RapSit-USA2020 : Les consignes du Parti

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RapSit-USA2020 : Les consignes du Parti

Désormais, les adversaires sont au complet, et l’entreprise de dénigrement de Kamala Harris, la candidate-VP de Biden, a aussitôt commencé du côté des républicains. L’axe est tout trouvé, dans tous les cas le premier axe : exploiter ce que les républicains, Trump en premier, jugent être la faiblesse du ‘ticket’, une faiblesse peut-être insurmontable et capitale dans la mesure où, en raison de l’état de Sleepy Joe, le rôle de la VP va être capital, et par conséquent capitales leurs relations. (C’est ce que PhG désignait comme « hautement inflammable » à propos du ‘couple’.)

Deux interventions à ce propos :

• Trump bien entendu, lors de sa conférence de presse d’hier après-midi, montrant indirectement combien c’est le candidat à la présidence lui-même qui permet, en désignant Harris comme VP, de donner à ses adversaires des arguments contre lui :

« Le président Trump a mis en évidence ce qu’il juge être la faiblesse du choix de Joe Biden en déclarant qu'il n'y avait eu “personne de plus insultant pour Biden [que Harris]” pendant les primaires démocrates.
» “Elle l’a mis dans une colère terrible, elle l’a rendu fou” a déclaré le président Trump... [...]
» La sénatrice Kamala Harris (D-Californie) a marqué les primaires démocrates lorsqu’elle a critiqué Biden pour sa position et son action parmi les sénateurs ségrégationnistes et son opposition à la pratique intégrationniste du ‘busing’. Harris, en tant que femme de couleur, a présenté la position raciste de Biden comme une attaque personnelle : “Il y avait une petite fille en Californie qui faisait partie de la deuxième classe ouverte à l’intégration et elle était transportée en bus à cette école tous les jours. Cette petite fille, c'était moi”, a déclaré Harris. »

• Sean Hannity, de Fox.News, en commentant hier soir lors de son émission d’information la désignation comme candidate-VP de la sénatrice Harris. Il parle, lui, en plus de l’affaire évoquée par Trump, d’une autre occurrence où Harris a furieusement attaqué Biden à propos des accusations de harcèlement sexuel, également lors d’un débat entre les candidats démocrates aux primaires.

« “Il y a quelques mois seulement, Kamala Harris suggérait fortement que Joe Biden était un raciste et un sexiste...” a dit Hannity ; “alors pourquoi Joe Biden aurait-il choisi une colistière qui l’a traité de raciste encore et encore ?”
» Harris a marqué la course à la présidence lors du tout premier débat primaire, lorsqu’elle a publiquement critiqué Joe Biden pour avoir apporté son complet soutien au groupe des sénateurs ségrégationnistes et son opposition à l’intégration forcée par le transport par bus vers des écoles désignées bus. En avril 2020, Harris a également exprimé son soutien à un certain nombre de femmes qui ont accusé le candidat démocrate présumé d'attouchements inappropriés.
» “Pourquoi aurait-il choisi quelqu'un qui a dit : ‘Je crois la femme qui accuse Biden d’inconduite sexuelle’ ? Eh bien, la réponse est simple. La sénatrice Harris est la favorite de l’establishment radical d’extrême gauche.” »

... Mais c’est la dernière phrase et conclusion d’Hannity qui est intéressante pour notre propos, lorsqu’il affirme une hypothèse qui devrait tenir une place importante dans la campagne, – et après, bien entendu, si les candidats démocrates l’emportent. L’idée que Harris est « la favorite de l’establishment radical d'extrême gauche” » va un peu à l’encontre du portrait qu’on a l’habitude d’en faire, d’une politicienne opportuniste et démagogue ; ou bien, c’est que les deux jugements vont ensemble, et qu’aucun ne dément l’autre... Harris est opportuniste et démagogue, certes, mais cela ne l’empêche pas d’avoir des convictions, et l’extrême-gauche progressiste-sociétale du parti démocrate la soutiendrait parce qu’elle connaît ces convictions. Il faut noter que sa désignation a d’ores et déjà été applaudie par l’un ou l’autre membre qu’on dit influent des BLM (Black Lives Matter).

Cette hypothèse implique que cette faction extrémiste est toute-puissante dans le parti démocrate, et cela ne nous semble nullement déplacé mais au contraire correspondre à une vérité-de-situation. L’influence manipulée par l’extrême-gauche est d’une telle puissance terrorisante grâce à son installation dans le Politiquement-Correct que tout le reste du parti soutient cette ligne, qui est de plus choisie et proclamée avec force et une constante réaffirmation par la direction du parti démocrate.

Où es-tu, Kamala ?

Est-il difficile de déterminer le positionnement politique de Harris ? Elle a une réputation souvent affirmée de modérée de gauche, voire de “centriste de gauche”, et un article du New York Times est titré ce matin « Un choix de VP dont le Big Business peut s’arranger ». Tout cela vaut évidemment une description furieuse de WSWS.org, ce qui place Harris encore plus en “modérée centriste”, autrement dit en une parfaite exécutante des consignes du Système. Certains, qui n’ont pas peur de l’originalité et que l’on aurait pu laisser de côté en temps normal s’il ne nous importait pas de montrer l’incroyable confusion de cette époque d’un temps complètement anormal, et particulièrement aux USA où le plus incroyable doit être examiné avec attention, ceux-là donc font de Harris une non-Noire, la qualifie d’Asiatique-Américaine dont l’élection reviendrait finalement à remettre les USA entre les mains de la Chine.

Bien entendu, Harris s’emploiera à renforcer cette perception d’elle-même de “modérée de gauche” acceptable par le Big Business, donc à écarter tout ce qui pourrait la faire paraître comme “trop à gauche” ; ou bien, non, elle s’affirmera très à gauche ? Question posée et pour l’instant sans réponse, surtout pour ceux qui répètent les attaques qu’elle lança contre Biden, et son affirmation féministe qui est manifestement un argument auquel elle tient, – et qui, lui, la pousse vers la gauche, notamment en fonction de ses soutiens dans le parti démocrate comme on le verra plus loin.

Il est à noter que, selon ZeroHedge.com, le père de Harris, Donald, a affirmé dans un communiqué qu’il désapprouvait la façon dont sa fille faisait usage à des fins politiques et idéologiques, de sa qualité d’être en partie Noire. Donald Harris, qui est d’une famille jamaïcaine (noire) fortunée, et dont les ancêtres furent propriétaires d’importants contingents d’esclaves pour ses plantations (pourquoi pas ?), est un universitaire renommée, économiste et s’affirmant marxiste orthodoxe. (Cela explique-t-il sa désapprobation pour l’argument racial ? On sait que divers marxistes, notamment les trotskistes de WSWS.org, refusent absolument l’argument racial et en reste à l’argument de la lutte des classes [donc, les Blancs pauvres au côté des Noirs pauvres].)

Il n’empêche que la question du milieu familial peut jouer un rôle dans ce que serait la position de Harris. Une lecture attentive, notamment du Wiki de Donald Harris, le père de Kamala, est intéressante. Bien que très vite divorcés, son père et sa mère sont restés de même tendance politique ; leur rencontre eut lieu lors des événements de contestation des années1960, et les deux parents sont,  chacun dans leur domaines, – la mère de Kamala, médecin cancérologue, étant une féministe d’une famille tamoule [indienne] réputée à cet égard, – des activistes des deux branches de l’ultragauche postmoderne, progressiste-sociétale, qu’on voit fleurir aujourd’hui aux USA : marxisme [culturel] avec le père et LGTBQ avec la mère. Kamala Harris a toujours mis en avant l’argument de l’extrême influence de sa mère (mort en 2009) dans sa formation politique.

Autour de cela pourtant, le plus intéressant quant au sort et au choix de Harris est de type opérationnel. Aujourd’hui, les événements, même les plus “opérationnels”, donc ceux qui devraient être le moins porteurs de réflexion, ont bien plus de poids que les idées, les idéologies, les promesses et les programmes proférés plutôt qu’énoncés par les acteurs du type Sapiens-Sapiens (quelle que soit la couleur). Il est vrai que les événements se nourrissent d’eux-mêmes et de l’espèce de folie des Sapiens-Sapiens de toutes les couleurs. Ainsi en est-il de la nouvelle signalée (le 12 août) par ZeroHedge.com, dont on rend compte ci-après.

« Joe Biden ayant choisi Kamala Harris comme colistière, la première femme noire à se présenter à la vice-présidence, un groupe de poids lourds du DNC [direction du parti démocrate, ou Democratic National Commission], dont Valerie Jarrett, ancienne conseillère du président Obama, et Tina Tchen, ancienne chef de cabinet de Michelle Obama, ont mis en garde les médias contre la perpétuation de “tropes racistes et sexistes”.
» Par exemple, “le fait de rapporter et d'utiliser des images de femmes, en particulier de femmes noires, montrant leur colère face à l’injustice ou toute autre forme de passion dans la communication perpétue les tropes racistes qui suggèrent injustement que les femmes sont trop émotives ou irrationnelles dans leur leadership ou pire encore, qu’elle ‘détestent l’Amérique”.
» Qu’est-ce que vous dites ?
» En bref, critiquer Kamala Harris est désormais raciste et/ou sexiste, et les auteurs de l'avertissement susmentionné invoquent même la mort de George Floyd pour s’assurer que les salles de rédaction savent à quel point elles sont sérieuses.
» “Notre pays, – et vos salles de rédaction –, ont beaucoup appris depuis la mort de George Floyd en garde à vue à Minneapolis et les protestations pour l’égalité raciale qui ont suivi et que sa mort a déclenchées... Nous savons, grâce à des rapports publics, que beaucoup de vos salles de rédaction ont eu des conversations internes sur votre couverture des événements, votre diversité et vos jugements éditoriaux”, peut-on lire dans la lettre.
» “Une femme candidate à la vice-présidence, et éventuellement une femme de couleur, doit faire l’objet du même type de réflexion interne sur l’inégalité systémique que celle que vous avez entreprise au début de l'année”, poursuit-elle. “Nous sommes ici pour vous aider à relever ce défi ... Nous avons l'intention de surveiller collectivement et individuellement la couverture médiatique et nous ferons appel à ceux qui, selon nous, font reculer notre pays avec une couverture sexiste et/ou raciste. Alors que nous entrons dans un nouveau moment historique, nous vous surveillerons”. »

Simulacre au Pays des Merveilles

Cette intervention est effectivement tout à fait extraordinaire, équivalente à des consignes que le Comité Central ou le Bureau Politique du PC d’une URSS de retour parmi nous ferait parvenir aux rédactions des journaux évidemment sous contrôle du Parti. Les deux noms de Valerie Jarrett, et Tina Tchen signalées comme “des poids lourds” de la direction démocrate sont extrêmement significatifs : deux femmes, confortées dans leur influence par un passage conséquent dans l’administration Obama, fortement engagées dans les divers mouvements dépendant des LGTBQ, liées aux milieux de la culture, de Hollywood et des GAFA, des milliardaires-0,1%, etc. Tout cela nous permet d’avancer quelques remarques confirmant certaines perceptions de la situation aux USA.

• Contrairement aux habitudes automatiques lorsqu’il s’agit d’analyser la situation des USA, nous écartons l’analyse selon laquelle le parti démocrate a choisi une politique extrême comme s’il avait le choix pour autre chose. La présence des “deux poids lourds” dans une initiative de cette impudence et de cette importance, et de haute visibilité, leur position dans le parti, montrent que le parti démocrate est devenu complètement ce parti “des minorités”, de l’extrémisme progressiste-sociétal. Il ne s’agit pas d’une dérive, d’une politique sur la limite, mais bien du cœur même des structures et des cadres du ‘nouveau’ parti démocrate.

• Le féminisme joue un rôle important dans cette évolution, et un rôle notablement agressif. On peut dire qu’on est en train de passer d’une génération féministe en pleine évolution, capable de compromis et ayant encore à conquérir une position de force (une ‘génération-Hillary’, si l’on veut) ; à une génération féministe sûre de sa puissance et de son influence, installée fermement adans les structures du pouvoir, parlant avec une autorité voulue comme irrésistible (une sorte de ‘génération-Obama’).

• Dans ce cadre, il nous semble assuré que Harris devrait certainement suivre une ligne progressiste-sociétale, que ce soit par opportunisme ou par conviction. Dans tous les cas, l’intervention des “poids lourds” du parti est une manœuvre très puissante de protection d’Harris, à l’intention de gens même très fidèles à la ligne du Parti (New York Times, Washington  Post, etc.), pour les avertir qu’il n’est pas question de s’intéresser aux diverses casseroles que trimbale Harris, – qui n’en manque pas pour son compte. On sonne le rassemblement, on fait se former les rangs, on ne veut plus voir qu’une seule tête : si Poutine a établi une démocrature, alors on peut dire que le parti démocrate est en route pour une dictature sous simulacre, comme on dit de la viande avariée mise “sous cellophane”. La puissance et la sûreté de soi qui émanent des phrases adressées aux personnes censées assurer la bonne marche du “Quatrième Pouvoir” et de la liberté de la presse ont de quoi nourrir une très grande stupéfaction, certes une stupéfaction-soft mais profonde. Les États-Unis avec un tel parti démocrate sont devenus méconnaissables, au point où l’on peut se demander si le Système est encore capable d’être conscient des folies que l’on fait en son nom.

• ... En effet, de telles positions ne laissent aux USA aucune autre issue que la rupture, face à l’autre faction conservatrice du pays absolument ennemie sans retour de telles positions, et un tel destin pour les USA serait une catastrophe pour le Système. Un avis qui commence à être rencontré chez les commentateurs de l’actuelle phase est que la division entre les citoyens US aujourd’hui n’est pas aussi grave qu’à la veille de la plus grande crise du pays (la Guerre de Sécession), mais qu’elle est plus grave encore.

 

Mis en ligne le 13 août 2020 à 16H55