Notes sur la danse de Saint-Guy du bloc BAO

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Notes sur la danse de Saint-Guy du bloc BAO

10 mai 2013 – La rencontre de Moscou (Kerry-Lavrov), essentiellement sur la Syrie, a donc été un succès incontestable pour la Russie. Mais, comme nous le précisions le 8 mai 2013, ce fut essentiellement un succès de communication, ce qui est d’ailleurs l’essentiel et la seule affirmation certaine qu’on puisse envisager dans une telle époque : «En attendant, une rencontre comme celle de Moscou, où un Kerry suit à fond les Russes sur la question de la conformation à l’accord de Genève, est un incontestable succès de communication pour la Russie, et un point marqué vis-à-vis des extrémistes divers du bloc BAO, autant que des rebelles...»

Pour autant, nous retenions évidemment notre “optimisme”, inexistant en fait puisque sans raison d’être, par rapport aux suites de cette initiative. Pour cette raison, nous parlons d’un “succès de communication” de Moscou, qui n’engage rien de l’avenir, selon l’expérience qu’on a des pratiques “diplomatiques” actuelles et de l’extraordinaire inconsistance, caoutchouteuse ou molle c’est selon, de la diplomatie US. Nous concluions donc : «Alors qu’on était au bord de la Troisième Guerre mondiale il y a quatre jours, on se trouve aujourd’hui sur la voie d’une grande conférence internationale d’où certains espèrent voir sortir un accord au moins de cessez-le-feu... Bien, nous ne parierions ni sur l’un ni sur l’autre, ni sur la Troisième Guerre mondiale, ni sur un accord de cessez-le-feu ; par contre nous parions sur la toute puissance de la communication et, en un sens, sur la puissance d’influence et l’habileté manœuvrière des Russes.» Cette réserve n’était pas de trop...

Effectivement, la rencontre de Moscou a été perçue, par ce que nous jugeons être des observateurs “sérieux”, comme un succès (pour les Russes) et comme une “percée diplomatique” en faveur de la thèse russe, qui est par ailleurs celle du bon sens et de la seule issue diplomatique pour la crise syrienne qu’on puisse explorer. Nous allons citer plusieurs de ces sources “sérieuses”. (Il se trouve que ces sources “sérieuses” sont également des sources non alignées sur la ligne, ou narrative du bloc BAO, sinon des sources “dissidentes”. Non seulement ceci explique cela, mais ceci est la condition sine qua non de cela : on ne peut être “sérieux” que si l’on ne suit pas la ligne/la narrative du bloc BAO.)

Espoir et scepticisme...

D’abord, Jim Lobe, de IPS, le 9 mai 2013. Lobe parle à la fois d’un “espoir” devant l’aspect “sérieux” de l’accord de Moscou, du moins pour la communication qui en a été faite ; et de “scepticisme”, parce que l’expérience montre qu’un “succès de communication”, éventuellement sanctionné par un engagement public et donc solennel d’un secrétaire d’État, n’est le garant de rien du tout. Lobe constate ce qui est l’évidence : l’administration Obama, – dans la mesure où Kerry-à-Moscou représente l’administration Obama, dans la mesure où l’administration Obama est suffisamment un artefact cohérent pour être représenté, – s’est nettement rapprochée des thèses de Moscou, notamment sur la participation du régime Assad à la conférence prévue, et à la formation d’une gouvernement de transition. (Nous mettons en gras les déclarations de Kerry concernant le cas Assad dans cette occurrence. Cela nous servira plus loin comme rappel.)

«The surprise accord reached by the U.S. and Russia in Moscow Tuesday to try to convene an international conference to resolve the two-year-old civil war in Syria as soon as the end of this month has been greeted with equal measures of hope and scepticism.[...] The joint decision to revive the long-dormant Geneva Communique, which laid out the core elements of a political solution to the conflict war after a meeting of the U.N.-sponsored Action Group for Syria last June, was reached after deliberations between Secretary of State John Kerry and Russian Foreign Minister Sergei Lavrov.

»[...T]he administration of President Barack Obama appears to have narrowed its difference on that score with Moscow. At the time, many U.S. analysts, particularly those on the hawkish side of the spectrum, believed that the balance of power on the ground was moving in the opposition’s direction, and that it was simply a matter of time – months, if not weeks — until the regime crumbled. But after months of bloody stalemate, it appears that the government’s forces have recently regained the initiative by systematically retaking control of strategically located towns and cities...

»Indeed, Kerry appears to have accepted Moscow’s position that Assad does not have to step down in order for negotiations to get underway. “I]t’s impossible for me as an individual to understand how Syria could possibly be governed in the future by the man who has committed the things we know that have taken place,” he said during a press conference with Lavrov after the meeting. “But…I’m not going to decide that tonight, and I’m not going to decide that in the end, because the Geneva Communique says that the transitional government has to be chosen by mutual consent by the parties …the current regime and the opposition.” For his part, Lavrov, without mentioning Assad by name, said he was “not interested in the fate of certain persons”.»

Optimisme prudent...

Parmi les déclarations de rares personnalités et experts “sérieux” citées par Lobe, on en relèvera deux.

• D’abord celle de l’envoyé spécial de l’ONU Lakhdar Brahimi, dont on dit qu’il est sur le point de démissionner (le second après Kofi Annan) et qui semblerait devoir retenir cette décision après l’accord de Moscou : «This is the first hopeful news concerning that unhappy country in a very long time... The statements made in Moscow constitute a very significant first step forward. It is nevertheless only a first step.»

• On relève aussi cet avis de Paul Pilar, ancien officier de la CIA, qui fut National Intelligence Officer pour le Proche-Orient et l’Asie du Sud : «The chance of a diplomatic breakthrough coming out of the projected conference is at best modest. But it represents a more realistic hope for bringing a modicum of peace and stability to Syria in the foreseeable future than does stoking the civil war with more outside involvement in the military conflict. The fact that the United States and Russia could agree on any of this is a breakthrough of sorts...»

Sont-ils devenu des adultes ?

On s’arrêtera encore à l’avis de Pépé Escobar, sur Russia Today le 9 mai 2013. On connaît Escobar, ses commentaires en forme d’envolées, appuyés sur de nombreux contacts, souvent avisés, courageux, extrêmement documentés, mais également souvent inclinés au pessimisme quant au comportement du bloc BAO dont il estime qu’il est plus puissant et plus manœuvrier qu’il ne paraît à certains (nous parlons pour nous-mêmes dans ce cas). Pour cette fois, Escobar, dans une analyse plus générale de la situation, commence par une rapide revue de la conférence de Moscou où il juge effectivement que les USA se sont rendus aux arguments des Russes. (C’est-à-dire qu’ils auraient enfin consenti à “agir comme des adultes”, ce qui est parfaitement situer le domaine où l’on évolue, entre l’infantilisme général du bloc BAO, et les éclairs de maturité lorsqu’il s’agit des Russes.)... Là aussi, quelques soulignés en gras de notre part.

«It’s tempting to assume Israel’s bombing of Syria may have led geopolitical players to start behaving as adults.

»US Secretary of State John Kerry met Turkish Foreign Minister Ahmet Davutoglu before landing in Moscow to meet President Putin. Iranian Foreign Minister Ali Akbar Salehi was in Amman – and then forward to Damascus. British Prime Minister David ‘of Arabia’ Cameron will also meet Putin in Sochi. Next week, Qatar's Foreign Minister will be in Tehran.

»What does this diplomatic dance mean? From an Obama administration point of view, it’s still the same game: “Assad must go,” as the President himself stressed many times, and Moscow must give way. Wishful thinking, of course; even Kerry, after meeting Russian Foreign Minister Sergei Lavrov, seems to have realized which way the (desert) wind is blowing.

»Here I interpreted the choices Obama had before the Israeli bombing. It’s (relatively) safe to assume that the Obama administration may have abandoned the no-fly zone option, at least for now. The notion that Obama – or Cameron, or Israel – would be able to intimidate Putin comes straight from Alice in Wonderland.»

Est-ce une “diplomatie sérieuse” ?

Commentaire de The Moon of Alabama (MoA), maintenant. Une autre source “sérieuse“, sans nul doute, qui s’attache surtout aux conséquences de ce qu’il juge acquis, – et il est fondé de le faire, si l’on s’en tient à une diplomatie “sérieuse”. Puisque le processus de Genève est réactivé avec une conférence importante pour la fin du mois, selon l’accord Russie-USA... (Le 7 mai 2013, avec un souligné de gras à nouveau de notre part.)

«Secretary of State Kerry's talk with Putin and Lavrov yesterday brought back the Geneva consensus from last June which then Secretary of State Clinton had thrown out of the window immediately after she had agreed to it. According to the Geneva plan the United States and Russia will convene a conference with the aim to find some consensual new Syrian government with each side promising to bring its supported party to the table.

»For Russia that will be easy to do. The Syrian government has always agreed to such talks and is willing to send a delegation that will be able to discuss the various issues and to compromise.»

Poutine pensait à autre chose...

Mention également de la conclusion d’un article de WSWS.org sur les péripéties de Carla Del Ponte et de ses déclarations sur les responsabilités des rebelles dans l’utilisation de l’armement chimique. Cette conclusion concerne la visite de Kerry à Moscou et ce qui est intéressant, c’est l’accent mis sur le climat de l’accueil fait par les Russes à Kerry, dans tous les cas par Poutine, – ce qui nous permettra d’enchaîner sur la suite en revenant sur l’attitude de Kerry. Cet accueil est singulièrement marqué par un certain mépris et une piètre considération de Kerry, en tant que représentant de la “diplomatie” du bloc BAO/des USA. Cela revient à la transcription de cet avis des Russes donné aux diplomates du bloc BAO qui leur demandent leur aide (le 8 mai 2013)  : «“Nous voulons bien mais nous n’avons pas confiance en vous.” C’est à peu près ce que les Russes pensent lorsqu’ils reçoivent, tous sourires, John Kerry à Moscou...» (Le texte de WSWS.org du 9 mai 2013.)

«Secretary of State John Kerry traveled to Moscow on Tuesday, attempting to gain Russian support for US regime-change efforts in Syria. Together with China, Russia has vetoed three separate UN resolutions condemning Assad for his government’s crackdown on the US-backed “rebel” groups. “The United States believes that we share some very significant common interests with respect to Syria—stability in the region, not having extremists creating problems throughout the region and elsewhere,” Kerry declared. The United States and Russia reportedly agreed to organize a conference on the war that both the Assad regime and the opposition would attend.

»Nevertheless, Kerry received a chilly welcome from Putin, who kept him waiting for hours and reportedly fiddled with his pen distractedly while Kerry spoke. The Russian Foreign Ministry released a statement, implicitly critical of US policy, that declared: “The further escalation of armed confrontation sharply increases the risk of creating new areas of tension and the destabilization of the so-far relatively calm atmosphere on the Lebanese-Israeli border.”»

Kerry historien

Cela étant rapporté, qui concerne donc ce que la situation diplomatique a de “sérieusement” considérée, venons-en à la danse de Saint-Guy. (La “danse de Saint-Guy” n’est pas seulement une expression, c’est aussi une maladie réelle. Cela va bien pour notre sujet. Cela va encore mieux quand on découvre le nom scientifique de cette maladie pour les adultes, qui fait vraiment partie de notre sujet... «Et si les expressions françaises peuvent souvent donner lieu à des dérives humoristiques, ce n'est pas le cas de celle-ci qui correspond à une maladie nerveuse touchant les enfants (chorée de Sydenham) ou les adultes (chorée de Huntington) et qui se manifeste, entre autres, par des mouvements brusques, désordonnés et incontrôlables, surtout dans les membres.» (Définition dans Expressio.)

En l’occurrence, la danse de Saint-Guy est celle de John Kerry... Le détail de ses déclarations à Moscou (où l’on retrouve la citation de Lobe) mérite d’être retranscrit. Ce n’est pas notre habitude de reprendre des parties importantes de textes officiels, mais dans ce cas nous dérogeons à cette habitude. Le ton emphatique, enthousiaste de Kerry pour la Russie, pour Poutine, pour Lavrov (“Serguei”), mais aussi, ce qui est encore plus remarquable, pour le rôle de la Russie (URSS) pendant la Deuxième Guerre mondiale (on était la veille de l’anniversaire de la capitulation allemande), dans un sens qui est systématiquement ignoré par l’historiographie US et du bloc BAO, avec le chiffre vbdes morts russes de 27 millions, ou “proche de 30 millions”, plutôt que la version BAO de “près de 20 millions” – tout cela était remarquable d’un enthousiasme pro-russe, que des esprits mal intentionnés pourrait juger être de l’obséquiosité. A ce point de la lecture de cette déclaration de Kerry, on en déduira que la diplomatie US est, devant la Russie, dans un état d’affolement considérable, que l’administration Obama veut à tout prix éviter de se faire entraîner dans un conflit, que les USA cherchent à tout prix un soutien de la Russie.

On comprend les sourires de Lavrov, qui peuvent aussi bien exprimer satisfaction, dérision, voire un peu de mépris, et même de compassion après tout (quoique cela soit fort peu du genre de Lavrov)...

La “feuille de route” de Kerry

Nous reproduisons donc par ailleurs (ce 10 mai 2013), comme dit plus haut, l’essentiel de cette déclaration de Kerry, qui vaut la lecture sans aucun doute. Ici, nous nous contentons de citer le passage qui concerne spécifiquement la situation des négociations sur la Syrie par rapport au sort du président Assad, suite à une question. On y retrouve les citations de Lobe. On remarque l’extrême prudence des termes de Kerry qui ne déclare jamais une politique spécifique, mais qui donne des avis personnels, qui précise que le temps n’est pas venu de se prononcer spécifiquement, qui indique que ce n’est pas à lui de décider du sort d’Assad, que les deux parties (dont “le régime”, c’est-à-dire “le régime d’Assad) doivent être les parties de la négociation, etc. (Souligné en gras, le passage concernant Assad.)

»Now, up until now, I think there has been a perception that Russia and the United States haven’t been particularly on the same page of cooperating in this effort. So what I think is significant is that we are here to say that we are going to cooperate in trying to implement the Geneva communique, and I think our understanding of that communique is very similar, and there’s actually more agreement even though our position has been that it’s impossible for me as an individual to understand how Syria could possibly be governed in the future by the man who has committed the things that we know have taken place. But that’s not – I’m not going to decide that tonight. And I’m not going to decide that in the end. Because the Geneva communique says that the transitional government has to be chosen by mutual consent by the parties. Who are the parties? The parties are the current regime and the opposition. So what we’re going to undertake to do is to try to get them in a position where they, representing the people they represent – Syria and the interests they represent – put people into a transitional government by mutual consent...»

Danse de Saint-Guy à Rome

Après Moscou, Kerry a fait une escale à Rome où il a rencontré la ministre italienne des affaires étrangères Bonino, mais aussi le ministre des affaires étrangères jordanien et la ministre israélienne de la justice, de passage dans la capitale italienne. Cela a permis une évolution de la position de Kerry sur le point de la présence, voire de l’existence même du président syrien Assad selon l’interprétation du ministre Fabius. Donnons deux “interprétations” dans une occurrence absolument confuse comme c’est la règle sur ce sujet.

• De Russia Today, ce 9 mai 2013... Il s’agit donc d’une voix qu’on ne peut raisonnablement considérer comme acquise au Système et au bloc BAO... Pourtant, même son interprétation reste problématique car il n’a jamais été question, d’aucun côté que ce soit, qu’Assad fasse partie du “gouvernement de transition”, – ce qui est bien en cause ici, comme facteur de désaccord entre Russie et USA ...

«Despite the US now pushing with Russia for an international conference to be called on Syria, US Secretary of State John Kerry said once again that Syrian President Bashar Assad cannot be part of the transitional process. “The foreign minister will work with us, as they have, to try to bring all the parties to the table so that we can effect a transition government by mutual consent of both sides,” Kerry told reporters during his visit to Rome on Thursday. “President Assad will not be a component of that transitional government,” he added. [...]

»The statements came after Kerry’s trip to Moscow where he discussed the Syrian issue with his Russian counterpart Lavrov. The US and Russia have been at odds over the fate of Assad: while Washington insists he must step down, Moscow maintains that only the Syrian people should decide on the matter. The two powers failed to iron out this difference in approach during the Moscow talks. However, both reiterated their commitment to the Syria peace plan – known as the Geneva Communiqué – agreed by the Action Group for Syria in June 2012 and called for a follow-up meeting on the conference by the end of May...»

• De la BBC.news, ce 9 mai 2013. Avec ce média, on est en plein dans le Système, ce qui se sent dès le titre et le sous-titre où il est affirmé successivement «Syria conflict: US says Assad can have no post-war role – US Secretary of State John Kerry has said Syrian President Bashar al-Assad would have no role in a political settlement to Syria's conflict.» Il y a une différence entre “no post-war role” (“aucun rôle pour l’après-guerre”), qui indique une situation politique structurelle en théorie indéfinie, et “ no role in a political settlement to Syria's conflict” (“aucun rôle dans l’arrangement politique du conflit syrien”) qui indique une situation politique conjoncturelle nécessairement limitée (dans ce cas au “gouvernement de transition”). Le texte lui-même prend encore quelques distance de cette “interprétation” en escalier de BBC.News puisqu’on passe du “aucun rôle dans l’arrangement politique du conflit syrien” au “départ” pur et simple d’Assad comme une “pré-condition” alors que Kerry parle de “our judgement” selon lequel “Assad will not be a component of that transitional government

Suivant donc son titre et son sous-titre qui indique l’agitation courante dans la “chorée de Huntington”, le texte démarre de cette façon : «The comments followed reports that the US was softening its insistence on Mr Assad's departure as a precondition for any deal - as demanded by rebels. That had been opposed by Russia, which this week backed a conference to seek a political solution to the Syrian war. [...]

»Speaking to reporters in Rome, Mr Kerry said Mr Judeh would work with the US on “a transition government by mutual consent of both sides, which clearly means that in our judgement President Assad will not be a component of that transitional government”. Later, Mr Kerry said it was “very significant” that Russian Foreign Minister Sergei Lavrov had said Moscow “was not tied to any one person” and had backed the idea of transitional government. “There is no way that anybody here believes that the opposition is ever going to give consent to President Assad to be running that government.”»

Danse de Saint-Guy à Washington

Pour parfaire la nausée qui agrémente en général le suivi d’un commentaire sur l’évolution de la politique US/BAO, type-chorée de Huntington, on se reportera à quelques textes de Antiwar.com, de leur habituelle et excellents synthèses express, montrant comment, successivement, Washington a soutenu à 100% le “tournant” de Kerry acceptant complètement le processus de la conférence de Genève qu’avait recraché Hillary Clinton après l’avoir accepté (en juin 2012), qui ne prévoit aucune pré-condition d’aucune sorte, puis le “tournant” en sens inverse. Kerry, effectivement mol et malléable à souhait, n’a qu’à s’adapter...

• Le 8 mai 2013 : «Previous efforts at a negotiated settlement in Syria stalled over US (and by extension pro-US rebel) demands that President Assad unconditionally resign before the talks begin. President Obama is suggesting that the policy may be changing however. Citing a “moral obligation” to end the ongoing Syrian Civil War, the Obama Administration has now announced a deal with the Russian government to jointly back a negotiated settlement.»

• Le 10 mai 2013 : «The Obama Administration announced two days ago that it was making a dramatic shift, supporting negotiations to end the Syrian Civil War. Today, they appear to have backtracked entirely, insisting that any talks are preconditioned on President Bashar Assad resigning. The 360 degree path that ended with them taking the same failed position they’ve held for over a year appears to have come entirely from Syria’s rebels loudly rejecting the US-Russia pact yesterday, saying they are holding out for the government to give in to all their demands unilaterally.»

Prisonnier de la politique-Système

Ainsi semblerait-il que le résultat de cette étonnante manœuvre, autour de la rencontre de Moscou, avec semblerait-il (bis) deux fois 180° en deux jours de la part des USA, serait une situation aussi complexe et aussi bloquée qu’elle l’était dimanche, avant l’arrivée de Kerry à Moscou, puisque rien de fondamental n’aurait finalement changé. La seule “nouvelle” (?) est que la diplomatie US (du bloc BAO) aurait montré et démontré une fois de plus, non pas ses limites, mais sa complète, totale et absolue inexistence, sa complète dépendance (au sens de l’addiction à une drogue) aux pressions de la politique-Système engendrée par un mécanisme et des forces échappant à tout contrôle humain.

En fait de “diplomatie”, on est conduit à observer qu’il s’agit d’une piètre manœuvre de communication redondante où il s’agit de dire que la Russie s’est ralliée à la politique du bloc BAO après qu’on se soit rallié à la politique de la Russie, où les USA ne parviennent pas à donner le change plus de 48 heures. Dans l’aventure précédente, exactement similaire, la prise de position de Kerry (à Oslo le 12 mars, voir le 26 mars 2013) avait au moins tenu plus d’une semaine (mais commentée par un silence de plomb), avant que le secrétaire d’État commence à virer comme il a commencé à le faire à Rome après Moscou, sans doute pour se réaligner sur la politique-Système. Aujourd’hui, il semble qu’il faille 48 heures pour que la mascarade soit “pliée“, “en carré”, et le faux-nez rouge du clown prestement ôté.

Ainsi en jugerait-on, si l’on s’en tient aux étonnantes circonvolutions des 7-9 mai, et aux déclarations possibles (qui peut en être assuré ?) de Washington. Les commentaires de la presse-Système, eux, ont imperturbablement suivi l’habituelle feuille de route, comme le montre BBC.News : Assad doit partir avant toutes choses, et s’il y a accord à Moscou c’est bien que les Russes se sont enfin alignés sur la politique du bloc BAO et son immense sagesse.

Le pauvre Kerry en est réduit à juger comme une avancée extraordinaire que Lavrov ait commenté sobrement que la politique russe n’était liée “au sort d’aucune personne” (“Kerry said it was ‘very significant’ that Russian Foreign Minister Sergei Lavrov had said Moscow ‘was not tied to any one person’ and had backed the idea of transitional government.”). Les Russes n’ont jamais dit autre chose, n’ayant jamais affirmé qu’ils voulaient ou pas le maintien d’Assad au pouvoir, puisque pour eux une politique vis-à-vis d’un État souverain ne saurait dépendre d’un avis sur le sort d’un dirigeant, qui est un matière souveraine intérieure. Les Russes ne cessent de répéter qu’ils ne veulent qu’une chose, le respect du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un État souverain, le “sort d’Assad” devant être le fait du peuple syrien lui-même, au cours d’élections à organiser.

La confusion comme art diplomatique

Il est donc pour l’instant impossible de fixer une situation qui s’abîme dans la confusion la plus complète. On voit mal comment une grande conférence pourrait se tenir d’ici la fin du mois pour parvenir à un règlement temporaire (cessation des combats et gouvernement intérimaire) si le climat et les vagues impressions et interprétations diverses qui se précipitent depuis mardi ne sont pas clarifiées. Il devrait donc y avoir à nouveau de “franches“ conversations entre la Russie et les USA, pour fixer ces conditions préliminaires à la conférence ; pour autant, il n’est pas assuré qu’elles aient lieu, ni surtout qu’elles puissent être “franches”, ces conversations ; “pour autant”, dirions-nous en sens inverse et pour la beauté de l’équilibre des précisions, il n’est pas assuré qu’on n’assiste pas à un nouveau “tournant” des USA... Mais, sur le fond, les USA s’appuyant sur les “rebelles” dont ils ont épousé la cause et dont ils sont plus les prisonniers qu’ils ne les contrôlent, des “rebelles“ qui sont divisés en autant de factions qui ne vivent que par la surenchère maximaliste dont le but est la tête d’Assad, sur le fond il nous paraît infiniment improbable qu’on puisse arriver à cette grande conférence avec deux parties stabilisées et assurées dans des positions conciliables... Sur le fond, il nous paraît tout aussi infiniment improbable qu’on y parvienne jamais, avec une politique du bloc BAO aussi peu contrôlable par lui-même, aussi soumise à des forces extérieures, aussi complètement emportée par la tempête qu’elle a presque exclusivement contribué à déclencher.

La Russie, elle, ne peut que tenir sur sa position intangible du respect de la souveraineté (pour la Syrie), donc sans aucun pré-condition sur la situation d’Assad. C’est là, pour la Russie, une question de principe qui tient toute la politique de ce pays, et la moindre concession faite en principe sur le sort d’Assad aurait justement comme effet de détruire complètement ce principe essentiel de la souveraineté. Les Russes savent parfaitement qu’une telle orientation constituerait une acceptation tacite de la politique dite du “regime change”, soit l’acceptation de la dynamique de la politique-Système qui sème le désordre dans les relations internationales, et qui, d’ailleurs, pourrait un jour se retourner contre eux-mêmes. Dans une telle occurrence et par une belle journée, l’ambassadeur US à Moscou McFaul ne demanderait-il pas un “gouvernement de transition” en Russie avec élimination de Poutine de tout rôle politique ? La prolifération d'une telle politique accouchée de la politique-Système est, pour les Russes comme pour tout le monde, bien aussi dangereuse que la prolifération du terrorisme...


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