L’oracle Goldberg

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L’oracle Goldberg

Jeffrey Goldberg est un journaliste israélo-américain assez représentatif de ce qu’est un tâcheron fabricant d’opinion dans la presse du système dominant.

Ce néoconservateur, gratifié par plusieurs prix décernés par ses confrères de la presse, avait quitté les Usa avant d’avoir achevé ses études pour faire son service militaire comme gardien de prison en Israël, au moment de la première Intifada.

Parmi ses hauts faits d’armes, il a commis en particulier un article dans le New Yorker en 2002  dans lequel il affirmait un lien possible entre les services de  Renseignements irakiens et Al Qaïda. La collusion y est présentée comme une hypothèse forte. Le tout était développé sur fond d’entretiens avec des Kurdes de la région de Halabja. Ils avaient subi en 1988 un massacre à l’arme  chimique  en réponse à la tentative sécessionniste de l’Union Patriotique du Kurdistan en pleine guerre Iran-Irak.

La mise à contribution très couleur locale des Peshmergas interrogés authentifiait à la fois la possession d’armes de destruction massives par l’Irak ainsi que la responsabilité de Saddam Hussein dans l’effondrement des trois tours de New York.

Belle construction d’une pièce du prologue qui a conditionné et introduit l’œuvre majeure de la destruction de l’Irak.

Il collabore depuis 2007 au magazine The Atlantic. Dans sa dernière livraison (avril 2016), il a rassemblé les données des interviews accordées par BH Obama et ses proches collaborateurs pour en réaliser une synthèse, la ‘doctrine Obama’.

L’esquisse voudrait rendre compte des choix du 44ème POTUS en matière de politique étrangère.

La longueur du propos par lequel il signale sa proximité avec le chef de l’exécutif selon un style anecdotique qui se veut vivant aboutit à une conclusion sans appel, le Moyen-Orient n’est plus une zone stratégique majeure pour les Usa. Pour les détracteurs de la position d’Obama et ils sont nombreux dans l’establishment de la politique étrangère, l’ implication moindre dans les affaires de l’Orient arabe précipite le déclin étasunien. Selon l’homme encore en poste à la Maison Blanche, au contraire, poursuivre les guerres telles que menées jusqu’ici fragilise l’économie et expose la vie de nationaux pour des causes qui ne sont pas d’un intérêt sécuritaire direct pour le pays.

Goldberg revient sur l’épisode du 30 août 2013.

Il serait inaugural d’une nouvelle séquence de politique étrangère étasuniene timorée sinon isolationniste.

Les aviations alliées de l’OTAN et en première place, la française, étaient sur le point de bombarder la Syrie quand Obama a effectué une volte-face. Il a laissé au Congrès le soin de la décision de non intervention. Aveu de faiblesse atténué par l’offre de Poutine du démantèlement de l’arsenal chimique syrien.

En arrière plan de cette mise en scène médiatique, une confrontation entre la Russie et la Chine avec l’Otan où l’arme nucléaire aurait pu être employée a été évitée.

Mais l’auscultation du journaliste manque assurément d'un diagnostic plus précis. Il borne en effet son champ d’observation et d’intérêt à l’Orient arabe.

L’été 2008, sous le mandat de Bush le deuxième, peut être retenu comme date d’une indifférence suspecte de faiblesse des Usa dans une situation où un proto-allié se recommandait de sa protection dans la défense de son intégrité territoriale. La Russie a soutenu sans encombre l’affirmation sécessionniste de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. Saakachvili et ses conseillers stratégiques ont mordu la poussière.

Il est vrai que la destruction de l’Irak dans le sillage de l’occupation de l’Afghanistan, victime depuis trente ans de l’interventionnisme étasunien, puis de la Syrie quelques années plus tard est plus bruyante.

Par ailleurs, la pause des manœuvres militaires directes dans la région n’équivaut pas une absence d’activité. 10 000 à 20 000 ‘combattants’  ont été formés et équipés pour constituer la colonne des opposants dans l’Armée Syrienne Libre avec l’appui des Usa, même si la majorité des deniers provenait des bourses des pétromonarques et si le contrefort logistique était assuré par la Turquie.

Plutôt que d’envoyer des soldats auxquels il faut prodiguer des soins et payer une pension à leurs veuves, la création d’escadrons de la mort nouvelle mouture aux couleurs ‘islamistes’ et de tendance internationaliste tient lieu d’engagement avancé. La dissémination depuis la Libye d’armes et d'une idéologie nihiliste qui trouve des adeptes dans une jeunesse sans perspectives et sans culture politique ne menace pas le territoire des Usa et curieusement épargne Israël.

Oui, il y a déclin.

De plus, il y a récession mondiale, les indices de mesure utilisés communément en attestent.

Imprimer du papier monnaie, descendre en dessous de zéro les taux directeurs des banques centrales ne changeront rien au fait empirique que les seuls emplois créés sont à temps partiels et/ou dans les services, pas dans la production.

Les Séoud et le régime de Tel Aviv ont pris acte du retrait étasunien accompli en faveur de partenaires et ou rivaux potentiels extrême-orientaux.

Netanyahu va s’apercevoir que malgré la toute-puissance de l’AIPAC, c’est l’opinion étasunienne dans son ensemble qui est moins concernée par la situation de ‘la seule démocratie’ du Moyen Orient. Celle qui tue un enfant palestinien tous les trois jours depuis 2000, exécute des Résistants extrajudiciairement, vole des terres et emprisonne des milliers d’habitants de la Cisjordanie. De multiples sondages l’indiquent.

Le symptôme le plus pertinent en serait la déclaration de Donald Trump qui dans sa course pour l’investiture a osé affirmer que dans le ‘conflit’ palestinien, il s’en tiendrait à une position de neutralité et qu’en cas d’échec des négociations (de paix), Israël en serait tenu pour responsable. Toute considération de loufoquerie de la part du milliardaire original mise à part, un tel propos aujourd’hui dans une campagne électorale étasunienne ( peut-être pas française ?) n’est plus un acte suicidaire….

L’évolution des aides annuelles payées par le contribuable étasunien à l’enclave sioniste sera un  bon indice de ce fléchissement. Netanyahu avait exigé leur augmentation drastique en raison de la menace iranienne toujours imminente depuis trente ans et encore plus urgemment immédiate depuis l’accord sur le nucléaire. Depuis que le système des missiles S-300 voire S-400 a été (ou est en cours) de livraison à l’Iran et grâce à un très solide entraînement au sol des forces syriennes, iraniennes et du Hezbollah avec un équipement russe à  mesure, la ferblanterie des Forces d’occupation israéliennes a perdu toute force de dissuasion et de répression. L’armée israélienne voit son efficacité limitée à des tirs sur des manifestants civils et à des arrestations opérées de nuit au domicile des Palestiniens.

Le gouvernement Netanyahou dans son conseil des ministres hebdomadaire fait le point de l’avancée des mesures anti-BDS développées contre les citoyens et les institutions religieuses, syndicales et académiques du monde entier. Un énorme arsenal technico-économique a été mis en place pour les instaurer. Ils ne peuvent que se féliciter de la docilité française. Ce niveau de préoccupation témoigne assurément de la perte irréversible de la guerre médiatique des sionistes.

Les Séoud  rendus arrogants et aussi illégitimes que le régime de Tel Aviv par le soutien jusque là sans faille du Maître du Monde vivent une intense paranoïa, entourés par des pays vécus comme  hostiles, Syrie, Irak, Yémen et même le Liban. L’Egypte a été récupérée de justesse des mains des Frères musulmans au moyen d’un coup d’Etat militaire.

Ils développent à usage interne un nationalisme agressif qui invite sa  jeunesse à s’identifier au sémillant et belliqueux prince héritier de 29 ans, l’actuel ministre de la Défense.

Ils exposent désormais sans vergogne l’alliance de longue date pratiquée avec leur réplique théocratique israélienne. Ils s’y sont acculés, comme si elle pouvait leur être d’un quelconque secours.

Les Usa ont démontré leur capacité d’indépendance énergétique au travers de leurs ressources en hydrocarbures non conventionnelles. Même si elles subissent pour l’instant une veille forcée imposée par la baisse du prix du baril maintenue par les Séoud.

Leur besoin récent d’étiqueter le Hezbollah d’organisation terroriste appartient au syndrome de panique paranoïaque. Ce royaume a acquis pour 90 milliards de quincaillerie militaire aux seuls USA en moins de cinq ans et nourrit des craintes à l’endroit d’un mouvement de résistance de 3000 hommes ! Une poignée d’hommes certes mais aguerris qui a obtenu une victoire sur son voisin du Sud en 2006 et le tient en respect.

L’appréciation publique que fait Obama du travail  incomplètement et mal exécuté par ses vassaux Cameron et Sarkozy en Libye est remarquable  d’enseignement sur le cynisme pitoyable d’une nation en perte d’hégémonie.

Ce machin qui ne tient plus son rang  ne sait pas perdre avec décence.

La substance de l’exposé Jeffrey Goldberg est perçue depuis longtemps et ne comporte aucune révélation oraculaire.

La relever sur ce magazine aux 400 000 abonnés, c’est la transformer  pour lui accorder le statut de ‘nouvelle vérité officielle’. Les pays vassaux et leur clique politique sauront-ils en faire bon usage ?

Quant à ceux que l’ordonnancement du monde sous la férule étasunienne défavorisait ou heurtait leur éthique, ils doivent travailler d’arrache-pied à la construction d’un système équitable et respectueux de chacun et de tous. L’échéance est courte. Nous sommes déjà dans l’après et pas assez prêts.

 

Badia Benjelloun

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