Où Obrador et Trump se tombent dans les bras

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Où Obrador et Trump se tombent dans les bras

Il va falloir réviser nos classiques et vraiment appliquer, avec la plus grande constance possible, le principe de l’Incertitudequi doit nous guider en toutes choses. Certes, nous avons étudié “la menace du Sud” (des USA) et l’arrivée d’Obrador au Mexique à partir de perceptions extérieures aux deux principaux acteurs de la pièce (Trump et Obrador), notamment à partir du point de vue des planificateurs US et des intentions prêtées à Obrador durant sa campagne. Quoi qu’il en soit, reste le fait brut : nos prévisions les plus clairement pessimistes sur les relations des deux pays avec l’’arrivée d’Obrador sont pour l’instant totalement démenties, “cul-par-dessus-tête”.

Obrador et Trump, tous semblait les opposer... Les problèmes de frontière, l’agressivité de Trump et la sensibilité furieuse des Mexicains ; la réputation droitiste et de chantre du capitalisme protectionnidste de l’un, la réputation gauchiste et les tendances soi-disant socialistes-globalistes de l’autre.Eh bien, pourtant ils semblent décidés à s’entendre comme larrons en foire ; on a beaucoup tweeté, papoté, etc., et l’ambiance est euphorique. Qu’on en juge d’après ces quelques paragraphes de RT-France :

« Après sa large victoireà l'élection présidentielle mexicaine le 1er juillet, Andrés Manuel Lopez Abrador, surnommé “AMLO”, a reçu le 2 juillet un appel de son homologue américain Donald Trump. Les deux hommes ont eu une conversation d'une demi-heure, selon l'AFP. Sur son compte Twitter, le président élu de gauche a annoncé avoir proposé à son homologue américain “d'explorer un accord global” et “des projets de développement qui créent des emplois au Mexique”, qui permettraient de réduire l'immigration et d'améliorer la sécurité. “C'était un échange respectueux et nos diplomates continueront de dialoguer”, a-t-il ajouté.

» Donald Trump avait également fait savoir un peu plus tôt qu'il avait eu une “bonne discussion” téléphonique avec le président élu Lopez Obrador, prédisant “une très bonne relation” à venir. “Je crois qu'il va essayer de nous aider sur la frontière”, a-t-il ajouté. La question des flux migratoires, en particulier depuis le Mexique, s'avère un dossier brûlant aux États-Unis. Les mesures prises par l'administration Trump visant à réduire l'immigration illégale ne cessent de mobiliser contre elles l'opposition et une partie de la société civile. »

Confiant désormais plus que jamais dans notre incapacité à prévoir l’évolution des choses, des relations et des situations, nous n’anticiperons en rien l’évolution des relations Trump-Obrador en fonction de ce premier contact presque affectueux... Par ailleurs, nous pouvons toujours observer l’habituel “en même temps” qui est un signe de temps où tout est possible, – simultanément : en même temps qu’il y a les divers caractères qui les opposent, il y a ceux qui les rapprochent, essentiellement leur côté plus ou moins hors-Système (pour ne pas dire tout de même antiSystème) et la veine populiste dont ils se réclament chacun de leur côté, chacun de leur côté politique et chacun de leur côté de la frontière.

Par contre, on peut aussitôt désigner un perdant, dans tous les cas un acteur qui doit accueillir ces premières relations avec une fureur contenue : le parti démocrate US, essentiellement dans sa branche de gauche sinon gauchiste, qui est son aile marchante et son avenir à la fois, – paraît-il depuis la désignation aux primaires de New York de la jeune Alexandria Ocasio-Cortez, qui se dit épisodiquement “socialiste”, qu’on dit proche des “marxistes culturels” et qui déclenche la fureur déchaînée du site WSWS.org qui ne déteste rien de plus que d’avoir une concurrence sur sa gauche, ou sur sa pseudo-gauche. Un des chevaux de bataille de ce parti démocrate New-NewAge qui prône un “capitalisme tiers-mondiste” (oups) et un “socialisme postmoderne (oups & oups), c’est l’immigration, et essentiellement la légalité de l’immigration, c’est-à-dire la suppression des frontières... Rien que cela ! Les démocrates attendaient une aide décisive d’Obrador qui allait exacerber les tensions en attaquant et en en dénonçant Trump, ce qui aurait accentué le regroupement de tous les Latinos et autres Hispaniques autour du parti, aurait donné des munitions supplémentaires aux démocrates contre Trump puisque la “guerre civile soft” se poursuit sur un si bon rythme... Et patatras.

• Ce prolongement est d’autre part très remarquable, – surprenant, on ne sait plus car on ne sait plus ce qu’est une surprise, – à la lumière de ce qu’une enquête d’AP révèle des projets, il y a un an d’invasion du Venezuela par Trump lui-même, et cela contre l’avis de tous, y compris des bellicistes du DeepState censés le contrôler... On se doute que ce ne serait pas le genre de projet qui ravirait Obrador, mais c’était Trump il y a un an, et depuis l’idée lui est sortie de la têteLe récit de l’épisode, repris par SputnikNews, est intéressant et instructif.

« En août 2017, Trump a eu une réunion dans le bureau ovale pour discuter des nouvelles sanctions contre le Venezuela et à la fin de la discussion le président américain a choqué ses assistants en demandant pourquoi les États-Unis ne peuvent pas simplement envahir le pays.

» Trump a proposé une intervention militaire sous prétexte que les crises politiques et économiques du Venezuela présentaient une menace pour la région. Le but de l'invasion aurait été le renvoi forcé du président vénézuélien Nicholas Maduro. Selon un rapport d'Associated Press, le conseiller en sécurité nationale, HR McMaster, et le secrétaire d'État des États-Unis d'alors, Rex Tillerson, ont été stupéfaits par cette suggestion. Après le choc initial, les deux assistants se sont mis en quatre pour expliquer au POTUS que ce serait une très mauvaise idée. Ils ont fait valoir qu'une intervention militaire aliénerait d'autres nations latino-américaines qui ont travaillé ensemble depuis longtemps pour punir et ostraciser Maduro.

Les assistants n'ont pas convaincu Trump à l'époque, selon le rapport,... [et le lendemain il] annonçait publiquement, sans avertir son cabinet, qu’une option militaire pour le Venezuela était sur la table. [...]

» Plus tard, Trump a discuté de cette idée avec le président colombien Juan Manuel Santos en privé. En septembre, Trump a ouvertement proposé l'idée d'une invasion à une réunion de plusieurs dirigeants latino-américains – y compris Santos – après un sommet de l'Assemblée générale des Nations Unies. “Mon staff m'a dit de ne pas le dire”, a fait remarquer Trump, avant de demander aux dirigeants sud-américains s'ils étaient certains qu'une opération militaire était inutile. Tous les participants à la table ont affirmé qu'ils étaient certains que les États-Unis ne devraient pas envahir le Venezuela.

Puis l’idée de l’invasion a, avec l’aide McMaster, quitté l’esprit de Trump... »

Ce rappel instructif nous permet de confirmer combien Trump reste une personnalité imprévisible et difficilement contrôlable, dans des occasions où le DeepState dont tous nos commentateurs nous disent qu’il est (était) là pour le contrôler, ressemble plutôt à un suiveur qui s’épuise à la tâche, sans savoir ce que le président a à l’esprit et ce qu’il va dire, et quyel virage il va négocier. Entretemps, les représentants du DeepState passent et ne se ressemblent pas, mais il semble bien que le principal problème est la très grande difficulté où ils se trouvent d’appréhender les initiatives de Trump. Dans toute cette confusion, et si l’on considère le tour qu’a pris ce qui sert de “politique étrangère” à Trump (rencontres avec Kim, Poutine, marche vers la paix en Syrie, par contre brouille avec les alliés), on ne peut pas dire que le DeepState se soit montré particulièrement efficace dans sa gestion et son contrôle de la présidence Trump.

Le cas cité nous intéresse particulièrement parce qu’il est en rapport direct avec le monde de l’Amérique Latine, donc avec Obrador, nouvel ami pour les jours actuels du président Trump. Il est évident qu’il y a un an, s’il avait été président, Obrador n’aurait certainement pas été d’accord avec Trump sur son projet d’attaque. Par ailleurs il semble que ces supputations autour d’actes d’une telle gravité (l’invasion du Venezuela) se déroulent dans une atmosphère assez détendue, et l’on a alors une espèce d’explication psychologique indirecte pour comprendre les excellentes relations établies pour ce premier contact entre deux hommes qu’on jugeait devoir avoir des relations conflictuelles.

Pour les pays d’Amérique Latine, si Obrador réussit à fixer une assez bonne relation avec Trump, et à la concrétiser par des accords, il deviendra une sorte de bouclier entre cette Amérique Latine et les USA. Pour Trump, une fixation de la situation sur sa frontière Sud est un enjeu colossal. Monsieur Obrador a été élu en 2018 et non en 2017 et monsieur Donald Trump avait l’idée d’envahir le Venezuela en 2017 mais il semble qu’il ne l’ait plus en 2018. Alors, en avant toute, jusqu’au prochain “cul-par-dessus-tête” dans l’une ou l’autre affaire. La dynamique de la situation du monde ne cesse de distancer tous les scénaristes de Hollywood...

 

Mis en ligne le 5 juillet 2018 à 14H24

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