas jugeant irrémédiable le fossé entre les deux puissances et assurées les intentions expansionnistes de la Russie. Pour ce qui concerne l’intervention russe en Syrie, Brzezinski a d’abord recommandé aux USA de “résister” à la pénétration russe, si besoin en allant jusqu’à l’affrontement.

... Brusquement, tout change. Brzezinski irait jusqu’à dire que la destruction du Su-24 a remis toutes les choses en place, que Russie et USA sont sur le point de s’entendre et que “leurs intérêts sont plus proches que jamais”, que la Russie a avalé la couleuvre (la destruction du Su-24) sans réagir et qu’elle agit (en Syrie) “d’une façon plus modérée”, que la Turquie reste ferme. Toutes ces affirmations sont quotidiennement démenties par les évènements, autant opérationnels qu'avec les déclarations diverses des uns et des autres.

Brzezinski se fait-il vieux ? Ce n’est pas une hypothèse ni une question mais l’inéluctable marche du temps. Pourtant, rien ne montre chez lui une quelconque sénilité intellectuelle. L’âge intervient peut-être dans la principale explication que nous proposerions : la confusion d’un esprit dont la psychologie a fini par être grandement affaiblie par l’atmosphère délétère avec le maximalisme et le déterminisme-narrativiste de Washington , qui pense donc en fonction des influences de la “bulle” washingtonienne plus que des évènements. Dans ce cas, justement, Brzezinski tente de montrer qu’il n’en est pas le jouet. Sa position exposée ici dans une interview à Politico.com, contraire à l’analyse évidente de la politique comme de ses propres positions d’il y a un mois (alors que son analyse actuelle aurait pu se justifier il y a un mois !), représente une tentative stérile politiquement de sembler retrouver un peu de sa “sagesse” avec une posture du pseudo-réaliste recommandant une politique d’entente redonnant aux USA un statut de puissance qu’ils n’ont plus. (La seule information que nous apporte Brzezinski est, a contrario et contre son gré, que les USA sont vraiment très affaiblis.) L’interview est résumée en français dans un texte de Sputnik-français, le 30 novembre.

« Les intérêts russes et américains sont aujourd'hui proches comme jamais, estime l'ex-conseiller du président américain sur la sécurité nationale Zbigniew Brzezinski. Il suffit de donner la préférence à une politique plus modérée en Syrie, et les deux pays pourront non seulement régler la crise syrienne, mais également atteindre une paix stable dans leurs propres relations. Aucun d'entre eux, d'ailleurs, n'est intéressé à la confrontation, d'après M. Brzezinski cité par le journal Politico. Un mois auparavant, ce faucon de l'époque de la guerre froide appelait la Maison Blanche à faire preuve d'un “courage stratégique” face à la Russie, dont l'opération militaire en Syrie aide Bachar el-Assad à rester au pouvoir, ce qui nuit aux intérêts américains dans la région. Depuis que la Russie s'est mise à agir “d'une façon plus modérée”, il considère l'avenir des relations entre les deux pays avec bien plus d'optimisme.

» Les tensions entre la Russie et l'Occident “sont sérieuses, mais pas fatales”, estime M. Brzezinski. Et si le bon sens l'emporte, elles pourraient même s'avérer bienfaisantes, vue que les deux parties seraient obligées de négocier pour régler la crise syrienne et éviter des “conséquences encore plus destructives”. Selon lui, on est en droit d'espérer que le bon sens prévaudra. Le politologue constate que l'Occident a fait preuve de calme dans sa réaction à l'incident impliquant un bombardier russe Su-24 abattu par les forces aériennes turques. Pour leur part, les Russes, après avoir pris une grande respiration, ont fini par reconnaître que l'escalade ne servait à rien. Et la Turquie, qui se montre ferme et intransigeante, ne souhaite pas non plus que la crise s'aggrave, conclut Zbigniew Brzezinski. »

 

Mis en ligne le 1er décembre 2015 à 06H34