L’UE et le sentiment national

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Revenons sur cet intéressant article écrit notamment autour de l’intervention, la semaine dernière, du ministre des affaires étrangères allemands et déjà signalé à ce propos dans cette rubrique. L’article est de Richard Bernstein, un de ces journalistes américains qu’on juge connaisseurs de l’Europe, — et particulièrement de la France, tant le non-dit américain vous dit que connaître l’Europe sans la France c’est n’en rien connaître, et connaître la France c’est déjà presque connaître l’Europe. Bernstein a été correspondant du New York Times à Paris de 1984 à 1987 et a ramené de cette expérience un livre (Fragile Glory), qui mélange de façon acceptable (c’est-à-dire équitable) les stéréotypes et lieux communs, une portion notable de la fascination américaine pour la France et des observations sensées et bienvenues. Le titre offre finalement une belle interprétation de l’objet qu’il prétend embrasser.

L’article de Bernstein est intéressant d’un point de vue européen, dans ce qu’il suggère plus qu’il ne dit, par des appréciations qu’on dirait de perception plutôt qu’objectives. C’est un dithyrambe dissimulé de l’Europe, — l’Europe qui résistera à tout, qui sera sauvée et même continuée et ainsi de suite. Il y a de la langue de bois là-dedans, et puis, aussi, de la vérité. Ce dernier point, d’autant plus acceptable à la mesure de la nuance qui se dégage finalement, et qui attache notre intérêt parce que nous la jugeons essentielle.

Le passage ci-dessous nous en dit plus :

« Measured by the mood in France and the Netherlands these days, the sense is that the EU's momentum has ground to a halt, and, clearly, it has, though the heads of state of the 25 member countries will meet in an emergency session in Brussels next week to try to decide how to get the machine in motion again.

» But measured against European history, European integration is a remarkable accomplishment, helping to transform one of the most war-torn, politically afflicted and economically divided large regions of the world into an immense international club where war has become unthinkable. It has done so, not by eliminating nationalism, but by changing it.

» “People aren't less patriotic,” Leonard said. “National identities haven't waned at all. If anything, they've become stronger. Germany, for example, has become much more self-confident. Britain as well. People are more patriotic than they were 20 years ago.”

» “But the EU has changed the nature of nationalism within Europe,” he said, “so it's no longer about fighting wars with each other, but managing diversity peacefully.” »

Impossible aujourd’hui de lancer des hypothèses précises sur l’avenir de l’imbroglio européen, dans quel sens il va être dénoué, par quels moyens, etc. Une seule chose nous apparaît avec certitude, que cet article illustre, sans doute involontairement : la question de l’identité nationale, son maintien, sa protection, son affirmation, a fait une intrusion explosive sur la scène européenne. (Le reste, question de sémantique, appeler cela “patriotisme apaisé”, bannir évidemment, — horreur, — le mot “nationalisme” sans qualificatif pacificateur, etc., voilà qui est d’une importance accessoire.)

Que tout cela soit venu de la France n’a rien qui doive nous étonner. Cette question de l’identité nationale ne nous quittera plus. Il faudra que l’UE la résolve pour survivre, en lui donnant la place qui convient, la première. C’est désormais une condition sine qua non de l’Europe, et un germe de révolution par rapport aux courants idéologiques dominants.

Mis en ligne le 7 juin 2005 à 19H45

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