Les perspectives syriennes d’Hillary

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Les perspectives syriennes d’Hillary

On n’étonnera personne en poursuivant le propos de PhG, en confirmant la poursuite et l’aggravation sans cesse de l’“American chaos”. Le dernier en date dans cette agitation, c’est l’affaire des sondages Hillary-Trump depuis trois semaines, qui devient un extraordinaire pacours de montagnes russes (quoique cette image “poutinienne” ne soit pas des plus heureuses, question de sécurité nationale). Jusqu’au début juillet, Hillary menait (d’ailleurs depuis longtemps, avec une avance d’autour de 5 points) ; à partir du début juillet et jusqu’à la convention républicaine, Trump s’installa à égalité, voire en tête de 2-3 points devant Hillary ; avec la convention démocrate, qui fut pourtant chaotique, puis avec quelques fausses manœuvres de taille de Trump, Hillary prit soudain une avance considérable, dépassant les 10 points, parfois jusqu’à 15 points (sondage McClatchy du 3 août). C’est alors qu’il fut annoncé au monde que l’enterrement de Trump commençait, – à moins qu’il se retirât vite fait, – après que son “implosion” eût été considérée comme acquise ; mais hier, patatras, un sondage d’une des références les plus sérieuses (Reuters/IPSOS) annonçait un brusque rétablissement de Trump jusqu’à trois points d’Hillary (42%-39%) alors que le sondage prévoit une marge d’erreur de 3%.

Reuters en est si complètement saisi qu’il pourrait peut-être prévoir une nouvelle modification de sa méthodologie d’interprétation des résultats, alors qu’il en a déjà effectué une, il y a une quinzaine de jours, après avoir déterminé un résultat très haut pour Trump... Titre très illustratif de ZeroHedge.com : « Reuters Baffled As Clinton's Lead Over Trump Suddenly Evaporates », puis quelques mots sarcastiques :

« We're gonna need another polling methodology 'tweak'...

» Having seen her poll numbers suddenly explode higher (and Trump's collapse) following Reuters' decision to tweak its polling methodology, it appears we just witnessed ‘Peak Hillary’ as Reuters reports Clinton's lead over Trump has tumbled back to just 3 points (the poll had a credibility interval of plus or minus 3 percentage points) meaning, as Reuters is forced to admit, that the results suggest the race is roughly even... »

Conclusion de Reuters/IPSOS : « The reasons behind the shift were unclear » ; traduisons : “American chaos”... Chaos, certes et d’autant plus, que se vérifie l’observation que nous faisions sur la “complémentarité agressive et d’excitabilité” des deux candidats, entre l’erratisme de Trump et la mensongerie congénitale d’Hillary, cette dernière en ayant encore donné une formidable démonstration vendredi en annonçant le nouveau concept postmoderne de “dire la vérité en court-circuitant la vérité”, ce qui signifie sans doute “aller plus vite à la vérité” en en dissimulant certains aspects qui chargent trop le propos puisqu’il s’agit d’arriver à la conclusion “Hillary est innocente et ne ment jamais”. Comme déjà dit, Clinton ne cesse d’épuiser jusqu’à ses plus farouches partisans (The Atlantic a publié un article au bord de l’épuisement effectivement, sous le titre : “Why Can't Hillary Clinton Stop Lying?”).

...Ce faisant, notait ZeroHedge.com à nouveau, Clinton a réussi à redresser la barre pour le compte de Donald Trump qui continuait à se battre contre d’inutiles moulins à vent, telle sa querelle avec la famille Khan, dont le père avait parlé à la convention démocrate :

« One of the biggest surprises over the past week was Donald Trump's dramatic meltdown, and subsequent escalation, with the family of Humayun Khan, the US Muslim captain killed in Afghanistan in 2014, who during the DNC, tangentially accused Trump and his potential policies of being responsible for their son's death (he wasn't). What is most striking is that instead of ignoring this attempt to bait the Republican candidate in public, to which he most gladly obliged, he should have simply moved on and stayed on the offensive, pressing Hillary over the recent Wikileaks disclosure revealing the cronyism and corruption within the Democratic Party, as well push the familiar narrative of her email scandal.

» Conveniently, Hillary helped him do just that yesterday, when she acknowledged on Friday afternoon that she may have "short-circuited" when she claimed in recent interviews that FBI Director James Comey said she was “truthful” about her use of a private email server as secretary of state.  In doing so Hillary once again shifted the news spotlight away from Trump and back on to herself, as she once again revealed that the only consistent thing about Hillary Clinton are the constant lies. »

Si ces présidentielles-2016 sont, comme nous le pensons, une tragédie-bouffe, nous avons actuellement notre ration de “bouffe”, – jeu de mots involontaire... Reste la tragédie, qui n’en est pas moins réelle, car l’on sait quels formidables enjeux charrie cette extraordinaire élection qui ressemble à une immense émission de téléréalités ou à une de ces émissions Intervilles de la toute-première version, pour ceux qui avaient déjà du poil au menton dans les années 1960, avec l’inimitable quarteron Guy Lux-Simone Garnier-Roger Couderc-Léon Zitrone. La séquence de la semaine dernière qui a vu l’“implosion” et l’enterrement de Donald Trump, a conduit au-devant de la scène l’analyse des perspectives que nous réserverait une présidence Clinton, cette fois d’une façon concrète et réaliste. En même temps circulaient les premières hypothèses structurées, les premiers scénarios concrets à cet égard... Certes et sans surprise, un mot domine ces réflexions : guerre, guerre, guerre.

Un texte assez court mais très dense nous a particulièrement intéressé, de l’auteur libertarien et adepte du panarchisme Michael S. Rozeff, économiste et professeur mérite, et qui publie sur le site libertarien LewRockwell.com. Il donne une appréciation prospective assez acceptable d’une arrivée au pouvoir de Clinton. Le texte est daté du 6 août, sous le titre « Hillary, Putin and Syria ». Rozeff envisage, d’une façon assez logique, qu’Hillary portera son effort belliciste initial contre la Syrie et contre Assad, conduisant à un risque très grand, sinon à une certitude d’affrontement avec la Russie. Il mentionne la spéculation importante d’un Poutine tentant d’arrimer sérieusement la Turquie d’Erdogan à son camp, ce qui grandit encore l’importance déjà considérable de la rencontre Poutine-Erdogan de mardi à Saint-Petersbourg (nous reviendrons sur elle).

Rozeff envisage une équipe Clinton composée de certaines des plus fameuses “harpies” du libéral-interventionnisme type-R2P, cela correspondant à nos appréciations, – par exemple Nuland à la tête du département d’État, Michelle Flournoy au Pentagone (grande joie pour la civilisation ! Première femme à la tête du Pentagone), Samantha Power à la tête du NSC... Ce qui mettrait aux mains d’une gent féminine caractérisée par un bellicisme-affectiviste sans le moindre frein à la tête de toute la structure de sécurité nationale des USA. Rozeff parle à cet égard des “gloussements” d’aise des neocons Kristoll et Kagan qui pourtant, à côté de ces guerrières furieuses, font, selon ses propres mots, un peu figure d’eunuques vieillissants.

« Hillary Clinton is very hawkish on getting rid of Syria’s Bashar Al Assad. She’s very hawkish on standing up to Putin in Syria and elsewhere. She’s hawkish on suppressing Iran.

» As president, her preferences will be to ratchet up tensions against these, her chosen enemies. It’s not hard to imagine that she will bomb Syria’s infra-structure: electricity, water, factories, communications, and air force. Other possibilities include enlarging support to anti-Assad groups, regardless of their moderation, extremism, genocidal tendencies or whatever. That means equipping them with sophisticated weaponry. She’ll of course demand that Assad resign. She’ll send strongly worded demands to Putin too, mostly that he get out of Syria. These demands to both men will be accompanied by threats of new sanctions and bombardment by American forces. She’ll increase the American boots on the ground. She’ll make speeches that they are bad guys with bad human rights records. When her own actions precipitate an even greater humanitarian crisis of refugees, hardship and disruption, she’ll use that as a further excuse to intervene. The cries of the Syrian people or of various groups being decimated by anti-Assad forces will go unheard and unanswered, except to blame it all on Assad and Putin.

» Putin will attempt to neutralize or outflank her moves without doubling down in Syria and getting Russia even more involved than it already is. He will parry her with countermoves. He is already doing this by the military action on Aleppo. He will try to rope Erdogan further into his camp and close down Turkey’s support of anti-Assad forces that have moved across the Turkey-Syria border. He’d like to see Turkey kick the U.S. and its nuclear weapons out of the Ircilik air base. He might launch a new peace conference offensive. Putin has already decided that Clinton’s election greatly increases the chances of war, and he has already begun to beef up his forces, satellites and armaments in Eastern Europe. He could counter Clinton with a blunt warning that he’d use the S-400 SAM throughout Syria if any moves to bomb Assad directly were made. He might be able to persuade Turkey to leave NATO and threaten Clinton with that.

» With a Clinton-Nuland-Flournoy-Power team of viragos going into power, they will give the Harpies a great deal of competition. Bill Kristol and Robert Kagan will look like cluck-clucking eunuchs next to these, their protégés, whose fixations on “enemies” are fed by their hatreds. »

Tragédie-bouffe ? Là où le bouffe rencontre la tragédie, c’est certainement dans le climat créé par la controverse autour des e-mails révélant le comportement de la direction démocrate vis-à-vis de Sanders. Immédiatement attribuée aux services russes par les démocrates, cette “fuite” a ainsi installé un climat de ferveur antirusse qui est une des caractéristiques de la campagne, du côté des démocrates et de l’establishment en général. Cela signifie qu’une victoire de Clinton, quoi qu’il en soit, serait immédiatement perçue comme un blanc-seing pour une politique extrêmement activiste, sinon belliciste vis-à-vis de la Russie, et d’abord sur le théâtre syrien où les Russes ont réussi à s’installer fermement et en général avec succès. Pour cette raison, effectivement, l’hypothèse d’une aggravation immédiate de la situation dans cette zone, avec intervention agressive multipliée des USA, avec le risque d’un affrontement avec la Russie approchant la quasi-certitude, doit être considérée comme ayant un très grand crédit.

En recevant Erdogan mardi, Poutine aura évidemment cette possibilité à l’esprit.

 

Mis à ligne le 7 août 2016 à 13H16

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