Trump, Poutine et le Québec

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Trump, Poutine et le Québec

Les Québécois, victimes du provincialisme de leurs élites, se sentent souvent dépassés par une réalité géopolitique qui semble ne concerner que les grandes nations de ce monde. Et pourtant. Cette petite nation nordique aura démontré une étonnante capacité de résilience au gré des changements de régimes qui ont émaillé ce qui constitue l’enfance de son histoire. Pris en serre entre le colonialisme britannique et l’émergence de la révolution américaine les canadiens-français ont rapidement tiré parti de la proximité de plusieurs centres économiques émergeants pour tisser de nouveaux liens avec leurs voisins du sud. La nation québécoise est de nouveau à la croisée des chemins suite aux dernières élections américaines.

Le Québec, comme toutes les nations du monde, a particulièrement été fragilisé par une mondialisation galopante qui contribue à pulvériser les attributs d’une citoyenneté qui est tout sauf une pétition de principe. Les frontières se dissolvent, l’immigration devient la prérogative des marchés, la sphère financière menace l’équilibre économique précaire des régions et la culture locale doit céder la place aux dictats d’une matrice qui prône la pensée unique. Pas étonnant, dans un tel contexte, que nous assistions à la résurgence des mouvements citoyens et politiques se réclamant d’un patriotisme qui représente, peut-être, l’ultime parade face à ce qui s’apparente à un cancer généralisé. Et, contre toute attente, le nouveau Président Trump vient de déclarer la guerre aux globalistes en assumant une position souverainiste sans équivoque. On assiste donc, à contrario des fantasmes véhiculés par la presse-système, à un gigantesque point de bascule géopolitique qui risque de transformer les États-Unis en véritable fer de lance pour les souverainistes de tous les horizons !

Changement de cap chez nos voisins du sud

Les États-Unis n’échappent pas à ce fléau, malgré l’incontestable emprise des élites américaines sur les sphères financières et militaro-industrielles qui président à la destinée d’un empire en perte de vitesse. Donald Trump aura profité du ras-le-bol de la classe laborieuse américaine pour venir donner un grand coup de pied dans la termitière. N’hésitant pas à se réclamer d’une certaine forme d’isolationnisme, Trump souhaite renverser la vapeur en ce qui concerne l’entrée massive des immigrants et … la délocalisation des rares centres de production qui subsistent au pays de l’Oncle Sam.

Chemin faisant, il s’engage à renégocier tous les traités de libre-échange qui ont contribué à neutraliser de plus en plus les capacités régaliennes de l’état. Mettant la FED au défi, l’ambitieux chalenger propose, même, que l’état américain reprenne en main les leviers de la création monétaire et mette un terme à la mainmise de la sphère financière sur l’économie domestique. Bref, Donald Trump s’est jeté dans l’arène politique dans le but avoué de contrecarrer la gabegie qui menace l’édifice de la nation américaine dans son entier.    

Un rapprochement inespéré avec la Russie

Souhaitant faire de l’ordre dans la maison américaine, le futur président admet que les USA n’ont plus intérêt à policer le monde. C’est ainsi qu’il a tendu la main à un Vladimir Poutine qui semble désireux de renouer avec les États-Unis sur une base plus équitable. Poutine et Trump pourraient même se rencontrer quelque part en début d’année 2017, si, toutefois, un conflit mondial n’éclate pas d’ici là. Il n’y a pas à dire, Donald Trump devra confronter les caciques de son propre parti – sans oublier toutes les forces de l’état profond – pour que ce rapprochement entre les deux grandes puissances puisse se concrétiser à brève échéance.

En outre, il devra aussi renverser la vapeur à l’échelle internationale puisque les alliés des USA ont l’habitude de traiter la Russie comme un état voyou. Ainsi, le gouvernement de Justin Trudeau, pris en otage par certaines communautés qui font la pluie et le beau temps dans l’Ouest canadien, donne l’impression d’être sur un pied de guerre face à une Russie qui n’entretient pas vraiment de contentieux avec le « Royaume du multiculturalisme ». C’est ici que le Québec pourrait tirer son épingle du jeu, dans un contexte où sa position géopolitique pourrait l’amener à jouer un rôle de médiation dans toute cette affaire.

Le Québec à la croisée des chemins

Le Québec, à l’époque des Daniel Johnson de ce monde, a été capable de marquer des points à l’international. Damant le pion à Ottawa, nous avons réussi à occuper une position de premier plan lors de la création des organismes soutenant un concept de francophonie appelé à concurrencer le Commonwealth. Le gouvernement du Québec a créé un précédent, en outrepassant les prérogatives de la diplomatie canadienne, ce qui a permis à l’appareil d’état québécois de se déployer pour la première fois à l’international. La doctrine Gérin-Lajoie voyait le jour. De nouveaux liens ont été tissés, le Québec a implanté des délégations commerciales et culturelles un peu partout à l’étranger, ce qui a eu pour effet d’augmenter le rayonnement international de cette petite nation émergente.

La nouvelle direction du Parti québécois, formation politique qui ambitionne de reprendre le pouvoir lors des prochaines élections de 2018, doit rapidement se positionner face à la nouvelle donne géopolitique qui est sur le point de bouleverser le “grand échiquier”. Nous sommes, par-delà tous les lieux communs habituels, une nation nordique et nous partageons, outre le hockey, plusieurs points communs avec les Russes. Notre désir d’indépendance s’apparente, le plus simplement du monde, à la volonté russe de promouvoir un monde plus multipolaire. Malheureusement, beaucoup de Québécois manquent de culture politique et les grands médias occupent toujours une place prépondérante en “Nouvelle France”. Mais les temps changent et les consciences prennent de la maturité. Il est à souhaiter que nos élites souverainistes puissent se doter d’une doctrine politique digne de ce nom, histoire de tirer les marrons du feu !

Curieusement, dans un contexte où la renégociation des accords de libre-échange entre le Canada et les USA risquent de générer beaucoup d’inquiétude au Québec, il y a fort à parier que nous gagnerions à tisser de nouveaux liens commerciaux avec la Russie. À l’heure où Marine Le Pen et le Front national (FN) multiplient les prises de contact avec les autorités russes, le Québec aurait tout intérêt à profiter de ce canal privilégié pour venir y tisser de nouveaux liens diplomatiques. Et, dans un contexte où Poutine et Trump envisagent d’engager un dialogue durable, le Québec pourrait bien reprendre son bâton de pèlerin à l’international afin d’user de sa position unique afin de contribuer à l’avènement d’un monde véritablement multipolaire. C’est dans cette optique que nous avons intérêt à nous positionner comme une sorte de Suisse des Amériques.

Patrice-Hans Perrier

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