RapSit-USA2020 : L’hiver de la terra incognita

Brèves de crise

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RapSit-USA2020 : L’hiver de la terra incognita

Voici l’avis du colonel Lang sur les élections (présidentielles et législatives) du 3 novembre 2020 aux USA : tous, absolument tous les résultats, estime-t-il, seront l’objet de contestations débouchant sur des plaintes en justice, ce qui signifie que les USA seront complètement à l’arrêt ; une sorte de “reconfinement juridique” si vous voulez, dans ce pays qui ne vit que par et pour la loi, dans ses plus horribles labyrinthes et dans ses plus sordides arrangements, comme dans ses plus sublimes illusions et ses plus fermes prérogatives.

Le niveau de haine a atteint effectivement une structuration qui serait presque une sorte et une forme d’essence suggérant des mondes différents qui sont insupportables l’un à l’autre. Comme le rappelle Lang à propos d’une parlementaire démocrate, l’élection elle-même est, à partir du moment où Trump y participe, la preuve que Trump triche ; et par conséquent, le rejet d’une victoire de Trump est automatique puisqu’automatiquement faussaire pour les démocrates : “Cela ne se peut”...

« Notre pèlerinage survivra-t-il à 2020 ?  Seul l’avenir nous le dira, mais une chose est sûre. Les avocats prospéreront dans le monde post-électoral.

» Mon avis est que les résultats de l’élection présidentielle seront contestés devant les tribunaux fédéraux dans les 50 États et le résultat de ces contestations sera ensuite porté en appel devant les cours d'appel fédérales.  SCOTUS  [jusqu’à la Cour Suprême] finalement ?  Certainement.

» La même chose se produira lors des élections à la Chambre et au Sénat.

» Les démocrates signalent qu'ils n’accepteront pas la réélection de Donald Trump, car comme l’a déclaré la députée Val Demings, “il triche”.  Cela semble vouloir dire que l’élection elle-même est la preuve de la tricherie de Trump, car la députée Demings et les démocrates pensent que Trump ne pourrait pas gagner autrement.  Cela rappelle cette habitante de Manhattan qui avait déclaré après le vote et l’élection de 2016 qu’elle ne comprenait pas comment Trump avait pu être élu parce que personne parmi ses relations n’avait voté pour lui.  

» Ajoutez à cela l’indication de Pelosi qu'elle n’approuvera pas la réélection de Trump et nous avons la perspective d'une affreuse saison (sauf pour les avocats). »

Le colonel Lang, homme de calme et d’apaisement parmi les commentateurs, mais également connaisseur des questions constitutionnelles autant que des questions de sécurité nationale, émet là un avis mesuré sur une situation qui ne peut être caractérisée que par les qualificatifs les plus extrêmes, et qui pourrait placer l’Amérique, au lendemain de l’élection, dans une impasse institutionnelle et juridique totale. Même des décisions de la Cour Suprême (qui n’interviendraient qu’après un long processus juridique impliquant une absence de direction, hors les “affaires courantes” dont la conduite serait très certainement contestée) pourraient et devraient être contestées, introduisant l’impasse de l’impasse puisque rien au-dessus de la Cour Suprême (SCOTUS) ne peut trancher.

L’absence quasiment absolue d’esprit de compromis, les jugements étant tout entier déterminés par un affectivisme de la haine, la rupture complète de toute communication de compréhension et de la moindre empathie  entre les deux blocs conduisent à des hypothèses radicales et désespérantes. Il est facile d’avancer que la rue, déjà hyper-mobilisée comme elle l’est depuis le 25 mai, serait la seule réponse possible à cette paralysie, et d’ailleurs plus une réaction sans but précis qu’une “réponse”.

Cette perspective apparaît finalement comme le contraire de ce qu’on escompte. L’élection du 3 novembre pourrait avoir été attendue comme l’élément changeant brusquement la situation (en bien ou en mal selon la position qu’on a, mais dans tous les cas au risque d’une possible rupture brutale).  La perspective la ferait alors apparaître plutôt comme une accélération des aspects les plus paralysants de la situation actuelle, c’est-à-dire une véritable descente dans l’anarchie et la paralysie. Quoi qu’il en soit et pour montrer que l’on tourne bien en rond, là aussi une “rupture brutale” serait nécessaire, un coup de force pour rompre le maléfice.

Il n’est nullement assuré, bien entendu, qu’il faille prendre ces expressions (“rupture brutale”, “coup de force”) dans un sens opérationnel classique de l’action organisée et dirigée d’un groupe humain, de telle ou telle origine, de telle ou telle tendance. Nous pensons plus intensément à un événement d’un type inattendu, entraînant des conséquences imprévues et imprévisibles à la fois, des événements qu’on peut alors parfaitement considérer en observant leur mécanique secrète, comme provoqués par des dynamiques extrahumaines ou/et surhumaines, même si le moyen employé est “humain”.

La pandémie Covid19 est un événement de cette sorte. Il est sans aucune marque très originale, et même assez habituel dans l’histoire humaine. Sa survenue au moment où la pandémie est survenue, dans le contexte crisique où nous nous trouvions, non seulement impréparés mais très bien préparés pour  nous tromper dans nos réactions, accroître des effets inattendus et en faire s’en créer d’autres, a conduit à un enchaînement de ces effets jusqu’à susciter ce qu’on pourrait juger être une phase fondamentale et sans doute irréversible de la Grande Crise de l’Effondrement du Système.

Il est manifeste que cet étrange effet de Covid19 a eu comme principal terrain de fécondation les États-Unis et leur situation intérieure crisique extrêmement tendue. C’est-à-dire qu’il s’est fait sentir principalement au cœur de la matrice de la courroie de transmission du Système qu’est le système de l’américanisme. Si ce n’est pas voulu, è ben trovato, – mais c’est trop bien trouvé pour ne pas avoir été voulu...

Bouffe-tragédie USA2020

D’une certaine façon, il peut paraître comme une source d’étonnement que les troubles aux USA, ininterrompus depuis plus de deux mois au cris principal de Black Lives Matter (BLM), se font notamment et principalement dans quelques villes fortement marquées idéologiquement (Portland, Seattle), mais surtout dans de telles grandes villes où les Blancs sont en majorité (plus de 60% et 65% à Seattle et à Portland) ; cela, contrairement à d’autres grandes villes beaucoup plus calmes durant cette séquence bien qu’elle n’aient jamais reculé devant les troubles dans d’autres circonstances, où les minorités, avec les Blacks en grand nombre, sont majoritaires en les additionnant (il y a 10% de Blancs à Los Angeles, le reste allant aux minorités, dans cette mégapole où les troubles sont extrêmement discrets et contenus).

C’est un aspect remarquable des troubles aux USA, qui feraient penser que le problème fondamental n’est pas vraiment le racisme, mais un problème plus profond, affectant notamment les populations fondatrices, et qui reflètent finalement une question ontologique d’où sortira effectivement un événement gigantesque que nous ne soupçonnons pas : la quête d’une identité perdue, ou, plus sûrement, d’une identité qui n’a jamais existé. Les mots de William Pfaff (datant de 1992), qui vont au contraire du diagnostic convenu aujourd’hui, doivent rester fortement dans nos esprits quand il s’agit d’en juger à cet égard :

« ... Alors, où allons-nous maintenant, nous les Américains ? Qui sommes-nous maintenant ? Je n’ai pas de réponse. Je sais simplement que je trouve l'idée d’une nation multiculturelle ou “arc-en-ciel” peu convaincante. D’une certaine manière, c’est une idée séduisante. Elle corrige les injustices. Elle invite à un nouvel ordre social de coopération et de bonne volonté. Mais je crains que les résultats dans la réalité en soient exactement le contraire. Je ne prétends pas le savoir. Je soutiens simplement que la désorientation et l’anxiété ressenties par les Américains dans cet après-guerre, cette sorte de gueule de bois où nous plonge la fin de la guerre froide, sont liées à la perte d'une identité, – et nullement à la perte d'un ennemi. »

Cette incertitude sur la cause profonde de la révolte donne une bonne part de l’explication de l’aspect ‘bouffe’ de cette tragédie-bouffe qui frappe l’Amérique. Le spectacle-bouffe se trouve partout à l’avant-scène de ce qui est profondément rien de moins qu’une tragédie ; ici lors d’une manifestation de Portland, avec cet adolescent, blanc et bien nourri, qui fait une véritable crise nerveuse parce qu’il a reçu une projection de spray au poivre et qui hurle « Vous nous traitez comme des rats ! », – ce qui est bien peu aimable pour les rats (« J’ai rencontré des enfants de 6 ans qui avaient plus de maturité », tweete une Mindy Robinson).

Cette manifestation ridicule par son énormité par rapport à la cause opérationnelle, et sans rapport avec la cause ontologique de l’opération, et sans rapport avec la puissance du mouvement de révolte et qui est pourtant du type qui le nourrit principalement, est un de ces événements-bouffe, épars et incongrus, qui témoignent indirectement de la puissance de la déstabilisation qui secoue l’Amérique en nous en dissimulant la cause profonde pour que les cohortes d’imbéciles des élites-Système qui nous dirigent laissent aller en n’y comprenant rien et en pensant à leurs seuls et chers intérêts immédiats.

... D’ailleurs, les élites-Système haussent les épaules, elles vous disent en général que non, ce que vous voyez n’existe pas, car les vidéos ne filment que des “mythes” lorsqu’ils filment la violence et la continuité du désordre.

 

Mis en ligne le 28 juillet 2020 à 12H25