Semaine du 18 au 24 mars 2002

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La riposte européenne à la décision américaine de tarification de 30% des importations d'acier

Les Européens ajustent leurs contre-sanctions contre les États-Unis, en riposte à la décision de Washington d'augmenter de 30% les droits de douane sur l'acier importé aux USA. Le système européen est inhabituel, pour ce qui concerne le choix de l'intervention : la Commission européenne cherche à toucher les États de l'Union dans lesquels le parti républicain est en position précaire pour les futures élections de novembre. Le but est simple : tenter d'influer sur l'électorat de façon défavorable aux républicains, dans la mesure où cet électorat serait conduit à rendre responsable l'administration (républicaine) pour avoir provoqué cette riposte avec sa décision sur l'acier importé. « Il s'agit de tactique pure, commente un expert européen. Le but est de peser sur l'administration américaine par là où est venue la pression qui a amené au relèvement des tarifs douaniers, et de démontrer finalement dans quel enchaînement absurde nous nous trouvons lorsque des intérêts corporatistes sont pris en compte. » Nul n'ignore que la décision de GW Bush est très largement électoraliste (s'attirer le soutien électoral du lobby de l'acier, des industriels et des travailleurs du secteur). Si les pressions européennes sont judicieusement réparties, si elles ont effectivement un effet sur les votes des électeurs des États concernés, on attend, on espère que l'administration y réfléchira désormais à deux fois avant de décréter à nouveau de telles mesures. (Et on espère également, mais sans en être assuré au fond, que le même processus fera son effet pour convaincre GW de ne pas riposter à la riposte européenne.)

Le procédé est assez brutal et certains le jugeront un peu fruste. Il se justifie très largement, bien au-delà du nécessaire, par l'attitude de l'administration américaine. « Il y a huit mois, on pouvait dire que le dialogue avec les Américains étaient très, très difficile, mais il était entendu qu'il fallait à tout prix chercher à s'entendre avec eux, dit encore notre source. Aujourd'hui, ce n'est même plus le cas. Il n'y a plus de dialogue, les Américains ne veulent plus parler. Alors, on est conduit à ne plus rechercher qu'une chose: l'efficacité la plus grande possible des mesures qu'on prend, de façon à bien faire comprendre de quoi l'on parle. » En fait, les Européens ne sont pas spécialement satisfaits du choix des ripostes qu'ils ont fait, cette façon d'opérer de façon sélective pour obtenir des résultats possibles. Mais cette insatisfaction n'est pas plus grande que celle qui accompagne nécessairement toute action de rétorsion dans une guerre qu'on n'a pas voulue. L'impossibilité de communiquer avec les Américains autant que la brutalité de leur intervention, autant que le caractère évidemment corporatiste de cette décision, ne laissent d'autre choix aux Européens que de riposter, et de riposter le plus précisément et le plus efficacement possible.

D'autre part, cette décision amène une observation plus générale. On voit, avec ce cas, combien les circonstances peuvent amener à des situation où l'on est conduit à agir d'une manière qui n'est plus très loin de l'ingérence directe dans les affaires intérieures américaines. C'est là un aspect à l'effet finalement paradoxal de la puissance US, avec une politique politicienne intérieure si complètement présente dans tout acte, même de politique extérieure et de sécurité, que les autres pays soient conduits à prendre ce facteur en compte et, effectivement, à parfois agir comme en état d'ingérence. Dans ce cas, les Européens agissent de la même façon que, par exemple, font les Mexicains eux-mêmes, qui sont des connaisseurs dans ce domaines ; toute la politique du Mexique vis-à-vis des États-Unis consiste à faire peser dans leur argumentation le poids de la présence (donc du vote) des chicanos d'origine mexicaine aux États-Unis.

GW revient à ses premières amours : les relations très privilégiées avec le Mexique

On pourrait penser que la politique mexicaine des États-Unis est à peu près le seul grand domaine de la politique américaine, et notamment de politique extérieure et de sécurité, à n'avoir pas été affecté fondamentalement par la crise du 9/11. On ne veut pas dire par là que 9/11 n'a eu aucun effet, mais, plutôt, que cet effet n'a en rien changé la substance de la position politique de l'Amérique dans ce domaine, et, plus précisément, la position du président.

GW a profité du sommet de Monterey pour parler avec le président mexicain Fox. Cette rencontre était effectivement symbolique de l'importance que GW accorde au Mexique par rapport à l'importance qu'il accordait au sommet de Monterey : intérêt essentiel ici, indifférence complète là. Fox et GW ont beaucoup parlé des problèmes d'intérêt commun, c'est-à-dire des relations entre les deux pays et leur frontière commune.

Certes, il y a désormais un volet anti-terreur ajouté au relations des USA avec le Mexique, mais c'est pour chercher un renforcement et une sophistication de relations qui doivent continuer à se développer. Et l'on constate ainsi, en effet et de façon encore plus significative, que la détermination de GW de faire évoluer les choses entre les deux pays, USA et Mexique, est toujours aussi grande. Une dépêche Associated Press note ceci :

« President Bush said on Saturday he hoped to create a ''common border'' with Mexico and Canada to keep North America safe from terrorists without disrupting legitimate trade and travel between the NAFTA partners. ''Even our welcoming country must be able to shut its doors to terrorists and drugs and weapons at our own borders,'' Bush said in his weekly radio address on the third day of a trip to the Latin American countries of Mexico, Peru and El Salvador.

» U.S. officials see the 2,000-mile (3,200-km) border between the United States and Mexico as a weak link in homeland defenses because of the heavy flow of illegal drugs and immigrants. But Bush said an agreement signed on the sidelines of a U.N. conference in Monterrey, Mexico, would ''make our shared border more open and more secure.'' The agreement calls for the United States and Mexico to exchange more customs information and set up systems to catch would-be terrorists and criminals at the border.  »

En d'autres mots, la coopération amicale et complète que les autres alliés attendaient des États-Unis dans la guerre contre la terreur, GW l'offre sans restriction aux Maxicains. Au contraire, la crise sera une occasion d'encore resserrer les liens entre les deux pays, et la frontière ne sépare pas les deux pays mais est qualifiée de « commune » (ce qu'elle est certes, mais l'esprit de la remarque compte), c'est-à-dire quelque chose qui rapproche plutôt que de séparer. Le discours de GW contient en substance la perception que le Mexique et les USA forment un bloc et que la défense contre le terrorisme doit s'organiser comme s'il n'y avait qu'une seule entité. Cet état d'esprit affecte évidemment tous les autres domaines des relations, comme on le savait déjà, avant l'attaque du 11 septembre.

Le contraste avec le Canada est saisissant. Alors que la coopération des USA et du Canada sur le terrorisme est du même esprit qu'avec les autres pays soi-disant allié, une décision récente d'augmenter de 29% les tarifs douaniers sur les importations de bois canadien montre encore plus nettement combien le traitement du Canada est différent de celui que GW réserve au Mexique. C'est un cas bien significatif où l'idée de la proximité existant entre pays anglo-saxons, et notamment entre les USA et les autres pays anglo-saxons, est largement et significativement démentie par la réalité. Les relations USA-Mexique constituent décidément un cas tout à fait intéressant : le président américain le plus hostile à toutes les relations constructives, de compromis, d'aide, etc, avec les pays du Sud, devient dans ce cas un ardent promoteur de la coopération la plus ouverte et la plus engagée avec un pays qui est effectivement, socialement, démographiquement, un grand pays du Sud. Les relations entre les USA et le Mexique échappent complètement au schéma habituel des relations des USA avec le reste du monde, et les 27 millions de Mexicains qui résident aux USA, naturalisés ou non, immigrants légaux ou pas, y sont pour beaucoup. Pour comprendre l'avenir des USA, le volet de relations entre ces deux pays est un facteur essentiel.

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