Malgré les $48 milliards de plus cette année, la crise menace le Pentagone et il faut d'urgence de nouvelles augmentations

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Malgré les $48 milliards de plus cette année, la crise menace le Pentagone et il faut d'urgence de nouvelles augmentations

La pression commence à se faire jour, dans le monde politique républicain, pour une augmentation beaucoup plus substantielle du budget de la défense que les $48 milliards supplémentaires pour la FY2003. On l'a vu à la récente (14 mars) réunion des élus républicains du Congrès. Par exemple, cette déclaration d'un des intervenants, le Représentant Duncan Hunter, de la Californie, qui occupe le poste essentiel de président de la commission des forces armées :

« The Congressional Budget Office has determined that the armed forces are about $30 billion short each year in replacing hardware, Hunter said. The result: The average age of an Army helicopter is 17.6 years, a Navy fighter 15 years, and so on with the tanks and trucks as well. The solution for the "aged force," said Hunter: "We’re going to need $80, 90, 100 billion for new equipment." »

Hunter développe également les arguments habituels sur les faiblesses des forces armées américaines. Ces arguments sont complètement acceptables si on se place dans le contexte structurel de ces forces et des missions qui leur sont demandées.

« Hunter’s emphasis was on military hardware, noting that the military’s tools to do its job had been cut 50 percent since the Gulf War. Specifically, said Hunter, the Army had been cut from 18 divisions to 10, warships cut from 546 to 314, and 24 air wings reduced to 13. "If you cut a sports team in half, what’s left should be the very best," Hunter advised. Conceding that the Bush budget’s generous military portion "has turned the corner," he voiced concern about the "mission capable rate." "In the early 1990s,” Hunter said, "84 percent of our front-line fighters were ready for combat missions. Today, that number is down to 74 percent. The same is true for tanks, trucks and ships. "It’s like managing a fleet of 100 taxi cabs. You’ve got to have a realistic replacement rate." »

Parallèlement à ces pressions des élus républicains, il y a eu une intervention de GW Bush lui-même, lors d'une visite au quartier-général des Special Forces à Fort Bragg le 15 mars, pour demander de façon pressante au Congrès qu'il vote son budget DoD avec les $48 milliards d'augmentation. GW à fort Bragg : « Nothing is more important than the national security of our country. So nothing is more important than our defense budget. » Cet état d'esprit du président correspond complètement à celui qu'attendent les parlementaires républicains, pour accueillir favorablement leurs suggestions d'augmentations supplémentaires. Les exigences des parlementaires républicains n'ont pas été lancées sans consultations préalables, c'est-à-dire avec l'assurance qu'elles correspondent à l'état d'esprit de la Maison-Blanche.

Du reste, il faut le répéter encore, et le dire au contraire des commentaires habituels des experts et des journalistes en Europe, les uns et les autres voyant dans les $48 milliards une formidable augmentation des capacités déjà surnaturelles des forces armées américaines, — il faut répéter que ces augmentations supplémentaires sont complètement nécessaires, dans la seule logique de fonctionnement des structures de forces. Ces forces rencontrent nombre de problèmes, et cela est clairement mis en évidence aujourd'hui : l'incapacité, pour les forces US, d'enchaîner rapidement une attaque contre l'Irak après la campagne en Afghanistan, bien que celle-ci n'ait pas été massive, tient aux faiblesses des structures et aux limites dramatiques des réserves. Ces évidences sont connues depuis longtemps, depuis pratiquement deux ans. (Voir notamment une de nos analyses sur la question, remontant à juillet 2001 et reprenant elle-même une analyse de notre Lettre d'Analyse de defensa de l'automne 2000. L'intérêt est ici de relire des textes qui n'ont pas été soumis aux révisions imposées par l'attaque du 11 septembre et ce qui a suivi. On découvre que, malgré la promesse souvent répétée du « plus rien ne sera jamais comme avant », il y a des choses qui persistent à y rassembler diablement.)

Devant ces diverses indications, notre appréciation est qu'il apparaît évident que les $48 milliards d'augmentation de la FY2003 ne sont qu'un début et que la programmation d'une augmentation de $121 milliards en trois ans (jusqu'à la FY2005) est complètement dépassée. Il apparaît que ce sont bien les chiffres cités dans le débat de l'automne 2000 qui vont être repris (viser autour de 4%, un peu plus, du PNB pour la défense, pour faire fonctionner les forces). On pourrait bien voir alors l'objectif d'un budget de $550 milliards pour l'année fiscale 2005 (et non autour de $450 milliards, comme prévu dans la nouvelle programmation de février dernier).

P.S. : pourtant tout va bien, et la puissance américaine ne présente pas le moindre problème

Parallèlement, l'affirmation de la toute-puissance américaine continue à résonner, comme on le lit dans l'article de Steve Erlanger, publié dans le New York Times du 16 mars. La simultanéité des parutions est amusante (les républicains réclamant de toute urgence $100 milliards pour sauver la puissance militaire américaine en situation difficile, Erlanger nous expliquant combien cette puissance marche magnifiquement, sans le moindre problème d'aucune sorte). Beaucoup plus que de désinformation, on devrait utiliser notre nouveau langage et parler d'une construction virtualiste qui fait le courant de l'activité du milieu des experts atlantistes, tant les fondements même du raisonnement semblent se nourrir à une réalité construite, sans aucun lien avec l'autre (la “réalité réelle”, celle de Hunter et du budget du DoD). Pour qui connaît l'histoire immédiate remontant au mois de septembre 2001, il est également instructif de lire l'affirmation dans l'article d'Erlanger, que « [w]ith the war in Afghanistan exposing the disparities between the United States Army and those of the other NATO allies, Europe's perennial unwillingness to spend more for defense has undermined its credibility with the United States and damaged NATO as a military alliance, senior American and European officials say. » On connaît évidemment la “réalité réelle” et chronologique à ce propos, qui est le rejet américain de toute implication de l'OTAN dans la guerre en Afghanistan. (Le 26 septembre 2001, Paul Wolfowitz était venu le signifier dans des termes assez brutaux à ses collègues ministres de la défense de l'OTAN. Ce rejet est basé sur le refus absolu des chefs militaires d'avoir à travailler dans une coalition qui menacerait de leur ôter une part, même minime, du contrôle des opérations.) C'est bien entendu cette initiative qui a complètement marginalisé l'OTAN et porté un coup très rude à la crédibilité de l'Alliance, et pas les faiblesses européennes.

Pour le reste, c'est-à-dire la réalité, les exemples ne manquent pas de la très grande relativité de la supériorité américaine (voir nos analyses, du 8 février 2002 et du 3 mars 2002) ; on comprend ainsi que, si les Américains n'ont pas eu besoin de l'OTAN pour faire leur campagne en Afghanistan, les présences britannique et française, malgré le refus absolu opposé initialement aux alliés d'une participation au conflit, n'ont pas été complètement inutiles. L'article d'Erlanger nous fait penser qu'après tout l'Amérique n'a certainement pas besoin d'un Office of Strategic Influence. La machine marche parfaitement d'elle-même.

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